Le monde du vin est friand des querelles entre “anciens” et “modernes”. Et les amateurs de se diviser entre ceux qui apprécient les vins bénéficiant des meilleures recettes de l’œnologie et ceux qui défendent les cuvées élaborées “à l’ancienne”, dans la plus pure des traditions. Une guéguerre particulièrement vive dans l’appellation Barolo.
L’appellation Barolo : le nebbiolo et les différents crus
Le mode de vinification, objet de toutes les querelles
Chez iDealwine, on trouve un large choix de très jolies bouteilles en provenance d’Italie, et en particulier une belle série de barolos sortis des meilleurs domaines de l’appellation. Pour beaucoup d’amateurs, peu familiers avec cette appellation transalpine, il est sans doute difficile de savoir ce qui se cache réellement dans ces bouteilles, et à quel style de nebbiolo (le cépage emblématique du Piémont) ils vont avoir droit quand ils déboucheront ces belles références. Si la plupart d’entre eux sont capables de faire la différence entre la délicatesse quasi bourguignonne d’un Château Rayas et la puissance un peu sauvage de la cuvée Da Capo du Domaine du Pegau, ils sont moins nombreux à bien connaître les différences de caractère entre les vins produits par Giuseppe Mascarello et Giacomo Conterno et ceux d’Angelo Gaja ou de Roberto Voerzio. Les deux premiers sont des traditionnels, les deux derniers des modernes. Et derrière ces mots, il y a des vins réellement très différents.
L’appellation Barolo : le nebbiolo et les différents crus
Ceux qui ont eu la chance de voyager en Italie et qui ont découvert, au sud de Turin, les magnifiques collines de Barolo (dont Langhe-Roero et Monferrato sont classées au patrimoine mondial de l’Unesco) couvertes de vignes, de noisetiers, d’arbres fruitiers et coiffées de petits villages ou de châteaux, savent toute la magie qui se dégage des paysages de cette région. La surface totale du vignoble (entre 150 et 500 m d’altitude) couvre environ 1250 hectares, pour une production annuelle d’à peu près 8 millions de bouteilles. Le seul et unique cépage est le nebbiolo, le grand cépage des vins du Piémont, qui n’a été planté ici qu’au milieu du XIXe siècle, alors qu’il était déjà très dominant depuis longtemps dans les appellations du Haut-Piémont comme Gattinara ou Lessona.
S’il fallait comparer Barolo à une appellation française ou tout du moins à une région viticole, c’est sans aucun doute la Bourgogne (plutôt tendance Côte de Nuits) qui viendrait à l’esprit. À la fois par les caractéristiques naturelles du cépage nebbiolo (peu colorant, belle acidité) qui, au vieillissement peut évoquer le pinot (en plus tannique), mais également par la tradition de la reconnaissance de terroirs bien caractérisés et qui sont toujours identifiés sur les meilleures cuvées des vignerons, même s’il n’y a pas, comme en Bourgogne, une hiérarchisation officielle en premier et grand cru à Barolo.
Le nebbiolo est un cépage exigeant et très tardif. Pour atteindre les 13° exigés par l’appellation il faut donc attendre fin septembre début octobre pour les vendanges, ce qui a des conséquences sur les vinifications comme on le verra plus loin.
L’appellation possède deux types de sols assez différenciés qui expliquent déjà en partie les différences des vins qui y sont produits. Schématiquement, la partie ouest (zones de Verduno, La Morra, Barolo et Novello) est constitué de marnes calcaires assez compactes, plus fraîches et fertiles, donnant des vins relativement fins, fruités, aromatiques, se faisant plus rapidement que ceux de la partie voisine et opposée. La partie est de l’appellation (zones de Castiglione Falletto, Monforte d’Alba, et Serralunga d’Alba) comprend plus de grès et d’argile, les sols sont moins compacts, plus pauvres et moins fertiles, produisant des vins structurés, puissants et intenses qui vieillissent plus lentement.
L’élevage est réglementé d’une façon que nous ne connaissons pas à ce point en France et qui n’est pas toujours facile à appréhender ! Il doit légalement durer 36 mois au minimum (dont 24 sous bois, le reste en bouteille) et 60 mois pour les versions Riserva (dont 36 sous bois). La date de commercialisation est également réglementée, la mise en vente du vin en bouteilles ne pouvant se faire qu’à partir du 1er janvier qui suit la quatrième année (cinquième pour la version Riserva) suivant celle de la vendange. Ainsi, la vendange 2020 n’a pu être commercialisée en bouteilles qu’à partir du 1er Janvier 2024 (2025 pour les Riserva). Et il ne s’agit là que d’une date d’attente minimale, certains producteurs commercialisant leurs bouteilles bien au-delà du minimum légal !
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La vinification, objet de toutes les querelles
Vous qui êtes sans doute amoureux du pinot, vous n’êtes pas sans savoir que les vignerons bourguignons peuvent avoir deux styles d’approche de la vinification de ce cépage : certains, sans doute plutôt traditionnels, ne cherchent pas à extraire des tannins et de la couleur et produisent des vins “en dentelle” que certains amateurs associent à l’essence même d’un vin rouge de Bourgogne. D’autres, sensibles aux sirènes parkériennes, ont choisi la voie d’une extraction plus poussée pour produire des vins plus puissants, plus “musclés”. Et bien cette petite querelle n’est rien à côté de celle qui oppose depuis longtemps les deux écoles de vinification à Barolo ! Pour illustrer l’intensité de cette querelle, une famille même été conduite à bâtir un mur pour diviser leur vignoble, séparant ainsi deux frères aux visions et aux convictions radicalement différentes du barolo et de la façon de le produire !
