livre-le-vin-et-moi-jacques-dupontJacques Dupont, irremplaçable « Monsieur vin » de l’hebdomadaire Le Point, nous livre, pêle-mêle, ses souvenirs de dégustateur, ses sourires et ses irritations. Une plongée érudite et passionnante dans l’univers du vin, écrit, bien sûr, avec la verve inimitable du journaliste.

Jacques Dupont, « Monsieur vin » du Point, publie un nouvel opus. Cet ouvrage mérite infiniment plus le détour que ce que son titre, franchement banal – « tarte », même, aux dires de l’auteur – pourrait laisser à penser. Lire « Le vin et moi », c’est un peu comme déjeuner avec Jacques Dupont : on passe un moment délicieux, et la conversation rebondit de souvenirs en anecdotes, toutes plus savoureuses les unes que les autres.

L’auteur, avec une verve impayable, traque sans indulgence les défauts de langage qui jalonnent nos conversations. Ce fin dégustateur n’a pas son pareil pour débusquer les termes détournés de leur signification initiale ou les contorsions que nous imposons à notre pauvre langue française pour exprimer nos sensations. Chers lecteurs, vous vous y retrouverez forcément dans l’une de ces erreurs que Jacques dénonce avec humour. L’auteur n’interdit pas pour autant les néologismes : l’affreuse expression de « buvabilité » par exemple, inventée par Olivier Poussier, a toutes ses faveurs ! Vous trouverez dans cet ouvrage non seulement une brillante définition de ce qu’est la minéralité en Champagne, mais, beaucoup plus subtil, vous apprendrez à établir la distinction entre minéralité et tension… Et vous saurez enfin reconnaître l’arôme de pierre à fusil, « surtout si on n’a pas eu la chance de participer aux guerres napoléoniennes car depuis, la notion et l’usage s’en sont un peu perdus. ».

L’auteur cible également les étiquettes illustrant par quelques exemples croquignolesques le principe selon lequel « Origine vénérée, graphisme modéré ; origine modérée, soin graphique vénéré ». La contre-étiquette n’échappe pas au scanner de son œil impitoyable, et d’ailleurs l’auteur, féroce contempteur de l’hygiénisme qui fait des ravages aux plus hauts niveaux de notre administration, ne se prive pas d’alerter : « En cette époque où les fanatiques de la militance consommatrice, pour qui la transparence ne connaît pas de limites, souhaitent transformer la bouteille de vin en manuel de prévention de centrale nucléaire, il serait peut-être utile que le monde du vin réfléchisse à une sorte de charte de la contre-étiquette avant que d’autres s’en chargent. »

Il en a parcouru, des kilomètres dans le vignoble, Jacques Dupont, à la découverte des domaines et à la rencontre des vignerons, s’attelant avec courage à l’exercice stakhanoviste de la dégustation comparée de dizaines, voire de centaines de vins goûtés et re-goûtés, généralement à l’aveugle. De ses rencontres, il nous décrit le métier de vigneron, le, ou plutôt les métiers puisque, outre les indispensables compétences techniques à la vigne et dans la cave dont celui-ci doit faire preuve, l’auteur rappelle combien le viticulteur est écrasé sous les contraintes de la paperasserie administrative. « La simplification est en route, paraît-il, mais à marche lente, de ce pas lourd, chaloupé, retenu qu’adoptent les éléphants d’Afrique quand le soir ils vont au fleuve boire et se baigner… »

Il en résulte un ouvrage merveilleusement érudit, documenté, et plein de conseils précieux. Vous y apprendrez par exemple, à la manière d’Eric Beaumard (Georges V), à éviter de froisser un propriétaire bordelais en employant les expressions ad hoc pour qualifier un vin fluet – vous évoquerez ainsi un « fort indice de souplesse », et si le vous trouvez son vin « soyeux comme du papier de verre », vous vous contenterez de souligner son caractère « légèrement astrictif »… Une seule anecdote – truculente – manque. Demandez donc à Jacques Dupont comment est née son amitié avec Philippine de Rothschild… Il l’évoquera peut-être dans un prochain ouvrage ?

Ne manquez pas non plus les lignes que l’auteur consacre au vin nature… « Quand je lis sur certains blogs qu’il faut oublier nos références et ne pas s’inquiéter quand le vin sent le fumier ou le pipi de souris (sic), là je m’inquiète  (….). Je ne dis pas que, pendant les horreurs de la guerre, nos anciens ont dû boire des choses de ce genre. Mais nous, on n’est pas forcément obligés, en temps de paix… A moins de boire au calice de la doctrine. »

Autant de souvenirs et de réflexions, de commentaires glanés au fil des ans, des lectures et des rencontres, qui nous incitent nous lecteurs à une profonde humilité dans la poursuite de notre apprentissage du vin. Sans jamais oublier non plus la recommandation du merveilleux poète perse Omar Khayyäm :

« Bois du vin, car tu dormiras longtemps sous la terre,
Sans compagnon, sans ami, sans femme,
Garde toi de confier à personne ce secret :
Un coquelicot fané ne refleurit jamais »

Le vin et moi – Jacques Dupont
Paru chez Stock – 18€

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