Le champagne est aujourd’hui connu dans le monde entier. Pourtant son prix, souvent élevé (encore plus à l’étranger) le range souvent, dans l’esprit des consommateurs, dans la catégorie des produits de luxe que le commun des mortels ne s’offre que pour les grandes occasions. C’est cette image que cherche aujourd’hui à combattre la marque Chandon, aux Etats-Unis, en produisant des flacons accessibles aux jeunes, tant par leur prix que par leur design, le tout soutenu par un marketing des plus efficaces.
C’est un fait, les marques de champagne ciblent avant tout les populations relativement aisées, donc souvent âgées d’au moins 35 ans. Si en France, proximité oblige, la fracture sociale entre consommateurs et non-consommateurs n’est pas forcément visible au premier coup d’œil, tout le monde ayant déjà goûté du champagne, elle s’observe beaucoup mieux à l’étranger, par exemple aux Etats-Unis. Les Américains qui boivent régulièrement du champagne appartiennent ainsi presque toujours à des milieux aisés. Le champagne y est le compagnon des occasions de certaines personnes, et non de certaines occasions elles-mêmes. C’est ce fossé qu’a donc cherché à combler la marque Chandon, filiale de Moët & Chandon, en lançant une gamme adaptée à la conquête d’un plus large marché.
Ce champagne, qui n’en est pas, étant produit dans la Napa Valley, a donc bénéficié d’un rajeunissement flagrant de son image et de son audience.
Premier chantier, la boisson elle-même. Les jeunes Américains trouvent souvent les champagnes classiques trop secs, pas assez sucrés ni fruités ? Pas de problème, la marque n’a pas hésité à produire des vins pétillants extrêmement doux. Ce serait certainement trop pour nous, mais là-bas, c’est un véritable carton. Bien entendu, les vins produits ne sont pas d’une qualité inouïe, ce qui permet au consommateur de payer un prix tout à fait raisonnable (une vingtaine de dollars US, soit 17 euros pour les bouteilles de base), et d’en boire en dehors des fêtes de fin d’année… D’ailleurs, la gamme est très large, ce qui permet à ceux qui aiment la marque et sont prêts à dépenser un peu d’argent de le faire sans soucis.
Une fois les nectars formatés pour le marché, il faut les vendre. Et pour le marketing et la communication, le moins que l’on puisse dire, c’est que les équipes de Chandon ont fait du beau travail. Exit les austères bouteilles champenoises, à la sobriété « ennuyeuse », et bienvenue aux designs festifs, détendus, passe-partout, mais pourtant chics et élégants (la définition de la mode, sans doute). Pour s’inviter dans les vacances et les soirées « normales » des américains, la marque a ainsi conçu des bouteilles « spéciales », avec les devises « pour on the fun ! » (« Versez sur le fun ! »), « I am the after party » (nous ne voyions honnêtement pas comment traduire, si vous avez des suggestions…)), ou encore “The party starts here” (« la fête commence ici ») inscrites en grand directement sur les bouteilles ! La loi américaine, d’habitude si stricte en matière d’alcool, laisse d’ailleurs les fabricants aller beaucoup plus loin que nous le pourrions en France avec la loi Evin… La notion de plaisir n’est là-bas pas bannie. Quand on voit qu’en France, le design d’une marque de vodka suédoise bien connue est plus festif que celui de nos champagnes, on peut rester pantois…
Chandon insiste aussi beaucoup sur les réseaux sociaux, et voici pour vous deux exemples de messages que l’on ne pourrait pas voir en France… Le premier montre quelques cocktails, avec liens vers les recettes. Encore un bel effort pour désacraliser les vins pétillants et les associer à tous les moments « funs », là où la bienséance n’autorise que le kir royal en France. Certains diront que c’est dommage pour le vin, c’est sans doute vrai, mais en tous les cas c’est une approche intéressante, et qui rencontre un succès certain. Et puis, certains de nos vins pétillants se vendent mal et sont de qualité médiocre, donc pourquoi pas…
Le second donne simplement soif, à l’aube d’un chaud week-end de 3 jours, avec encore ces bouteilles bien dessinées, et un message direct et efficace, qui finirait sans doute au tribunal en France, tout comme le designer d’ailleurs. C’est un peu dommage que les vins français ne puissent pas se défendre sur le terrain du marketing (même si la marque est ici française, le vin ne l’est pas). Quand on vous dit qu’on se tire une balle dans le pied…
La marque a également créé un club Chandon, et encourage ses clients à venir visiter ses « wineries. » Tout est fait pour créer un esprit de communauté. Les jeunes vivent ainsi une véritable expérience avec la marque, au-delà de la simple dégustation. Ils sont à la mode, chic et détendus à la fois. Et pour définitivement plaire aux fêtards américains, la marque a lancé beaucoup de formats différents, du flacon de 187mL qui irait presque rappeler une bouteille de bière à ceux qui sont encore étudiants, aux inévitables magnums. D’ailleurs, au milieu des classiques accords mets/vins et autres outils de promotion habituels, on trouve même… des idées de fêtes à organiser ! Par type de fête, nombre de convives et occasions ou non, le site propose les vins qu’il faut, la quantité, des recettes, des cocktails, et tout ce qu’il faut, ne manquant pas de rediriger vers son site de vente… Ici, on a un faible pour les suggestions « Bastille Day » au bord de la piscine, si quelqu’un veut nous inviter…
D’ailleurs, il faut le souligner, le site internet de Chandon est tout simplement bien fait et agréable, ce qui est loin d’être le cas pour beaucoup de nos vins français, y compris ceux qui disposent pourtant de moyens conséquents. Un riche contenu, mis à jour régulièrement, des rubriques simples et bien pensées, un design plaisant… Allez y faire un tour, vous serez surpris par le niveau. On ne citera pas de noms, mais certains sites de grands vins français, en champagne comme ailleurs, sont tout simplement indignes de leur standing. Et pour toucher les jeunes, il faut un site Internet convenable… En clair, cette marque vit avec son temps.
Finie l’association « champagne=aristocratie » dans l’esprit des américains, l’idée est de démocratiser cette boisson, même si le produit s’en trouve quelque peu dénaturé. Produisant 600 000 bouteilles par an, la marque est désormais bien implantée sur ce marché qui ne cesse de grandir. L’exemple Chandon n’est bien sûr pas le seul, mais dans un pays où la consommation de vin est récente, donc peu soumise aux rigidités traditionnelles, adapter l’offre à la demande et non l’inverse parait logique… Et puis, après tout, toucher un si large marché, c’est peut-être offrir une porte d’entrée à ces jeunes consommateurs vers le marché des véritables champagnes.
En attendant de vous envoler pour Los Angeles, venez retrouver nos champagnes à nous J
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Je pense que ce genre d’initiative est indispensable pour la filière car il faut habituer les « jeunes » à aller vers le champagne et autres vins plutôt que des alcools forts!
Pour « I am the after party », la bonne traduction (s’il en existe une!) pourrait être « Je suis l’after » ou encore « L’after, c’est moi ». Puisque « after party » = faire la fête après la fête, donc en français (!) une « after ».