Pour commencer, on l’a vu un peu plus haut, le nebbiolo est un cépage tardif. Ce qui veut dire que, quand il commence ses fermentations, mi-octobre, les caves sont déjà froides et les fermentations sont donc lentes à démarrer et, les caves ne cessant de se refroidir, ces fermentations ont tendance à durer très longtemps, au moins deux à trois mois. Autrefois, cette durée avait pour conséquence naturelle une extraction poussée des tannins et, par conséquent la nécessité d’un long élevage en foudres d’au moins cinq ans voire plus avec le risque d’une montée de l’acidité volatile.
À la fin des années 80, certains vignerons ont voulu chercher une autre voie. Pour eux le barolo “à l’ancienne” était condamné : les très longues macérations, les élevages de plusieurs années en foudre qui donnaient des vins aux finales sèches et qu’on devait attendre au moins vingt ans pour les boire, ils n’en voulaient plus. D’après eux, le goût des amateurs ayant évolué, ils souhaitaient produire des vins plus ronds, plus faciles, aux arômes plus fruités grâce aux techniques de l’œnologie moderne. Ils ont donc privilégié le fruit en maintenant les températures de fermentation en dessous de 28°, limité les durées de fermentation et de macération, utilisé des barriques plutôt que des foudres pour assouplir les tannins, et mis leurs cuvées en bouteilles plus rapidement. L’utilisation de cuves dotées d’hélices tournant à l’intérieur s’est répandue, permettant une meilleure extraction et réduisant la durée de macération à moins de dix jours. En fin de fermentation alcoolique, la cave est chauffée afin de faciliter la fermentation malolactique, diminuant l’agressivité de l’acidité traditionnelle du nebbiolo.
Pour séduire le marché américain, on a donc commencé à produire des barolos avec du gras, des saveurs boisées, un niveau d’alcool plus élevé, avec même un brin de sucrosité pour séduire le goût américain. Le plus emblématique de ces producteurs est Angelo Gaja dont le nom est devenu l’équivalent d’une véritable marque internationale, garante d’un vin séducteur et universel.
Les traditionalistes, s’ils ont refusé de céder aux sirènes des marchés internationaux, ne se sont pas contentés de continuer à produire un barolo comme on pouvait le faire dans les années cinquante. La majorité reste fidèle aux levures indigènes pour démarrer les fermentations, mais ils ont raccourci ces dernières à une durée allant de vingt à trente jours. Les cuves ne sont évidemment pas équipées d’hélices, mais pour les extractions on continue à procéder de façon classique, essentiellement avec des remontages (jus prélevé en bas de cuve et transféré en haut, au-dessus du chapeau qui est maintenu immergé à l’aide d’une grille. Le “gardien du temple” de ces traditionnels a longtemps été Giacomo Conterno. À sa mort, ses deux fils, Giovanni et Aldo se sont rapidement séparés en raison de l’approche différente qu’ils avaient du vin. Giovanni a poursuivi la tradition paternelle alors qu’Aldo fondait le domaine Aldo Conterno, qui se situe à mi-chemin entre la tradition et l’école moderne, une sorte de tradition “dépoussiérée” comme il l’a lui même revendiqué. Aujourd’hui, ce sont les enfants de Giovani et d’Aldo qui ont repris les domaines respectifs après la mort des deux frères.
Les grands domaines de Barolo
Retrouvez les grands domaines de Barolo sur iDealwine :
- Luigi Pira : situé dans le village mythique de Serralunga d’Alba, ce domaine signe des vins dans un style à mi-chemin entre modernité et tradition.
- Giulia Negri : quand la Bourgogne inspire Barolo, cela donne de grands vins fins, élégants, délicats… voyez plutôt !
- Roberto Voerzio : dans un style relativement moderne, ce domaine est une icône à Barolo. Petites barriques de chêne français, récoltes précoces, double vendange en vert annuelle et concentration exceptionnelle des vins amènent à ce style incomparable.
- Angelo Gaja : installée depuis le XIXe siècle, la famille Gaja s’est fait un nom sur les vignobles piémontais. Leur esprit d’innovation a permis de bâtir le succès et la réputation des vins de la région.
- Roagna : vous pouvez acquérir quelques bouteilles du plus jeune des traditionnalistes, les vins de Luca Roagna qui a repris il y a une quinzaine d’années le domaine familial et qui l’a intelligemment modernisé tout en lui conservant sa ligne traditionnelle avec de très longs élevages pour les grandes cuvées parcellaires de très vieilles vignes.
- Bartolo Mascarello : des vins produits de la façon la plus traditionnelle avec de très longs élevages en foudres. Ce domaine, considéré par de nombreux amateurs pointus comme un des tout meilleurs, est dirigé depuis quelques années par Maria Teresa Mascarello, digne héritière de la lignée d’hommes qui l’ont précédée. Ce domaine est également connu pour une de ses étiquettes sur laquelle était apposé le slogan “No barrique, No Berlusconi” pour marquer son attachement au barolo traditionnel et… un certain engagement politique ! Bartolo Mascarello, le père de Maria Teresa, a formé avec deux autres producteurs de barolos très traditionnels, Teobaldo Cappellano et Giuseppe Rinaldi, une association informelle qui s’est auto baptisée : “Les derniers des Mohicans”, pour bien signifier leur credo dans les traditions du vin “à l’ancienne”.
- Et bien d’autres encore : Fratelli Alessandria, Luciano Sandrone, Vietti…
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