Yann est issu d’une grande famille viticole avec des valeurs écologiques et durables. Aujourd’hui vigneron en biodynamie, il s’affirme comme la relève du Beaujolais. Visite au domaine en 2020, coup de téléphone, nous avons rencontré Yann Bertrand pour en savoir toujours plus sur son exploitation. Cap au royaume du gamay
Les Bertrand, une histoire de famille
C’est dans les années 1950 que l’histoire viticole de la famille Bertrand débute avec Louis (grand-père de Yann). Situé à Charentay, en plein cœur du Beaujolais, lui et son épouse, Renée, se font connaître dans les établissements lyonnais et parisiens notamment auprès de la Cave Legrand, réputée dans la capitale, afin de développer leur activité. Yann aime à raconter que son arrière-grand-père – le père de Louis, si vous suivez -, avait un don particulier pour la dégustation.
En 1972, alors qu’il déguste un vin du terroir si singulier de Fleurie, ce dernier y présage un grand avenir et encourage son fils à y acheter des parcelles…Ni une, ni deux, Louis, Renée et leur fils Guy (père de Yann) reprennent le domaine du château de Grand Pré à Fleurie, alors entièrement à l’abandon. Pour pouvoir payer, ils vendent toutes leurs parcelles de Charentay. Cette bâtisse fût, autrefois, un lieu de l’agriculture viticole et contenait une grande cave voûtée semi enterrée ainsi qu’un espace de vinification. L’arrivée de la famille Bertrand est comme un second souffle pour le bâtiment et sa cuverie qui sont alors rénovés. Une nouvelle ère pour ce domaine de sept hectares et demi.
En 1992, Guy Bertrand et Annick, sa femme, prennent la succession de l’activité viticole et en continuent le développement. Les vignerons fraîchement propriétaires s’étendent à mesure en rachetant les terres fermières aux alentours du château, l’équivalent de sept hectares et demi supplémentaires. Le domaine viticole s’étend alors sur 2 hectares de Morgon et 13 hectares de Fleurie. Précurseurs en termes d’agriculture durable, Annick et Guy refusent l’utilisation de désherbants et d’autres produits phytosanitaires. Ils instaurent des valeurs environnementales fortes au domaine en adoptant des méthodes de culture qui s’adaptent à chaque parcelle. En 2005, le couple expérimente une vinification sans levurage, sans soufre et ni chaptalisation. En 2008, l’entièreté du vignoble est certifié en viticulture biologique.
L’arrivée de Yann, une relève assurée.
Yann, fils d‘Annick et Guy, amène à son tour un souffle nouveau au domaine viticole. C’est un enfant du beaujolais né dans les vignes. Il se dit “fils de vigneron”, comme ses copains de la famille Lapierre ou de la famille Metrat. Yann poursuit un parcours d’étudiant classique avec l’obtention d’un BTS commercial et d’une licence professionnelle en banque et assurance, loin du métier de ses parents. Il réalise des travaux saisonniers dans des bars à vins nature où il se découvre, enfin, une passion pour des vins différents de ceux de sa famille. Il décide de réaliser une reconversion professionnelle et se dirige à l’école viticole de Beaune dans laquelle il rencontre Julien Guillot, actuel vigneron du Domaine des Vignes du Maynes qui lui transmet sa passion pour la biodynamie.
L’enfant du Beaujolais retourne au domaine de Grand Pré et se lance alors dans une étude complète de son terrain qui lui prend dix ans. L’objectif est de véritablement tout connaître de son terroir, il y a une vraie conscience agricole. En 2012, Yann rencontre l’un des “papes de la biodynamie”, Pierre Masson, qui lui transmet sa philosophie et l’encourage à se lancer dans le domaine viticole familial. La même année, l’exploitation est divisée en deux, entre Yann et Romain Zordan son cousin, lui aussi vigneron. Sept hectares et demi chacun, cultivés avec une mentalité différente.
