Nous l’écrivions au printemps dernier, le Château Palmer est un des très rares crus classés de Bordeaux à produire aujourd’hui du vin bio. La propriété, située sur le plateau des Brauzes, avait en effet entamé en 2008 une longue transition vers la biodynamie. Ce mode de culture consiste à inciter la vigne à se protéger et à se développer par elle-même grâce aux stimulis envoyés par son environnement et grâce à des traitements par des pulvérisations de tisanes à base de plantes. Cette méthode permet d’éviter d’avoir recours aux engrais chimiques, pesticides et autres herbicides. Outre les vertus sanitaires d’un tel mode de culture, la biodynamie permet de créer une réelle harmonie entre la vigne et son environnement. C’est cette philosophie qu’ont souhaité adopter les équipes de Palmer, à travers une agriculture repensée en profondeur et quelques mesures simples mais efficaces empruntées au passé… et au futur !
Ainsi, l’herbe poussant entre les vignes ne sera plus tuée chimiquement mais broutée par des chèvres « empruntées » à un berger voisin. Leur présence cet hiver dans les vignes a d’ailleurs été d’une efficacité telle que l’opération est déjà programmée pour les prochaines années ! De même, des poules auront pour mission d’évincer les escargots, ces grands amateurs de feuilles de vigne dont l’appétit handicape parfois lourdement les ceps. Enfin, pour produire du fumier « maison », deux vaches seront bientôt les reines de la prairie voisine. Comme le dit Thomas Duroux, le directeur général de Château Palmer, dans une interview accordée au magazine Terre de Vins, «on n’invente rien, c’est juste une propriété qui retrouve son harmonie ». En se basant sur les théories de Rudolf Steiner, le grand « maître » de la biodynamie, les équipes du Château ont souhaité rompre avec l’agriculture productiviste de l’après-guerre, période durant laquelle les ceps étaient pensés comme des usines : calibrés et traités pour être productifs en toutes circonstances.
Pour autant, on ne peut évidemment passer au bio et à la biodynamie du jour au lendemain. Les techniques ont d’abord été testées et affinées sur deux petites parcelles. Il était alors autant question de mettre en pratique les techniques énoncées que d’apprendre et de comprendre les mécanismes complexes de ce nouveau mode de culture, et de les confronter à des résultats concrets. Par exemple, l’utilisation de la silice de corne a donné des résultats mesurables. La méthode a donc été adoptée, non par dogmatisme mais bien par observation réelle du comportement de la vigne.
La part du bio a ensuite été progressivement étendue, en mesurant précisément l’impact sur chaque parcelle par rapport aux vins « normaux » (terme au demeurant malheureux). L’évolution s’est donc faite tout en maitrise, jusqu’à ce jour de la fin 2013 où, au sortir d’une année difficile, Thomas Duroux et son équipe ont réalisé qu’ils étaient prêts à faire le grand saut vers le tout biodynamique et le tout bio : ils avaient aussi bien protégé les parcelles en biodynamie que les autres. Le vignoble était donc prêt.
Un an plus tard, les premières vendanges sont arrivées. La récolte des jeunes merlots a commencé le 22 septembre. Puis, quelques jours après, les merlots du cœur du vignoble ont à leur tour été cueillis. Enfin, ayant atteint une belle maturité grâce à un mois de septembre bien ensoleillé, les cabernets ont suivi. S’il est encore trop tôt pour évaluer le premier Palmer 100% bio, Thomas Duroux est optimiste. Dès 2011, une parcelle élevée en biodynamie avait révélé l’apport qualitatif de cette philosophie, sans pour autant rompre avec ce qui rend Palmer différent des autres vins depuis des siècles.
