Vin nature bobo parisien cliché

L’amateur de vin a d’abord entendu parler de vins “bio”. Puis il a constaté qu’on parlait également de plus en plus de vin “en biodynamie”. Enfin, depuis une vingtaine d’années, un nouveau concept est apparu, celui de “vin nature” ou « naturel » . S’il est aujourd’hui assez simple de comprendre ce qu’il y a derrière les qualificatifs de “bio” ou de “biodynamie”, celui de “nature” est plus difficile à cerner. iDealwine va tenter de vous aider à y voir plus clair.

Effet de mode ou tendance longue ?

« Vive le vin naturel ! ». Ce slogan était clamé en 1907 lors des révoltes des vignerons du Languedoc à Montpellier. Ainsi, même si la tendance des vins naturels est surtout née dans les années 1990 et perdure jusqu’alors, c’est une revendication de longue date dans le monde du vin !

Une notion floue, en raison d’une absence de juridiction

Si cette notion de vin naturel est plus difficile à saisir pour l’amateur que celle de vin bio ou biodynamique, c’est avant tout pour une raison purement technique ou administrative : les premiers sont labellisés par des organismes indépendants (Demeter, Ecococert, Biodyvin, etc.) alors que le vin “nature” ne bénéficie d’aucun label officiel. Depuis les années 2000, seuls trois organismes ont vu le jour : l’AVN (Association des Vins Naturels) qui a défini en 2000 un cahier des charges mais qui n’a pas de moyens de contrôle aussi poussés que les organismes certificateurs en bio ou biodynamie ; en 2012 S.A.I.N.S (Sans aucun intrant ni sulfite), une démarche ultra aboutie des vins naturels ; et en 2019 le label Vin Méthode Nature. Bref, c’est un flou juridique pour les consommateurs, et même parfois les vignerons !

« Nature » : le mot magique

Il faut reconnaître que depuis l’apparition des divers courants écologistes, le mot “nature” est devenu un peu magique, paré de toutes les vertus. Sur leur site ou dans leurs communications, de nombreux vignerons pas du tout en bio aiment clamer que leur travail « se fait dans le respect le plus total de la nature ». Ce qui ne veut évidemment rien dire… Mais depuis près d’un demi-siècle, le consommateur en général et l’amateur de vin en particulier a l’impression que ce qu’il mange ou ce qu’il boit est meilleur, au goût ou au moins pour sa santé, quand ce produit est le plus naturel possible. Les mentions “sans conservateurs” ou “sans colorants” sont censées flatter les envies de naturel des consommateurs. Cette tendance, en se renforçant, a conduit les producteurs à aller encore plus loin en élaborant des produits répondant à des critères bien précis permettant de les qualifier de “bio”. Très schématiquement, un vin bio est issu de vignes cultivées sans herbicides de synthèse et sans insecticide. Mais sur l’élaboration même du vin et la vinification, les labels bio sont par contre longtemps restés totalement silencieux…

Des étiquettes de vin longtemps restées muettes

Petite parenthèse au passage : alors que les législations sont claires depuis longtemps pour tous les autres produits alimentaires préemballés, les étiquettes de vin sont restées plutôt muettes jusqu’en décembre 2023, date à laquelle ne devaient être indiqué que le pourcentage d’alcool et si le vin contenait ou non des sulfites (sans chiffrage…). Pour le reste, silence radio total.

Depuis fin 2023, pour toute boisson alcoolisée commercialisée sur le marché européen, de nouvelles règles d’étiquetage régies par la Commission Européenne s’appliquent. L’objectif : informer sur la valeur nutritionnelle (valeur énergétique, quantité de matières grasses, d’acides gras saturés, de glucides, de sucres, de protéines et de sel) et donner la liste des ingrédients entrant dans le vin en question. Sur les étiquettes (ou contre-étiquettes), la valeur énergétique est obligatoire, et si les autres informations n’y apparaissent pas, elles doivent être renseignées derrière un QR code qui ne doit contenir aucune information commerciale.

Le vin nature, c’est quoi ? Avec le cahier des charges de l’AVN (Association des Vins Naturels)

C’est donc cette double préoccupation, envie globale d’un retour au naturel et opacité sur ce qui se trouve réellement dans une bouteille de vin, qui a conduit à cette nouvelle tendance du vin “nature”.

