essor du commerce du vin moyen âge

Au Moyen-Âge, le rayonnement des grandes villes de Flandres et la navigation des principales voies fluviales favorisent l’extension du vignoble partout en France et surtout le commerce du vin. La soif des riches bourgeois du Nord modifie les rapports commerciaux et crée un besoin en vin important. On plante à tour de bras autour des villes, les tonneaux s’échangeant contre les broderies et les draps des Néerlandais ou les richesses des pays de la mer du Nord.

Les Flandres, le nouvel eldorado

Après la mort de Probus en 282, le commerce du vin périclita ; ses successeurs interdirent toute exportation de vin et d’huile vers le monde barbare (non latin), sans doute pour protéger l’Empire des avidités de ces peuples sans soif. Ces mesures protectionnistes avant l’heure ruinèrent mille ans d’efforts pour propager la culture de la vigne vers le Nord.

Cela eut pour conséquence de favoriser d’abord des expéditions de piraterie, puis un trafic maritime sur la côte Atlantique : les Saxons, les Francs, plus tard les Danois et les Scandinaves vinrent sur le littoral Aquitaine pour commercer.

Avant les invasions normandes, le transport du vin et de l’huile avait cours entre l’Irlande et les ports de Bordeaux et Nantes et sur tous les points de la côte atlantique. A partir du 9e siècle, lorsque les Normands envahissent l’Irlande, ce trafic s’interrompt pendant trois siècles. Désormais, les régions viticoles des bassins du Rhin et de la Seine prennent l’ascendant économique en matière de commerce de vin.

Le vignoble de Bordeaux, de même que ceux de la Côte d’Or et du Rhône, plus éloignés des pays consommateurs du Nord, perdent leur avantage climatique au moment de ces invasions.

Le renouveau commercial renaît au 11e siècle, largement aidé par l’apparition des grandes villes des Flandres. Les riches marchands aiment boire beaucoup de vin, et le font savoir, afin d’asseoir leur prestige de classe. Des gildes (associations de défense des intérêts communs) se forment, et des « assemblées où l’on boit » (potationes) réunissent les burgenses (bourgeois), qui se distinguent avant tous des paysans par leur accès au vin. En somme, boire, c’est hype à l’époque.

Cette demande en vin de la part de consommateurs opulents (des Flandres, d’Angleterre et des pays baltiques), importante aux 12e et 13e, eut des répercussions jusqu’au 19e siècle car elle favorisa grandement la culture de la vigne, y compris en des contrées méridionales éloignées comme la Bourgogne ou la Gascogne.

Renouveau commercial et essor des villes

Le Moyen Âge favorisa donc une propagation nord-sud de la vigne, quand l’Antiquité avait instauré un sens contraire.

Une autre chose importante se passe à cette période : le contrat dit de « complant » se met en place. Il s’agit d’un accord contractuel passé entre un cultivateur et un propriétaire. Le propriétaire cède son terrain au cultivateur qui s’engage à planter de la vigne et à entretenir le vignoble pendant cinq ans. Passé ce délai, la vigne est partagée entre les deux parties à parts égales (le vigneron en devient propriétaire ou alors locataire moyennant une redevance annuelle, selon les cas). Peu à peu, les propriétaires (qui restent possesseurs du sol) ont cédé les plants et les raisins aux vignerons qui ont pu ainsi transmettre un legs à leur descendance.

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Ce système ingénieux permit la naissance et l’extension de nombreux vignobles au cours du Moyen Âge, notamment celui de La Rochelle. Les propriétaires veillaient de près à la qualité, faute de quoi les cultivateurs pouvaient être déchus de leur droit ; nul doute dans ce cas que le vin rochelais, exporté vers les pays de la mer du Nord, était de belle facture.

Notons aussi ce fait : les propriétaires qui voulaient s’occuper eux-mêmes de leurs vignes pour produire un très grand vin pouvaient le faire. Ce qui supposait ainsi que les vignes de première catégorie se retrouvaient tout près des villes.

L’expansion du vignoble et les précieux subsides dégagés par les exportations de vin participèrent à l’autonomie des villes. Un statut communal, indépendant du souverain ou du seigneur, apparut afin de protéger les intérêts du commerce du vin et s’assurer de sa qualité (avec le contrôle des fraudes notamment). Des pouvoirs de justice furent transférés aux bourgeois : le mouvement communal était lancé.

La formation du vignoble alsacien

Les voies navigables du réseau rhénan, participent aussi, à cette époque, au transport commercial du vin vers les pays de la mer du Nord. La Moselle fut longtemps la seule voie le long de laquelle s’installent les vignobles, ceux de Toul, de Metz et de Trèves étant les plus réputés. Les Germaniques, et parmi eux les Frisons, ouvrent au trafic fluvial le cours difficile du Rhin alsacien, échangeant les draps de luxe achetés aux Pays-Bas contre du vin, vin revendu ensuite aux pays de la mer du Nord. Les richesses apportées ainsi en Alsace ont permis l’implantation de la viticulture dans cette région, à partir de l’an 650.

Les cas du vignoble de Vernon et de Paris

Le port de Rouen joua un grand rôle dans le commerce du vin du 10e au 15e siècle. Au 12e siècle, il fut l’un des plus grands marchés au vin du monde occidental. Les Rouennais obtinrent d’Henri, duc de Normandie puis roi d’Angleterre, le monopole du commerce d’exportation de vin vers l’Angleterre par la Seine. Le vignoble le plus proche de Rouen était celui de Vernon. Il connut un essor fulgurant grâce également à sa proximité avec les abbayes normandes. En 1260, les vignes périrent, comme celles situées autour de Paris.

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En ce temps-là, la ville des Parisii sentait, selon les saisons, les sarments brûlés ou la vendange fraîche. Châtillon, Bagneux, Fontenay, Vanves, Issy, Clamart, Montrouge, Clignancourt, Montmartre, La Courtille étaient plantées de vignes. Picpus, Montreuil, Charonne, Savies (le futur Belleville), mais aussi Chaillot, Auteuil, Meudo, Saint-Cloud, Nanterre, Vaugirard, Sceaux, Ivry, Suresnes, sans compter les grands vignobles d’Argenteuil – le vin d’Argenteuil jouissait d’un important prestige – et Montmorency, tout ce vignoble autour de Paris avait pu, en 1437, fournir à Charles VII la solde d’une armée !

La production était vendue localement mais aussi exportée pour une bonne part, jusqu’à la Scandinavie, la Flandre et l’Angleterre. La richesse dégagée permit à ces communes d’obtenir peu à peu leur autonomie ; Paris obtint ainsi d’importantes concessions pour son marché au vin.

Source : Roger Dion, Histoire de la vigne et du vin en France, des origines au 19e siècle, CNRS Editions.

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