Daube provenceIl n’y a qu’une seule daube, elle est forcément de bœuf et obligatoirement provençale, qu’on se le dise ! Un plat de pauvre, cuisiné à partir de bas morceaux, mais un festin pour ceux qui ne mangeaient alors pas souvent de viande. Une belle histoire et une recette qui apprécie les grands vins puissants du sud

L’histoire

Les grands plats traditionnels ont toujours plusieurs histoires et ils naissent rarement du néant sur une idée de génie. Leur histoire est le plus souvent une suite d’évolutions et de hasards qui finissent par être codifiés dans une première recette par un cuisinier au 18e ou 19e siècle. La daube (pas besoin de dire « de bœuf » ou « provençale », il n’y a qu’une seule daube, forcément à base de bœuf et de tradition provençale !) n’échappe pas à cette règle. La plupart des historiens de la gastronomie s’accordent qu’elle est née au bord des routes et des canaux provençaux au 19e siècle. Les rouliers ou charretiers (les ancêtres des routiers d’aujourd’hui) assuraient un trafic de marchandises alimentaires ou non depuis les villages de la Haute-Provence jusqu’aux grandes villes comme Aix ou Marseille. De même, les mariniers traînaient avec leurs chevaux les lourdes péniches sur les canaux près d’Arles. Ces hommes solides et de bon appétit raffolaient de plats roboratifs arrosés d’un bon vin rouge local. Et en particulier d’un ragoût de bœuf localement appelé « daube », un plat de pauvre qui était cependant un vrai festin pour ces gens des campagnes qui ne mangeaient du bœuf que lors des grandes occasions et ces voyages étaient appréciés pour le changement apporté aux routines alimentaires de leur quotidien. Le génie des cuisiniers fut de mettre en place une technique permettant d’élaborer un plat goûteux avec des matières premières de qualité médiocre (« l’adobo » en provençal contient l’idée d’une préparation qui améliore). C’est ainsi qu’au 19e siècle en Provence, et ce jusqu’à que les moteurs remplacent les chevaux, chaque relais de poste, chaque auberge gardait une marmite de daube au chaud pour nourrir à discrétion ces voyageurs affamés. La daubière était placée dans la cendre chaude, tout à côté des braises en attendant le gourmand qui la consommait à l’époque, soit avec des pommes de terre, soit avec une bouille d’épeautre. Les Italiens venus s’établir en Provence un peu plus tard ont introduit la polenta pour accompagner cette recette puis les macaronis (pâtes courtes en forme de petit tuyau) qui sont devenus au XXe siècle l’accompagnement traditionnel de toute daube au point que lorsqu’on parle de « macaronade » dans les menus des fêtes de villages on sous-entend daube accompagnée de macaronis.

Le plat

La recette de la daube
Pour 8 personnes

– 2,5 kg de morceaux de bœuf faisant chacun environ 80 g pris dans la galinette, le paleron, macreuse, jarret ou gîte à la noix)
– 4 gros oignons
– 5 gousses d’ail
– 150 g de poitrine de porc non fumée
– 6 branches de thym
– 2 feuilles de laurier
– 1,5 l de vin rouge puissant (Côtes du Rhône, Côtes de Provence)
– 15 cl d’un très bon vinaigre rouge (ou de Jerez)
– Huile d’olive
– Sel et poivre du moulin

marinade 1Placer tous les morceaux de viande dans une grande cocotte.
Ajouter 2 oignons coupés en 4, 2 gousses d’ail écrasées, 3 branches de thym, 1 feuille de laurier, 1,5 litre de vin et le vinaigre.
Couvrir d’un film plastique et laisser au frais au moins une bonne nuit.

Le lendemain, retirer les morceaux de viande de la marinade. Bien les égoutter et bien les sécher avec du papier absorbant. Passer le reste de la marinade pour ne garder que le jus. Jeter ce qui est resté dans la passoire.
Dans une grande cocotte en fonte, verser un peu d’huile d’olive et faire rissoler à feu doux la poitrine de porc préalablement hachée assez finement. Ajouter deux oignons grossièrement hachés et laisser rissoler à feu très doux sans faire roussir les oignons.
Ajouter les morceaux de viande et les faire revenir à feu très modéré en laissant s’évaporer l’eau qu’ils vont rendre. Ajouter trois brins de thym, une feuille de laurier et trois gousses d’ail épluchées et entières.
Ajouter ensuite très progressivement la marinade, louche par louche, en laissant bien chauffer la première louche avant d’ajouter la suivante. Sinon le froid de la marinade risque de « casser » le léger roussi du début de cuisson. Cet ajout progressif de la marinade risque de durer près de trente minutes !
Lorsque toute la marinade a été ajoutée, laisser cuire à couvert et à feu très, très doux pendant trois bonnes heures (la daube doit à peine frémir !).
Arrêter la cuisson et réserver jusqu’au lendemain. La daube refroidit en laissant une légère couche de graisse à la surface qu’il convient de ne pas enlever.
Le lendemain réchauffer la daube à feu très doux pendant deux petites heures. Une vraie daube ne se mange que réchauffée !

