Oxydation, acidité volatile, bretts, gaz, goût de souris : s’agit-il de caractéristiques ou des défauts que l’on peut discerner dans un vin ? Sans entrer dans le débat pro-anti vins nature, décryptons ces termes.
Depuis une bonne dizaine d’années, le vin “nature” est à la mode. Il règne dans les bars à vins “branchés” – enfin, quand ils sont ouverts – et peut atteindre des sommets aux enchères sur iDealwine. Ses caractéristiques au nez comme en bouche, que certains amateurs recherchent, sont considérés comme des défauts par d’autres. Mais au fait, quels sont ces défauts potentiels ?
« J’ai reconnu que c’était un vin “nature”, un nez d’écurie mal tenue et une bouche pleine de gaz et vinaigrée… » Vous entendrez souvent ce genre de discours de la part de certains amateurs. Sont-ils plus délicats que d’autres ou les vins “nature” sont-ils plus souvent que les autres sujets à des déviances qui les conduisent parfois directement à l’évier ?
Avant d’identifier ces déviances potentielles, faisons un petit point sur la définition d’un vin “nature”. Pour de nombreux amateurs, elle se résume à un vin sans soufre. La réalité est sensiblement plus complexe, même s’il n’y a pas de véritable définition officielle de ce que devrait être un vin “nature”. Il n’existe pas de cahier des charges reconnu par exemple par l’administration comme peut l’être une A.O.C. Selon le Syndicat de Défense des Vins Nature’L, qui est sans doute le plus représentatif de ce courant pas très structuré, pour être admis un vin doit être issu de raisins certifiés bio (ou en biodynamie), les vendanges manuelles, les vinifications en levures indigènes, aucun intrant n’est ensuite ajouté, aucun recours à des techniques physiques brutales et contraignantes (osmose inverse, flash-pasteurisation, filtration tangentielle, thermovinification…) n’est toléré, le soufre n’est pas autorisé en vinification, mais le reste à la mise en bouteilles à condition de rester en-dessous de 30 mg/l au total.
À la base, il n’y a aucune raison pour qu’un vin “nature” ait plus de défauts ou de déviances qu’un vin conventionnel. Pour des raisons très diverses, tous les vins peuvent être sujets à des problèmes, à des défauts. Si le vigneron récolte des raisins pas mûrs ou au contraire plein de pourriture pas noble du tout, qu’il soit conventionnel, en bio ou “nature”, il ne pourra pas produire un vin “nickel”. Et quelle que soit la philosophie d’un producteur un vin pourra être trop boisé, trop alcoolisé, trop extrait, etc.
Les vins “nature” par leur mode même de production, plus risqué, avec moins de protections, peuvent être sujets à d’autres défauts ou déviances (ou du moins perçus comme tels). Voyons quels sont les plus courants.
- L’oxydation. En mettant votre nez sur le blanc que vous avez dans votre verre, vous avez avant tout des arômes de pomme ou de poire blette, voire de cidre. Votre blanc est oxydé et cela ne va pas s’améliorer avec le temps… Si c’est un rouge, l’oxydation se traduira par des arômes d’acétate marqués (vernis à ongle) et une bouche plus ou moins vinaigrée. L’oxydation est notamment favorisée par une absence de soufre en vinification.
- L’acidité volatile. Elle est relativement difficile à distinguer des arômes d’acétate évoqués ci-dessus. L’acidité volatile est quelque chose de naturellement présent dans tous les vins. C’est son excès qui peut poser problème. Selon les règles légales elle ne doit pas dépasser 0,98 g/l pour les rouges et 0,88 g/l pour les blancs et les rosés. Quand elle est excessive, on sent le nez qui “pique” un peu et la finale en bouche devient brûlante car il s’agit d’une acidité plutôt agressive. Une acidité volatile élevée (dans la limite des règles) peut par contre se révéler bénéfique pour certains vins du sud qu’elle contribue à rafraîchir en bouche. Elle est parfois excessive dans les vins “nature”, favorisée elle aussi par l’absence ou un dosage trop léger de soufre.