Finalement, comme le rappelle le Directeur Général de Château Palmer, la biodynamie permet à chaque parcelle de s’exprimer clairement et de faire ressortir ses caractéristiques propres. Ainsi, les équipes du Château Palmer ont constaté que les 55 hectares du vignoble se divisaient en 18 sols distincts qui devaient chacun être exploités différemment. Alimentation hydrique, orientation, composition des sols, et variations climatiques sont autant de paramètres qui doivent être pris en compte pour satisfaire pleinement chaque cep. Thomas Duroux insiste d’ailleurs sur l’aspect inéluctable de ce passage progressif du vignoble de Bordeaux au tout biologique. « D’abord parce qu’on ne peut pas assurer la pérennité d’un terroir en continuant à balancer des saloperies, on ne peut pas continuer à faire prendre des risques aux personnes qui travaillent à la vigne. Enfin, il est complètement incompréhensible pour un amateur de vin qu’un Grand Cru Classé ne fasse pas l’effort d’être en bio, alors qu’un petit vigneron qui vend sa bouteille quelques euros et qui en vit difficilement, a consenti cet effort», argue-t-il.
Il est vrai qu’aujourd’hui, beaucoup de propriétés ont fait des essais en bio. Bien entendu, à tout changement ses risques, et certains châteaux sont assez frileux à l’idée d’un tel chamboulement. Pourtant, d’un point de vue strictement financier, le choc est mince… voire inexistant ! Si une culture en biodynamie nécessite d’être au plus près de la vigne et ce sur toute l’année, les économies réalisées en achat de produits chimiques sont loin d’être négligeables… Ainsi, le prix de revient d’une bouteille de Château Palmer n’a pas évolué. Pour Thomas Duroux, tous les grands crus classés passeront immanquablement bientôt au biodynamique dans les prochaines années. C’est le « sens de l’histoire », dans tout ce que cette expression a de puissant : une force qui ne peut être arrêtée et une finalité vue comme définitive et stable. Les réflexions actuelles vont en ce sens et correspondent tout simplement à une autre manière de voir le vin et l’agriculture : « du goût, de la complexité, du rêve. Pas seulement de l’alimentaire. »
De fait l’histoire commence à donner raison à Thomas Duroux. Le Bordelais a longtemps été à la traîne sur la question du bio qui se limitait essentiellement à quelques petits domaines familiaux souvent engagés depuis pas mal d’années dans la démarche, comme Falfas, Gombaude-Guillot ou Clos Puy-Arnaud pour n’en citer que trois. Aujourd’hui ce profil de domaines en bio se multiplie – doucement – mais surtout des crus classés commencent à montrer l’exemple, Pontet-Canet en étant le représentant le plus emblématique avec sa double réussite, qualitative et financière. Pour l’instant, à part Palmer, il ne s’agit bien souvent que d’essais, mais la petite graine est plantée. En gardant à l’esprit que la conversion est particulièrement délicate à Bordeaux pour deux raisons : climatique d’abord, l’humidité du climat océanique pose des problèmes sanitaires bien plus sensibles que dans le Rhône sud ou le Languedoc par exemple ; financière (et structurelle) ensuite car les grands domaines classés sont tétanisés par les enjeux financiers d’une récolte éventuellement altérée à la suite d’un passage en bio. La séparation des pouvoirs entre les hommes de terrain et les propriétaires (plus gestionnaires que vignerons) empêche en effet souvent toute évolution vers un mode de culture plus risqué, mais plus propre et surtout plus qualitatif pour le résultat en bouteille. Une évolution à suivre dans les années à venir…
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Château Palmer 2009 | 207 € |
Château Palmer 2008 | 106 € |
Château Palmer 2007 | 110 € |
Château Palmer 2006 | 94 € |
Château Palmer 2005 | 200 € |
Château Palmer 2004 | 118 € |
Château Palmer 2003 | 92 € |
Château Palmer 2002 | 125 € |
Château Palmer 2001 | 138 € |
Château Palmer 2000 | 204 € |
Château Palmer 1998 | 138 € |
Château Palmer 1995 | 120 € |
Château Palmer 1990 | 154 € |
Château Palmer 1989 | 200 € |
Château Palmer 1982 | 130 € |
Château Palmer 1961 | 1 256 € |
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