Whisky 30 ans d’histoire et de transformations iDealwine

Par Baptiste Bochet

Le whisky est une merveilleuse eau-de-vie, certains pensent qu’il s’agit de la reine des spiritueux tant elle est capable de vous procurer des émotions intenses. Son histoire, sa fabrication, sa palette aromatique et sa longueur ont sans nul doute contribué grandement à sa place sur le trône, aujourd’hui, du marché des amateurs de spiritueux.

Le paysage du whisky écossais aujourd’hui

S’il y a environ 170 distilleries historiques en activité aujourd’hui en Ecosse, dont une trentaine en préparation, seulement deux sont encore détenues par des familles indépendantes. Créer et maintenir une distillerie en activité coûte très cher, c’est pourquoi des groupes de différentes tailles (dont Diageo, Pernod-Ricard, Remy Cointreau, Beam-Suntory…) se partagent presque l’intégralité de ces grandes cheminées fumantes.

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Deux distilleries indépendantes donc :

  • Springbank, située à Campbeltown où il ne reste plus que 3 distilleries alors que cette région était un carrefour du malt il y a plus d’un siècle, détenue par la famille Mitchell.
  • Glenfarclas, située dans la région du Speyside, non loin d’Inverness, détenue par la famille Grant et qui présente la particularité de n’utiliser que des fûts de xères pour le vieillissement de ses whiskies.

Au cœur de l’orge

Vous l’avez appris dans le précédent article sur le whisky le whisky Single Malt est réalisé uniquement à partir d’orge maltée. Si l’on s’en tient au whisky écossais – la chose est aussi vraie pour beaucoup de whiskeys japonais, mais on y reviendra plus loin -, il faut savoir que sa matière première ne vient pas des contrées des Highlands, peu propices à la culture de l’orge, mais bien majoritairement de la région de Cambridge en Angleterre. Aujourd’hui les volumes de production du whisky sont tels qu’il faut réellement de grands espaces pour cultiver la céréale. Soit dit en passant, sachez que comme dans toute industrie florissante, on cherche toujours des moyens d’augmenter la rentabilité… c’est donc le cas dans tous les maillons de la chaîne de production du whisky. Ce dernier est ainsi lui aussi « victime » de l’industrialisation de l’agriculture et des fameux rendements. Oui car on peut dire sans trop prendre de risques qu’on a constaté un appauvrissement du caractère de l’orge au profit du rendement… C’est tout naturel de dire que le whisky suit la trace de l’agriculture puisqu’il en est lui-même un « sous-produit ».

Considérons deux types de rendements qui ont contribué à façonner le futur du whisky. D’abord, celui du rendement à l’hectare qui est passé du simple au double entre les variétés actuelles et celles du début du XXème siècle. Et ensuite, le rendement en litre d’alcool pur par tonne LAP/T qui est aujourd’hui parfois supérieur de 20% aux variétés du milieu du siècle dernier. Bien entendu, il a fallu répondre à une demande toujours croissante en whisky, mais cela s’est fait au détriment d’une perte d’information ; par information, comprenez celle comprise dans le grain qui peut ensuite se retranscrire en arômes si le whisky est bien produit.

Depuis peu, certains producteurs des grandes distilleries s’essayent aux anciennes variétés d’orge. Un des exemples est bien entendu la distillerie Bruichladdich – détenue par Remy Cointreau – avec son « Bere Barley » (orge utilisée au début du XXème siècle). Mais également de minuscules distilleries telles que Glann Ar Mor, distillerie bretonne exceptionnelle tenue par le couple Donnay (et rachetée le 18 Juin 2020), avec son Glann Ar Mor Marris Otter, du nom de sa variété d’orge.

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La montée en puissance du Whisky Single Malt

Le Single Malt n’a pas toujours eu le vent en poupe. Intéressons-nous pour le moment aux années 50-60 : à cette époque, ce sont des petites maisons appelées « Embouteilleurs Indépendants » (IB pour Independant Bottlers en anglais), qui achètent des fûts de whisky single malt aux distilleries. Ces dernières sont bien trop occupées à se concentrer sur la production de whiskies blends qui représentent la quasi-entièreté des ventes de whisky dans le monde. Toutefois, le groupe Diageo à la fin des années 80 a choisi de miser sur le Single Malt, certainement pour « premiumiser » l’offre et augmenter le panier moyen du consommateur. Est née la gamme « Classic Malts » qui existe encore aujourd’hui et qui est la plus emblématique gamme de Single Malts.

