
Rencontre passionnante avec le PDG du leader mondial des verres œnologiques, représentant de la 11ème génération Riedel. Sur un balcon parisien, Angélique de Lencquesaing s’est entretenue avec Maximilian Riedel, véritable star du monde du vin.
Cet échange est à retrouver sur YouTube en vidéo, ou sous le format podcast sur toutes les plateformes de streaming (Spotify, Deezer, Apple Podcast).
Riedel : des verres faits pour les cépages
Bonjour Maximilian, je suis Angélique de Lencquesaing, cofondatrice du site iDealwine, qui est aujourd’hui le leader des enchères de vin en France et le leader mondial des enchères de vin en ligne. Je suis ravie de vous accueillir.
Merci de m’accueillir. C’est un plaisir.
Voulez-vous vous présenter ?
Oui, je m’appelle Maximilian Riedel. Je suis la 11e génération de la verrerie Riedel, une entreprise autrichienne. Nous sommes passionnés de vin et de verre, et je pense qu’il y a une belle connexion entre votre Maison et la nôtre. Je suis ravi d’être de retour à Paris, surtout quand il fait aussi beau.
Merci d’être là. Je me souviens d’une masterclass fantastique au Grand Tasting Bettane & Desseauve, il y a quelques années, où nous dégustions le même vin dans différents verres Riedel – et le vin était complètement différent selon le verre. J’étais stupéfaite. En sortant de cette masterclass, je me suis dit : « Il me faut une nouvelle maison pour stocker tous ces verres différents selon les vins ! » J’ai vraiment été impressionnée et j’ai découvert une nouvelle façon de boire du vin.
Je suis ravi de l’entendre. Oui, nous nous considérons comme des créateurs d’outils. Depuis plusieurs générations, nous étudions non seulement l’art de fabriquer du verre, mais aussi le monde du vin. Ce sont les professionnels du vin qui nous ont invités à ne pas simplement créer de beaux verres, mais de véritables instruments pour mettre en valeur leurs vins auprès de leurs clients. Nous sommes donc le lien entre la bouteille et nos sens. Et au milieu, il y a le haut-parleur, qui est le verre Riedel. Nous sommes très fiers de faire partie de l’industrie du vin.
Pouvez-vous me parler de ce verre en particulier ?
Nous avons une magnifique bouteille de Bordeaux, Château de Ferrand, avec le superbe millésime 2022, et le verre que vous avez en main vient de notre collection Performance (pour cabernet et merlot). C’est un verre à l’allure très moderne. La gamme Performance met l’accent sur le fruit. Cette forme convient donc parfaitement à ce type de vin, à ce profil aromatique. Je n’aime pas parler de style de vin, car nous ne faisons pas des verres pour des styles, mais pour des cépages. C’est ce qui nous distingue de nos concurrents. Et je suis convaincu que lorsque vous buvez ce vin dans ce verre – plutôt que dans un autre – il s’exprime au meilleur de lui-même.
Très bien. Mais aujourd’hui, même si vous ne parlez pas de style, on remarque que les habitudes de consommation évoluent. Les gens recherchent des vins différents, surtout quand il fait très chaud, comme aujourd’hui. Les moments et occasions de dégustation changent aussi. On ne boit plus seulement du vin lors de grands repas, mais plutôt lors de moments décontractés. Pensez-vous que cela impose une évolution des verres, ou avez-vous déjà des verres adaptés à ces changements ?
Nous concevons des verres en fonction des cépages, que ce soit du bordeaux rouge ou blanc, du bourgogne, un chenin blanc de Loire ou un riesling d’Alsace. Nous faisons en sorte que, quel que soit le vin ou la saison, il existe un verre adapté. Bien sûr, il y a une forte tendance vers les boissons sans alcool, mais cela ne change pas la forme du verre. Si vous voulez mettre des glaçons dans mes verres, ils les supporteront, mais je ne pense pas que ce soit bon pour le vin. Moi qui adore le bordeaux, surtout le rouge, je recommande simplement de le rafraîchir légèrement. On connaît les effets du vin trop chaud ou trop froid. Mais par des températures comme aujourd’hui, à plus de 30 °C, j’aime avoir mes rouges légèrement frais. Cela me permet de continuer à boire ce que j’aime.
