critères environnementaux investissement vin

Face aux dérèglements climatiques, comment réagissent les amateurs de grands crus dans leurs achats et leur consommation ? Quelques clés d’analyse avec Angélique de Lencquesaing, interviewée sur BFM Patrimoine.

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Chaque mois, Angélique de Lencquesaing répond aux questions de Cédric Decoeur, au sein de l’émission BFM Patrimoine. Il y a quelques jours, elle intervenait sur un sujet qui anime les investisseurs, dans leurs choix et leur stratégie : quelle importance accorder aux critères environnementaux dans les décisions d’achat de grands crus ? Décryptage.

Cédric Decoeur : Angélique de Lencquesaing, vous venez régulièrement commenter le marché des grands crus, vous qui scrutez en permanence les tendances observées dans les ventes aux enchères pour déterminer quels sont les vins, les domaines, les régions qui se distinguent. Aujourd’hui j’aimerais aborder avec vous un sujet plus transversal, celui des critères environnementaux. Sont-ils déterminants dans les choix effectués par les amateurs ?

Oui, comme pour l’investissement financier, ce n’est pas un diktat, mais ces critères vont peu à peu occuper une place croissante dans le processus de décision des amateurs désireux de constituer une cave.

Nous avons chez iDealwine voulu sonder les amateurs après l’épisode de canicule de l’été dernier (2ème été le plus chaud depuis 1900 d’après météo France), pour savoir si la prise de conscience des dérèglements climatiques entraîne chez eux des changements dans leurs décisions d’achat de vin.

Quel est le profil des amateurs que vous avez interrogés ?

Assez proche de celui de l’investisseur financier, probablement. Un profil d’amateur âgé de 49 ans en moyenne, qui gère sa cave sans perdre de vue les considérations patrimoniales. En matière de vin, 47% des Français se considèrent comme des amateurs éclairés, d’après une enquête menée par l’agence SOWINE. Clairement, nos répondants se situent dans ce segment, leurs réponses peuvent en attester.

Les considérations environnementales ne sont pourtant pas très nouvelles en matière de vin, avec l’émergence du bio ?

Effectivement, les vignerons sont l’avant-poste du changement climatique, tout particulièrement ceux qui exploitent un vignoble dans les régions les plus méridionales. Cela fait des années, des décennies qu’ils adaptent leurs pratiques pour accompagner le changement. L’objectif derrière cela, c’est de continuer à produire le meilleur vin possible.

Nous suivons ce sujet de près chez iDealwine, car pour ce qui concerne la distribution de vins en direct de notre réseau de 850 domaines partenaires, près de 50% des vignerons sont certifiés en bio ou en biodynamie, et les autres travaillent de manière raisonnée, avec un grand respect pour l’environnement.

Vos amateurs plébiscitent-ils le bio, précisément, en réponse au changement climatique ?

C’est sans doute une tendance plus profonde qui émerge depuis plusieurs années. Parmi les critères de choix déterminants, 32% des répondants envisage en effet à l’avenir de choisir en priorité des domaines certifiés en bio ou en biodynamie, ou de se tourner vers des vins nature.

Les caves des amateurs vont donc se transformer en profondeur à l’avenir ?

Peut-être, mais ce n’est pas encore pour tout de suite ! Pour 60% des amateurs le changement climatiques ne viendra pas révolutionner la composition de leur cave dans l’immédiat. Ce qui fait tout de même apparaître 29% d’amateurs songeant à changer. 11%, parmi les plus jeunes répondants, sans doute, ne sont pas encore concernés, ayant encore trop peu de vin dans leur cave.

La question qui fâche : pour vous qui vendez aux enchères des millésimes anciens, les amateurs vont-ils les délaisser au profit de productions plus récentes, plus « durables » sur le plan environnemental ?

Cela a été l’une de nos questions, effectivement. Et nous pouvons souffler ! Car près des ¾ des amateurs (74%) plébiscitent les vins matures. Nombre d’entre eux viennent chercher sur iDealwine des vins anciens et les millésimes récents du même domaine pour pouvoir comparer, et les autres vont accroître la proportion de vins anciens pour retrouver des équilibres aujourd’hui menacés. La désaffection, au bénéfice des seuls millésimes récents ne concerne en réalité qu’un gros quart (26%) des répondants.

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Tout de même, les amateurs vont rechercher plus de fraîcheur dans les vins, délaisser certaines régions, se tourner vers d’autres à l’avenir ?

Les amateurs ont indiqué avoir identifié des changements dans les vins, et, ce qui est intéressant, c’est que le changement est valorisé, pour 26% d’entre eux qui perçoivent de manière positive ces évolutions.

Quatre points méritent d’être soulignés. Une amélioration qualitative est constatée pour les cabernets sauvignon du Médoc, les cabernets francs de la Loire et les pinots noirs d’Alsace. En Bourgogne, les amateurs soulignent la plus grande souplesse des vins rouges même s’il leur apparait nécessaire de demeurer vigilants sur la puissance des vins.

Sans surprise les amateurs relèvent plus de lourdeur dans les vins sudistes de Châteauneuf, de Vacqueyras, dans certains chardonnays de Bourgogne (à Chablis tout particulièrement), sur la rive droite de Bordeaux (le merlot est particulièrement sensible à la chaleur). L’augmentation du degré alcoolique de certains vins étrangers (Espagne, Suisse, prosecco) est elle aussi identifiée.

Notons que pour les amateurs, ces changements doivent beaucoup à une évolution plus générale du goût des amateurs. Ce n’est pas seulement le changement climatique qui influe sur le goût des vins. L’appétence pour les vins fortement boisés (et « parkerisés » ?) semble avoir fait son temps.

Le degré d’alcool est un point important désormais…

Oui, c’est le 4ème point et c’est un sujet que les amateurs regardent, sans pour autant qu’il constitue un point discriminant (seuls 17% vont désormais se détourner de vins considérés comme trop alcooleux). Mais par exemple, sur certaines régions réputées pour la fraîcheur et la légèreté des vins comme le Beaujolais, ce point a été souligné par les amateurs.

Les fameux critères ESG, d’environnement durable, sont-ils pris en compte par les amateurs ?

Oui, sachant que le verre est aujourd’hui le poste qui pèse le plus lourd dans le bilan carbone d’une entreprise viticole, nous avons demandé aux amateurs quelle importance ils accordaient au choix d’un verre plus léger, d’emballages écologiques, de circuits courts… Pour l’instant seuls 37,5% des amateurs considèrent ce point comme un critère de choix déterminant. Une évolution qui va sans doute prendre une nouvelle tendance au cours des mois à venir, particulièrement dans le contexte inflationniste qui s’annonce.

Pour finir, parlons prix, bien sûr ! Les amateurs seront-ils prêts à payer plus cher pour un vin plus acceptable sur le plan écologique ?

Les amateurs se répartissent en trois tiers, pour simplifier. 36,4% d’entre eux pense trouver son bonheur sans avoir à modifier son budget, quitte à modifier ses choix. Un deuxième tiers (32,5%) acceptera au maximum 10% de hausse. Quant aux 31% restants, ils prendront leur décision en fonction de l’importance des changements initiés. Ce qui doit inciter, au passage, les vignerons et les domaines à agir, certes, mais aussi à communiquer.

Les consommateurs ont idée encore imprécise du travail mené par les vignerons pour accompagner les changements climatiques. Et pourtant, à terme, il est certain que les caves des grands amateurs comporteront, pour l’essentiel, des vins produits dans le plus grand respect des critères environnementaux.

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