Le Single Malt a gagné en image, en légitimité et en volume pour devenir ce qu’il est aujourd’hui, considéré comme « le whisky des connaisseurs ». A tel point que – ironie du sort – les grands groupes, qui détiennent aujourd’hui presque 99% des distilleries écossaises qui ont traversé les décennies (mettons de côté des nouvelles distilleries), rachètent des très vieux fûts de single malts de leurs distilleries auprès des embouteilleurs indépendants ! Oui car la demande pour les vieux malts est croissante, mais les industriels n’en possèdent plus une seule goutte !

A volumes industriels, méthodes industrielles

L’œuf ou la poule, est-ce que les nouvelles tendances proviennent de la volonté des consommateurs ou est-ce le marketing qui réussit à imposer au consommateur ce qu’il boira ensuite ? Toujours est-il qu’il faut parfois redoubler d’ingéniosité pour pouvoir répondre à la demande de l’amateur.

Prenons l’exemple du fût de xères, réputé pour être un contenant « miraculeux » qui « sublimera tout distillat qui entrera en contact avec son bois ». Sachez qu’un petit fût de xères dit « hogshead » de 245 litres coûte environ 600€. Un fût ayant précédemment contenu du bourbon, avec sensiblement la même contenance, coûtera 10 fois moins cher… C’est le jeu du marché de l’offre et de la demande. La rareté du premier a poussé les industriels à développer de nouvelles techniques pour produire plus de fûts de «xères ». Une technique novatrice permet et effet de « gagner du temps » – une variable tellement essentielle dans la beauté et la complexité d’un spiritueux – en faisant pénétrer sous pression du vin de xères dans le fût pour l’aromatiser. Une véritable chasse aux fûts, à tel point que les grands groupes rachètent même des bodegas espagnoles pour s’assurer la disponibilité des fûts pour leurs whiskies !

Vieillissement sous verre

Petit point qui plaira aux amateurs de vin : on entend souvent –tout le temps ?- qu’un spiritueux, une fois embouteillé, ne vieillit plus. On est en effet en droit de le penser puisqu’il n’y a plus de travail des lies, plus de micro-oxygénation, etc. Cependant, c’est oublier que le whisky peut être soumis à des phénomènes tels que des changements de températures, l’exposition à la lumière… On appelle d’ailleurs ces changements qualifiés « invisibles », le Old Bottle Effect ou OBE. Peu d’études scientifiques existent encore sur le sujet mais avec la disponibilité de nouveaux moyens et les budgets grandissants consacrés aux recherches sur le whisky, des informations devraient nous parvenir dans un futur proche. Les spécialistes se sont aperçus qu’au bout de plusieurs décennies, on constatait qu’une « patine », un goût « d’autrefois » se déposait sur le whisky. Il est en fait dû à une modification de la structure des sucres avec le temps : ceux-ci se recomposent et se décomposent pour donner de nouveaux arômes.

Et le futur ?

Allons-nous conclure de toute cela que certains aspects du whisky ont été malmenés depuis des décennies ? Il n’empêche que ces changements ne concernent pas toutes les distilleries et que ce produit reste toujours un spiritueux magique, dont nous n’avons pas encore percé tous les secrets. Grâce à certains acteurs, le futur de cette eau-de-vie s’annonce plein de belles surprises.

En attendant un nouvel article, je vous encourage fortement à vous procurer Iconic Whisky par Alexandre Vingtier et Cyrille Mald, un ouvrage de référence qui a rebattu les cartes au sujet du whisky.

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Cet article a 2 commentaires

  1. Dieval

    Merci pour cet article.Il m’ a permit de découvrir beraucoup de choses

    Bravo

    Jerome D

    1. iDealwine

      Merci pour vos encouragements 🙂

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