L’AVN a donc défini un cahier des charges du vin naturel, que l’on peut résumer en quelques lignes :

  • le but des vignerons de l’AVN est d’élaborer des vins « issus de la vinification naturelle », à savoir sans aucun intrant ni additif (colle de poisson, blanc d’oeuf, stabilisateur PVPP, enzymes, copeaux de bois, levures, sucre, tanins… En tout, 49 additifs sont autorisés pour les vins conventionnels contre 38 pour les vins bios, 5 pour les vins biodynamiques et un seul pour les vins naturels, le dioxyde de soufre, à faible dose, au maximum 30mg/l pour les rouges, 40mg/l pour les blancs ; ce qui vaut à 10 mg/l à l’analyse)
  • la pratique culturale respecte obligatoirement la démarche de l’agriculture biologique ou biodynamique, labellisée ou certifiée
  • les vendanges sont manuelles
  • seules les levures indigènes dirigent la vinification
  • il n’y a pas de modification volontaire de la constitution originelle du raisin, et donc pas de recours à des techniques physiques brutales et traumatisantes (concentration du moût entier, réduction alcoolique par des moyens techniques, filtration, pasteurisation, thermovinification, régulation de l’acidité, micro-oxygénation etc sont interdites…)

Aux yeux des amateurs, les vins nature ou naturels sont souvent résumés à des vins auxquels on a ajouté peu ou pas de soufre (sulfites, SO2, dioxyde de soufre, c’est la même chose, seules les formes de soufre changent). Cela s’explique également par le fait que de nombreux domaines qualitatifs pratiquent les mêmes règles de cahier des charge, excepté cette histoire de soufre.

Pour ou contre ?

C’est donc la présence du soufre qui est la question centrale et discriminante du vin nature. Et d’ailleurs les amateurs parlent souvent de “vin sans soufre” pour caractériser un vin “nature”. Si cela ne vous est pas encore arrivé, cela se produira probablement bientôt : assister à une discussion passionnée entre partisans du vin “zéro soufre” et ceux qui acceptent les vins “conventionnels”. Les premiers clameront qu’ils ne peuvent pas boire des vins qui leur donnent mal à la tête, bourrés de produits chimiques et dont les arômes sont cadenassés par le soufre. Les seconds se demanderont comment peut-on boire des vins blancs qui ressemblent à du cidre et des rouges qui ont l’air madérisés alors qu’ils n’ont que deux ans de bouteille, ou sentent l’écurie. Comme dans toute discussion passionnée, tous les excès sont permis !

La réalité de la question du soufre, question centrale, répétons le des vins “nature”, est plus complexe qu’il ne paraît. Le soufre étant avant tout un conservateur et un bactéricide, dans un monde parfait on peut assez facilement s’en passer. Une vendange mûre et parfaitement saine, sans la moindre trace de pourriture, un chai d’une propreté clinique, peu de manipulations des moûts (qui risquent de les oxyder) et le sans soufre est jouable. On bien parle ici de “soufre ajouté” car la fermentation du vin produit un peu de soufre naturel (on peut donc trouver un peu de soufre dans un vin… sans soufre). Mais ces conditions optimales ne se rencontrent pas toujours et de nombreux vignerons, pourtant très proches de l’esprit des vins naturels, n’hésitent pas à ajouter des doses quasi homéopathiques de soufre pour que leurs vins aient plus de chances de rester stables dans leur vie en bouteille. Faut-il pour autant les bannir de la famille des vins nature ? Sans doute pas, car ce serait très sectaire, mais malheureusement le milieu du vin naturel a engendré quelques ayatollahs du sans soufre qui n’ont pas peur de parler de grand terroir quand un vin est tout simplement complètement “surnaturel”, bourré de défauts rédhibitoires, même pour un dégustateur tolérant !

Au delà d’une mode, une avancée profitable pour tous

Au-delà des excès liés à tous les phénomènes de mode, il n’en reste pas moins que cette voie défrichée à ses origines par quelques “doux rêveurs” (Jules Chauvet, Pierre Overnoy, Philippe Pacalet, Marcel Lapierre…), est extrêmement profitable à l’évolution du travail de nombreux vignerons. Face à deux vins de bon niveau, qui ne préfèrerait pas celui qui contient le moins d’additifs possible, dont les raisins ont été cultivés sans pesticides ou autres produits de synthèse, et dont les doses de soufre sont minimalistes (ou absentes si c’est possible) pour pouvoir garder le maximum de “buvabilité” ? Aujourd’hui, sous l’influence des pratiques parfois trop dogmatiques des vignerons “nature”, il est clair que les bons vignerons mettent des doses beaucoup plus réduites de soufre dans leur production et personne ne peut s’en plaindre, que ce soit pour sa santé ou pour pouvoir déguster des vins plus libres dans leur expression aromatique.

Palmarès des vins nature aux enchères d’iDealwine

domaines vin nature

La preuve que les vins naturels ne sont pas une simple mode… Ils font de beaux records aux enchères. Voici le palmarès des vins naturels qui se sont les mieux vendus tout au long de l’année 2024.