Culture de la vigne
Chaque décision est prise selon les sensations, les émotions et la sensibilité de la famille Bertrand. Toutes les vignes ont leur identité, et chaque millésime possède son caractère. De la coupe à l’embouteillage, les Bertrand souhaitent partager leurs valeurs en utilisant des techniques « douces ». Une fois aux rênes de son activité, le fils de Guy et Annick développe une agriculture biodynamique dans le respect du fruit et de la terre. Une passion pour la nature qu’il vit aussi en réalisant des expérimentations pour comprendre l’impact de la biodynamie sur la vigne. En 2015, à la suite d’un millésime chaud, Yann décide d’utiliser pour la première fois des composts, c’est aussi l’occasion de redévelopper la vie microbienne des sols de ses vignes. Une réussite, malgré un terrain sableux à 97 % (que l’on doit à la dégradation des roches de Chiroubles), Yann est passé de 0.9 % à 3.3 % de matières organiques dans ses vignes. Suite à ce millésime chaud et à deux années marquées par la grêle, le jeune vigneron créé une structure de négoce pour compléter ses besoins de production. Yann porte bien entendu attention à la qualité des raisins et à la philosophie de ses fournisseurs.
Le domaine viticole pratique une taille délicate, respectueuse des flux de sève. C’est une taille « en gobelet » sur des parcelles allant jusqu’à 11 000 pieds par hectare. Les traitements sont effectués en combinant des extraits de plante et des huiles essentielles. Le rendement du domaine varie selon les années entre 30 et 40 hl/ha. Pour une année difficile comme 2015, le rendement a chuté à 19 hl/ha. Afin d’améliorer ses process et de se séparer de son cousin, avec qui il ne partage pas la même philosophie, Yann Bertrand a acquis un espace de cuvage-cave à Villié-Morgon, où sont acheminés les raisins après les vendanges réalisées manuellement. Le jeune fleuriaton étend aujourd’hui son savoir-faire sur 1.25 ha de Morgon, 1.70 ha de Beaujolais et 6.05 ha de Fleurie. Il est accompagné de quatre employés, dont Roger, infatigable vigneron qui a travaillé avec les trois générations de la famille Bertrand.
Yann Bertrand, un vigneron d’avenir
Grand défendeur des AOP/AOC, Yann exprime son mécontentement quant à la demande déposée par l’appellation pour les premiers crus. Il nous décrit une situation allant à l’encontre de l’histoire viticole de la région. Attaché à son patrimoine, le jeune vigneron encourage la production de « beaujolais primeur » (beaujolais nouveau). Il en produit les bonnes années, avec ses méthodes naturelles et y attache la plus grande attention.
Dans le futur, Yann Bertrand étudie l’utilisation d’engrais verts pour améliorer la densité de son sol au sein de son vignoble. Le vigneron a pour projet de planter des arbres fruitiers entre ses parcelles afin de favoriser la biodiversité. Il travaille chaque millésime avec la même philosophie et une grande motivation de proposer des vins aboutis.
Qui a dit que « le beaujo » ne se gardait pas ?
Yann Bertrand offre un potentiel de garde de 20 ans pour des beaujolais bien travaillés et complexes. “Il n’y a pas longtemps, on a dégusté des 88, 89, 91 et 94 de la maison Lapierre et Thevenet, c’était juste fantastique […] Bien sûr que les beaujolais se bonifient dans le temps, d’ailleurs, j’ai récemment acheté une bouteille de morgon de Jean Foillard -2020, elle sera parfaite dans 20 ans.”
Vous l’aurez compris, Yann Bertrand fait honneur aux valeurs familiales qu’on lui a transmises. Il œuvre en respect de l’environnement et se projette vers des méthodes de vinification naturelles, sans intrants. Une route pleine d’embûches qu’à su dompter le jeune vigneron, qui, dans le futur, sera sans doute la relève du Beaujolais. Son millésime 2022 est à retrouver sur le site iDealwine.
Il est beau le Beaujolais, il est bio le beaujolais.