
Marqués par la richesse, la finesse, la complexité et l’harmonie, les Vosne-Romanée symbolisent par-dessus tout l’élégance bourguignonne. Ce petit village proche de Vougeot se distingue par une concentration hors norme de vins de légende : pas moins de huit grands crus sont rattachés à l’appellation ! La commune de Vosne-Romanée abrite six grands crus (La Tâche, La Grande Rue, Romanée-Conti, La Romanée, Romanée-Saint-Vivant, Richebourg), complétés par deux grands crus de la commune de Flagey-Échezeaux (Échezeaux et Grands-Échezeaux). Zoom sur ces icônes.
Quatre grands crus monopole : La Tâche, Romanée Conti, La Romanée et La Grande Rue
A l’instar de nombreux domaines bourguignons parmi les plus réputés, les six hectares de La Tâche (6.06 hectares pour être précis, en 2019) furent d’abord la propriété des moines, puis de diverses familles, dont les Joly de Bévy, avant leur confiscation à la Révolution. Propriété de la famille Liger-Belair au début du XXème siècle, le vignoble est rattaché au Domaine de la Romanée Conti en 1933. La délimitation de l’appellation de ce cru monopole du Domaine ne sera définitive qu’en 1936, date à laquelle lui est rattachée la parcelle des Gaudichots. On trouve ainsi parfois en vente, mais c’est très rare, des flacons portant le nom des Gaudichots.
Réputées dès le XVIIème siècle, les 20 000 bouteilles de La Tâche produites chaque année font preuve d’une très grande régularité : le vin de la Tâche est toujours exceptionnel, y compris dans les millésimes difficiles. Ainsi en 1950 ou 1951, il est le seul vin du Domaine à avoir été mis en bouteilles, l’ensemble des vignes ayant été arrachées en 1945. Une politique de rendement stricte ainsi que des vendanges les plus tardives possibles donnent un vin le plus aromatique et le plus opulent qui soient. Profondément coloré, La Tâche développe une palette d’arômes extraordinaires de fruits noirs, de truffe et d’épices. Riche et concentré, son bouquet déploie une infinité de nuances qui se fondent dans un ensemble harmonieux d’une grande finesse.
La Romanée Conti (nous y avions passé une matinée en 2018 !) est probablement le vin le plus légendaire au monde. Dernière parcelle de vigne en Bourgogne à résister au phylloxéra (pas de production entre 1946 à 1951), elle s’étend sur à peine 1.81 hectare. Pour illustrer le caractère exceptionnel de ce climat, il suffit de se rappeler qu’il a donné son nom au domaine qui l’exploite, le domaine de la Romanée-Conti, tout simplement ! Et il faut connaître l’histoire du Prince de Conti… mais revenons au vin ! Des arômes d’une magnifique complexité évoquant la rose, la violette, les épices, la truffe et le cuir se retrouvent dans cette cuvée somptueuse. Ce vin est d’ailleurs souvent propulsé en tant que vin le plus cher vendus aux enchères sur iDealwine.
Plus petite AOC de France avec 85 ares (moins de 4 000 bouteilles par an), le vignoble de La Romanée daterait de l’époque romaine (d’où son nom ?). Tout comme la Romanée-Conti, au-dessus duquel ce »climat » se situe, il réunit les meilleures conditions : un sol limono-argileux mêlé à un peu de calcaire friable apportant corps et élégance, ainsi qu’une pente assez forte pour un bon écoulement des eaux de pluie. Le Général Liger-Belair (disparu en 2015) en avait confié la gestion à Mr Forey, viticulteur, et à la Maison Bouchard Père & Fils qui assurait l’élevage et la distribution pendant un temps. Monopole de la famille Liger-belair depuis 1976, le vin est aujourd’hui produit par le domaine du même nom, Comte Liger-Belair. A la dégustation, c’est un vin ample, complexe et soyeux, présentant une explosion de notes de fruits noirs et d’épices, évoluant vers le fumé et le sous-bois. Sa complexité est immense.
La Grande Rue s’étend sur 1.65 hectare. C’est un monopole du domaine Francois-Lamarche, qui produit des vins depuis 1797. Situé entre Romanée-Conti et La Tâche, La Grande Rue se dévoile avec consistance et un doux velouté. Complexe, ce grand cru porte des notes d’épices, florales et un côté mentholé. Riche et structuré, il est taillé pour la garde (20-30 ans). Son terroir est composé de sols bruns calcaires peu profonds dans le haut de la parcelle (et un peu plus profond en bas). La Grande Rue est reconnu tardivement comme grand cru, le 2 juillet 1992 (alors que ses voisins datent pour la plupart de 1936).