Le TOP 20 des vins nature les plus chers en 2024

Rang 2024RégionDescription du lotPrix adj lot TTCPrix adj. unit. TTC (éq. 75 cl.)Acheteur /
Date vente
1Bourgogne1 bt Echezeaux GC 2009 (RGE) – Bizot5 125 €5 125 €Particulier – France
Avril-24
2Champagne1 bt Extra-Brut 1er Cru Millésimé 2008 (EFF) – Jacques Selosse2 250 €2 250 €Particulier – France
Décembre-24
3Bourgogne1 bt Bourgogne En Belle Rose 2018 (RGE) – Les Jardins Vivants (Tino Kuban)1 913 €1 913 €Particulier – France
Mars-24
4Rhône1 bt Cornas Cuvée sans soufre 1999 (RGE) – Thierry Allemand1 625 €1 625 €Particulier – Danemark
Novembre-24
5Bourgogne1 bt Chambertin Clos de Bèze GC 2020 (RGE) – Prieuré Roch1 563 €1 563 €Particulier – Singapour
Septembre-24
6Bourgogne1 bt Charmes-Chambertin GC 2021 (RGE) – Kei Shiogai1 438 €1 438 €Particulier – Italie
Décembre-24
7Jura1 bt Arbois Pupillin Vin jaune 1998 (BLC) – Pierre Overnoy1 125 €1 361 €Particulier – France
Août-24
8Jura1 bt Vin de France Mizuiro Les Saugettes 2016 (BLC) – Domaine des Miroirs1 200 €1 200 €Particulier – Hong Kong
Janvier-24
9Italie1 bt Brunello di Montalcino DOCG Riserva 2001 (RGE) – Case Basse (Gianfranco Soldera)1 188 €1 188 €Professionnel – Italie
Mars-24
10Champagne1 bt Champagne Roses de Jeanne Cuvée Inédite RDJ Numéro 2 (EFF) – Cédric Bouchard1 125 €1 125 €Particulier – Corée Du Sud
Avril-24
11Loire1 bt Vin de France Les Nourrissons 1996 (BLC) – The Picrate (Eric Callcut)1 088 €1 088 €Particulier – Suisse
Novembre-24
12Loire1 bt Vin de France Génèse 2004 (BLC) – Les Jardins Esmeraldins1 063 €1 063 €Particulier – Hong Kong
Octobre-24
13Loire2 demi-bt Vin de France Champignon Magique 2007 (BLC) – Pierre Beauger918 €918 €Particulier – Corée Du Sud
Novembre-24
14Bourgogne3 bt Chassagne-Montrachet 1er Cru Cailleret 2017 (BLC) – Lamy-Caillat2 625 €875 €Particulier – Brésil
Avril-24
15Espagne1 bt Vinos de Madrid DO Rumbo al Norte 2020 (RGE) – Comando G813 €813 €Particulier – Etats-Unis
Août-24
16Savoie1 bt IGP Vin des Allobroges Altesse 2013 (BLC) – Prieuré Saint Christophe (Domaine)750 €750 €Particulier – Japon
Juin-24
17Jura1 bt Côtes du Jura Les Vignes de mon Père 1998 (BLC) – Jean-François Ganevat750 €750 €Particulier – France
Novembre-24
18Jura1 format 50 cl. Vin de France Trésor d’Aiglepierre – Echarde 2004 (BLC) – Jean-Marc Brignot500 €750 €Particulier – Pays-Bas
Décembre-24
19Bourgogne1 bt Meursault 1er Cru Les Charmes Dessus 2015 (BLC) – Bernard Bonin663 €663 €Particulier – Pologne
Novembre-24
20Bourgogne1 bt Gevrey-Chambertin En Reniard 2019 (RGE) – Les Horées625 €625 €Particulier – Danemark
Juin-24

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vin nature raisins

Cet article a 3 commentaires

  1. Catherine

    Merci pour votre article. Il y a un point sur le vin nature qui n’a pas été abordé et qui vaut la peine d’être mentionné. Pour faire un bon vin nature, il faut avant tout avoir des raisins impecables, ce qui veut dire une qualité de vignes et de sols exemplaires. Mais il faut aussi du temps. Après la slow food, les vins natures pourraient être repérés par une mention de slow wine. Selon certains vignerons qui travaille en nature, on peut faire des vins sans ajout de soufre qui voyagent et peuvent supporter des variations de températures et qui peuvent être un peu bousculer lors d’un transport. La condition est d’avoir attendu que les vins soient « faits », stabilisés naturellement grâce à l’action du temps et des modifications naturelles de températures lors des saisons au chai. Beaucoup de vignerons, toutes philosophies confondues, font, à l’heure actuelle, un choix économique de vendre des vins non finis. Je pense que nous devons être très attentifs aux millésimes mentionnés surtout pour les vins natures et reconnaître qu’en général on a, dans ce style de vins, un excellent rapport qualité-prix au regard de la concurrence.

    1. iDealwine

      Bonjour,
      Nous vous remercions pour vos précisions 🙂

      L’équipe iDealwine.

  2. Nicolas Vanhove

    Comme dirait l’ami Antoine Sauvignon à Poitiers : les vins libres sont des vins CANON !

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