Ainsi vous ne changez pas de vin.
Exactement, je ne change pas de vin… et donc je ne change pas de verre.

Constituer une cave d’exception et transmettre sa passion
Et comment avez-vous commencé à constituer votre cave ?
J’ai été inspiré par mon père, qui a longtemps été mon patron – eh oui, entreprise familiale ! Il a été le premier à collectionner le vin et m’a beaucoup appris. Mon père est un type de collectionneur différent : il achète en primeur et attend que les vins vieillissent. Moi aussi j’achète en primeur, mais j’ai aussi accès à sa cave, ce qui est une bonne nouvelle ! Et j’achète aussi aux enchères, pour plusieurs raisons : d’abord, elles permettent d’avoir accès à des vins qu’on ne trouve pas forcément ailleurs. Ensuite, si vous avez une source fiable vous avez la garantie que le vin est en bon état, ce qui n’est pas toujours le cas dans des boutiques inconnues. Et bien sûr, soyons honnêtes, j’essaie toujours de faire une bonne affaire ! Aux enchères, on a parfois la chance de trouver un millésime précis. Je suis né en 1977, un millésime compliqué !
Bon pour le porto peut-être ?
Oui, bon pour le porto, mais Pauillac a aussi produit de très bons vins cette année-là. En tout cas, 1977 est introuvable ailleurs. Et si, comme moi, vous avez une attache personnelle à votre millésime de naissance, les enchères permettent parfois de dénicher un Mouton-Rothschild ou une autre rareté. J’adore acheter aux enchères.
Cela fait plaisir à entendre ! Achetez-vous surtout du bordeaux, ou aussi d’autres régions ?
Ça dépend de la saison. Par exemple, du Barolo avec des truffes blanches, c’est pour moi le meilleur accord met-vin de l’automne. Je n’achète donc pas seulement du vin français, mais du monde entier. En ce moment, j’achète beaucoup de vins du Rhône. Je suis tombé amoureux de Rayas, un 100 % grenache. Et là encore, les enchères sont idéales, car on peut acheter à l’unité, sans avoir à prendre une caisse entière ou à devoir un service à quelqu’un. Il y a souvent plus de Rayas en vente aux enchères que dans les magasins. J’essaie de collectionner autant de vins que je peux imaginer boire… même si j’en ai déjà trop ! Je fais aussi cela pour la génération suivante : j’ai eu la chance d’hériter de la cave de mon père, et mes enfants – s’ils aiment le vin – auront la chance d’hériter de la mienne.
Quel âge ont vos enfants ? Leur apprenez-vous à découvrir le vin ?
Ils ont moins de 10 ans, mais ils savent déjà reconnaître un bon verre, ouvrir une bouteille, et servir le vin sans toucher le bord du verre ni en mettre partout. Donc oui, je les éduque à cette culture, même s’ils n’ont pas encore accès à ma cave, bien sûr.

Un tour en Champagne
Chaque année, nous publions un Baromètre qui analyse les grandes tendances observées sur les ventes aux enchères chez iDealwine. Vous êtes un amateur de champagne : nous voyons à la fois les grandes maisons les plus prestigieuses, mais aussi des champagnes de petits producteurs, issus de micro-parcelles.
Oui, les champagnes de vignerons.
Des champagnes de vignerons, dans un esprit très bourguignon. Quel type de champagne préférez-vous ?