La Romanée Saint-Vivant : le plus vaste
Romanée-Saint-Vivant, le plus vaste des huit grands crus de Vosne-Romanée (9.44 hectares en 2019) porte le nom des moines de Saint-Vivant, monastère fondé au début du Xe siècle à proximité de Nuits Saint-Georges. Les vins de ce cru présentent des arômes particuliers de girofle, cannelle et fruits noirs, le tout porté par une grande finesse. Le terroir de Romanée-Saint-Vivant est composé de sols bruns calcaires avec une grande teneur en argile, légèrement plus profond (90cm) que son voisin Romanée-Conti (60cm).
Les producteurs de Romanée-Saint-Vivant sont divers: Albert Bichot, Follin-Arbelet, Louis Latour, Arnoux-Lachaux, L’Arlot, la Romanée-Conti…

Echézeaux et Grands-Echézeaux : dans la continuité de Vosne-Romanée
Sur un terroir qui jouxte les meilleures parcelles du Clos de Vougeot, Les Grands-Echézeaux et les Echézeaux sont deux grands crus rattachés – à la différence des six autres grands crus de la commune de Vosne-Romanée – à la commune de Flagey-Echézeaux.
Echézeaux est de loin le plus grand des deux crus, s’étendant sur 36.36 hectares, tandis que les Grands-Echézeaux s’étend sur 9.14 hectares (en 2019). Dans la continuité de style des premiers crus de Vosne-Romanée, les vins d’Echézeaux et de Grands-Echézeaux sont longs, complexes, harmonieux, fins, complets et d’une amplitude soyeuse. La dominante aromatique tourne autour de la fleur et des épices douces. Les grands producteurs d’Echézeaux sont les domaines des Perdrix, Louis Jadot, Bouchard Père et Fils, Pacalet, le Château de Marsannay…

Richebourg : somptueux, tout simplement
Le vignoble de Richebourg a fait dire de Camille Rodier (l’un des fondateurs de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin) : « Ce cru splendide, qui possède un velouté et une richesse de bouquet incomparables, est l’un des plus somptueux de Bourgogne ».
Les vignes de ce grand cru reposent sur un sol calcaire à forte présence argileuse. La vigne doit donc aller chercher sa substance en profondeur. Les vins expriment à la fois puissance et charme : solides, charpentés et racés, ils présentent toujours beaucoup d’harmonie. L’ensemble développe des arômes intenses, typiques des grands Bourgogne : fruits rouges et noirs, mûrs ou confits, musc, cuir, humus. Ainsi, une très grande persistance aromatique est associée à une richesse fabuleuse. L’ensemble du vignoble s’étend sur 8.03 hectares (en 2019), produisant environ 40.000 bouteilles par an seulement. Un vieillissement de plusieurs dizaines d’années est souvent nécessaire afin d’obtenir l’épanouissement de ce nectar qui, dans ses grandes années, se montre étonnement proche de La Tâche.
Richebourg est actuellement exploité par une douzaine de propriétaires, incluant les domaines de la Romanée Conti, Meo-Camuzet, Leroy (ancien domaine Noëllat) ainsi que la famille Gros. Le Richebourg du Domaine de la Romanée Conti est caractérisé par une concentration exceptionnelle due à une vinification et à un élevage d’une grande perfection. Les soins méticuleux apportés à ce vignoble sont tels que ses vignes figurent parmi les dernières en Bourgogne à avoir résisté au phylloxéra, jusqu’en 1946. Au début du XX° siècle, Etienne Camuzet, vigneron à Vosne Romanée et député de la Côte-d’Or, décide d’agrandir son domaine et opère un choix très sélectif parmi les parcelles qu’il acquiert progressivement. Sa fille Maria Noirot le lègue à Jean Méo, père de Jean-Nicolas, aux commandes depuis 1989. C’est avec l’aide d’Henri Jayer qu’un certain nombre de pratiques sont mises en oeuvre : stricte limitation des rendements, vendanges en verts systématiques, éraflage à 100%. Les vins sont élevés en fûts de chêne neuf pendant 17 mois en moyenne, avant leur mise en bouteille, pratiquée au domaine depuis 1983. Le domaine Méo-Camuzet se distingue par la grande régularité de sa production, aussi bien dans des années exceptionnelles comme 1990 que dans des millésimes plus difficiles, tels que 1991 ou 1992. Le Richebourg est probablement le meilleur des vins produit par le domaine (même si le Vosne-Romanée premier cru Cros Parantoux lui tient tête) : très racé, il exprime parfaitement, et en toute subtilité, les arômes typiques des Richebourg, fruits noirs, épices, humus et gibier.