Servir soit avec des macaronis, soit avec des pommes de terre à la vapeur ou avec de la polenta débitée en petits rectangles de 2cm d’épaisseur qu’on fera revenir dans un soupçon d’huile d’olive dans une poêle jusqu’à ce qu’ils soient légèrement dorés.

Le vin

Domaine Les Cailloux
Cuvée Centenaire 2005
Châteauneuf-du-Pape

B2390704_386Le climat doit être particulièrement favorable aux ceps de grenache dans l’aire de l’appellation Châteauneuf-du-Pape car le nombre d’entre eux qui avouent avoir dépassé les cent ans est loin d’être négligeable. Beaucoup de domaines possèdent ainsi des parcelles ou des parties de parcelles comprenant de nombreux pieds centenaires de grenache, le cépage largement majoritaire dans l’appellation (autour de 75% en moyenne dans les vins produits ici, avec quelques de cuvées 100% grenache). La plupart d’entre eux font entrer ces très vieilles vignes soit dans leur cuvée unique comme par exemple le remarquable domaine Pierre André dont la moyenne d’âge des vignes dépasse les 75 ans (certaines ont 140 ans !), soit dans une cuvée spéciale, comme par exemple le domaine Les Cailloux d’André Brunel qui produit, les grandes années uniquement (les seuls millésimes qui ont été produits jusqu’ici sont 2010, 2007, 2005, 2003, 1998, 1990 et 1989), une « Cuvée Centenaire » issue d’une parcelle située au le lieu-dit Farguerol sur le plateau de Mont-Redon. Plantée en 1899, juste après le phylloxéra, avec un sol et un sous-sol peu calcaires où l’argile est dominant, tant en surface où il se mélange aux galets roulés, qu’en profondeur où une argile bleue et compacte transmet au vin une minéralité incroyable. L’âge moyen des vignes dépasse aujourd’hui les 125 ans ! Autant dire qu’on a affaire ici à un vin exceptionnel à laisser vieillir au moins 10 ou 15 ans pour en apprécier toute la complexité. Le millésime 2005 commence à très bien se goûter, même s’il n’a jamais été fermé ou austère. Aujourd’hui, c’est une “évidence de grand vin”. Le nez est profond et minéral avec une jolie retenue qui fuit l’exubérance facile. Tout est là, c’est à la fois sanguin et floral, les tannins sont fourrés et ne présentent aucune aspérité, la matière paraît moelleuse mais sans aucune lourdeur. L’équilibre est parfait, la qualité de texture exceptionnelle, la finale délicieusement minérale et digeste. Le tout reste très naturel avec une tension discrète ancrée au cœur du vin, et aboutissant à une buvabilité étonnante pour un tel vin. Et un accord magique avec cette daube qui a besoin d’avoir en face d’elle un vin qui offre du répondant, mais surtout sans excès, sinon on entre dans une surenchère de saveurs trop fortes et trop marquées. Toute la magie de l’accord est là, un vin dense et pulpeux qui tient tête au goût puissant du plat, mais avec suffisamment de finesse et de délicatesse pour se fondre sans s’imposer au moelleux de la viande tendre et longuement mijotée.

D’autres possibilités d’accord avec un châteauneuf-du-pape dans un style proche et d’un millésime assez riche (par exemple domaine Pierre André 2005, 2007 ou 2011, domaine Charvin 2001 ou 2005 ou domaine de La Vieille Julienne 2005 pour ne prendre que quelques exemples), mais aussi toutes les appellations du sud du Rhône dans des cuvées où le grenache est très majoritaire et un vin ayant au moins sept à dix ans de bouteille derrière lui (Gigondas, Rasteau, Vacqueyras, …).

 

Vigne centenaire
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