D’abord, je suis un grand amateur de champagne, et je considère cela comme ma croisade personnelle. Ma première vraie éducation au vin, je l’ai reçue chez Taittinger. J’étais très jeune, je venais d’avoir mon permis de conduire, et mon père m’avait organisé un stage. J’ai conduit depuis l’Autriche jusqu’à Reims, et j’y ai travaillé pendant un mois, en guidant des visites de cave. Bien sûr, je suis tombé amoureux des Comtes de Champagne. Mais j’ai remarqué que seuls les touristes buvaient dans des flûtes. Alors, lorsque j’ai vécu à New York, j’ai fait de cette idée ma mission. Le New York Times a d’ailleurs écrit sur ma vision : passer de la flûte à un verre plus grand, comme un verre à vin blanc. Et c’est devenu la plus grande tendance dans le monde du champagne. Je suis en grande partie à l’origine de ce changement.
Pourquoi ?
Parce que pour moi, le champagne est l’un des meilleurs vins, avec ou sans bulles. L’éducation, le savoir-faire, les efforts nécessaires pour le produire… c’est bien plus coûteux qu’un vin tranquille. Il y a la seconde fermentation, le vieillissement… C’est un art. Et pourtant, dans le monde, on buvait le champagne uniquement pour célébrer, pas au quotidien. Moi, je suis un ambassadeur du champagne : il peut accompagner tout un repas, grâce à sa structure, son acidité. C’est un vin parfait pour la gastronomie. Si vous ne savez pas quoi servir, servez du champagne, ça fonctionne toujours.
Et la cuvée Comtes de Champagne de Taittinger reste votre préféré ?
C’est l’une de mes préférés. J’ai aussi créé un verre pour Krug et Dom Pérignon. C’est parce que j’adore leurs vins, notamment leur capacité à bien vieillir. Pour moi, c’est toujours un gage de qualité. J’aime moins les cuvées « late release » – je préfère acheter la version originale et la faire vieillir moi-même.
Brève de comptoir en dix questions
Merci beaucoup Maximilian. Il nous reste quelques petites questions rapides. En quelques mots : quelle bouteille a déclenché votre passion pour le vin ?
Ce doit être Petrus. J’ai fait les vendanges là-bas en 1997 – pas un grand millésime – mais un souvenir marquant. La famille Moueix, que je connais bien, avait ouvert une vieille bouteille pour ma sœur et moi. Et là, j’ai compris comment un vin peut électriser une pièce. Quand vous ouvrez un Petrus, même les non-amateurs sont dans le respect total. Et je pense que tous les vins méritent ce respect.
Votre dernier vin coup de cœur ?
La Mission Haut-Brion 1989, hier. Tout simplement ! Avant ça, Tignanello 1997, mais La Mission, bien que plus vieux, était plus frais et structuré. Donc : Bordeaux, toujours Bordeaux.
Il vous est impossible de vivre sans …
Sans vin. Tous les jours.
Votre accord met-vin préféré ?
Chocolat blanc et pinot noir.
Intéressant ! Achetez-vous en primeur ?
Oui, chaque année depuis mon retour des États-Unis, donc depuis le magnifique millésime 2015.
Votre première gorgée de vin : quand et avec qui ?
Avec ma famille. C’était du Moscato d’Asti. Mon père est italien et se souvenait qu’enfant, ses parents lui en donnaient parfois quand il pleurait. Il y a environ 5 % d’alcool. Ce n’est pas pour autant pour les enfants, mais disons que d’une certaine manière cela a formé mon palais !
Un bon vin pour débuter ?
Un riesling d’Autriche.
Pourquoi ?
Parce que j’aime les vins autrichiens… et je suis autrichien. J’aime les promouvoir.
C’est une bonne raison ! La bouteille que vous rêvez de boire avant de mourir ?
Château d’Yquem 1811. C’est la bouteille dont mon père parle tout le temps, et que je n’ai jamais goûtée.
Pasteur disait : « Il y a plus de philosophie dans une bouteille de vin que dans tous les livres ». Êtes-vous d’accord ?
À 100 % !
Merci infiniment Maximilian !
Merci de m’avoir reçu, c’était un plaisir.

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