- Le gaz. De nombreux amateurs identifient un vin “nature” au fait qu’il reste pas mal de gaz quand on le met en bouche. Le gaz carbonique est naturellement produit au cours de toutes les vinifications. Il peut en rester plus au moins au moment de la mise en bouteille. De nombreux vignerons dégazent leurs vins avant l’embouteillage. D’autres ne le font pas, car le gaz carbonique protège naturellement le vin de l’oxydation et permet de réduire les doses de soufre lors de la mise en bouteille, voire de s’en passer complètement. Pour de nombreux amateurs, le côté légèrement perlant d’un vin blanc ou, pire, d’un vin rouge est perçu comme un défaut. Peut-être, mais c’est un défaut que l’on peut facilement corriger ou fortement atténuer, par exemple en carafant vigoureusement le vin en question.
- Les bretts. Quand votre vin (souvent un rouge car ce défaut y est sans doute plus perceptible), dégage des odeurs phénoliques (encre, cuir, écurie) puissantes, il y a de fortes chances qu’il soit infesté de brettanomyces, une levure qui prend le dessus sur les autres au cours de la vinification. Il s’agit d’une déviance qui n’est pas spécifique aux vins “nature”, mais peut-être un peu plus fréquente chez ces derniers quand l’hygiène du chai n’est pas parfaite et que l’absence de soufre n’a pas permis d’inhiber ces fameuses brettanomyces.
- Le goût de souris. C’est un défaut dont on parlait peu autrefois et qui est devenu “à la mode” ces dernières années. Les méchantes langues vous diront qu’on en parle plus parce qu’il y a de plus en plus de vins “nature”. Il y a effectivement probablement un lien… C’est un défaut qui n’apparaît pas immédiatement en bouche mais uniquement en rétro-olfaction, après avoir avalé le vin ou l’avoir recraché si on est en dégustation. Il se caractérise par un goût assez marqué de peau de saucisson ou de pop-corn. Il est de plus très dépendant de l’acidité de la salive du dégustateur et peut donc ne pas être perçu de la même manière par deux personnes goûtant le même vin. Enfin, il est plus facilement décelable dans les blancs que dans les rouges. Dernier point qu’il est important de souligner : contrairement à de nombreux autres défauts, le goût de souris disparaît normalement au bout d’un certain temps de bouteille (entre un an et deux/trois ans).
Après ce tour d’horizon, probablement pas complet car de multiples déviances sont possibles sur tout vin, terminons par une polémique qui agite parfois le monde du vin et qui oppose ceux qui dénigrent les vins “nature” car toujours remplis de défauts selon eux, et le camp des “naturistes” extrémistes qui estiment qu’un vin sans défaut ne peut pas être véritablement “nature”. Comme souvent, la vérité se situe quelque part entre ces deux extrêmes. Il est clair que pour produire un vin “nature” sans défauts relève d’une exigence absolue à toutes les étapes : vendange parfaitement saine, hygiène absolue dans le chai, vinifications sans violence et sans manipulations excessives.
Certains d’entre vous ont-ils un jour tenté de faire du vin vous-mêmes, de façon complètement artisanale dans votre cuisine ? Logiquement, vous avez dû produire … du vinaigre. Il faut aussi avoir l’honnêteté, l’humilité de reconnaître un point : si vous trouvez dans un vin “nature” les défauts évoqués plus haut, c’est qu’il est tout simplement produit par un vigneron qui ne maîtrise pas parfaitement le process exigeant décrit ci-dessus, par manque d’expérience, par paresse, par absence de remise en cause aussi, une absence parfois facilitée par des consommateurs manquant de culture vinique et qui semblent se délecter de ces vins “surnaturels”.
Mais attention, il existe aujourd’hui fort heureusement une pléiade de vignerons produisant des vins “nature” sans le moindre défaut, et ce dans presque toutes les appellations. Le phénomène va en s’amplifiant, car le cercle vertueux des vignerons nature talentueux, s’inspirant les uns des autres, ne fait que s’élargir. Un grand bonheur pour les amateurs. Comment les identifier ? Nous ne saurions trop vous recommander d’écouter les conseils… d’iDealwine bien sûr, de vos amis, ou de la presse pour ne pas vous tromper dans vos choix et remplir votre cave des meilleurs vins “nature” et sans défauts présents sur le marché.
Tous les vins en vente sur iDealwine
À lire également dans le blog d’iDealwine :
Placement-vin : quelle place pour les vins nature ?
Le soufre (ou les sulfites) dans le vin, ça sert à quoi ?