Denis Saverot la rvf

« J’aime l’énergie et la force que donne le vin ».
Rencontre avec Denis Saverot, organisateur du salon de la RVF à Paris qui à fermé ses portes il y a quelques jours et Directeur de la rédaction du magazine éponyme.

Pour traquer le naturel, il n’en fallait pas moins que cet antre parisien, annexe du controversé Racines, bouillon de nature et cultivant le spontané de génération en génération.
Autour de plusieurs verres, Denis Saverot s’est livré sans modération et avec toute l’affabilité qu’on lui connaît, colorant d’anecdotes cocasses ou émouvantes ses menus propos. De menu il en fut aussi question, entre gigot d’agneau aux légumes pour l’un et côte de cochon iberica pour l’autre.

Le cahier d’écolier faisant office de carte des vins fut consulté à trois reprises, le temps d’y dénicher un verre de vin blanc d’Anjou du domaine Nicolas Réau, une bouteille hallucinante au sens premier du terme, vin de table du Jura, poulsard étiquetté « Robert est un con », et on veut bien le croire si c’est lui le vinificateur, puis un Fleurie de Yvon Métras, salutaire pour l’oenologie moderne. A la fin de la bouteille, l’annexion du bistrot fut faite, nous échappant de justesse à la mise en place du service suivant.

Pour qui n’a jamais rencontré Denis Saverot, il faut l’imaginer comme un personnage de la Comédie Humaine, authentique et enjoué, ardent pourfendeur d’abstèmes de tous poils, croisé rabelaisien du bon vin et de ses vertus.
Né à Mâcon le vingt (vin ?) novembre 1964, Denis Saverot a d’abord orienté sa carrière de journaliste vers la politique. Il a d’ailleurs écrit plusieurs ouvrages sur le sujet. Rien d’étonnant pourtant à ce qu’il rejoigne le monde du vin puisque cet amoureux d’histoire et des plaisirs de la vie aime avant tout la compagnie de ses congénères, les longues palabres autour d’un verre de vin, l’amitié et les conversations à bâton rompu.

Devenu le rédacteur en chef de la Revue du Vin de France en 2000, il est depuis trois ans le directeur de la rédaction. Du galon et une responsabilité qui ne l’empêchent nullement de parcourir le vignoble de temps à autre, et de s’entretenir avec de grandes figures du monde du vin, à l’occasion des portraits de la RVF. Ou même de se livrer au travail d’écriture : il a co-écrit avec Benoist Simmat In Vino Satanas, paru en 2008, ainsi que le Guide d’achat des vins 2012 pour les nuls.
Ce jour-là, il s’est prêté de bon coeur à notre questionnaire impertinent et a accepté de passer de l’autre côté du feuillet.
Quel fut votre dernier coup de cœur ?
La cuvée La Chapelle du Château Thivin, un côte-de-brouilly qui incarne tout le goût du Beaujolais et sa noble origine. Très digeste, conciliant maturité et fraîcheur, c’est un vin magnifique, qui représente bien je trouve l’esprit de la France. C’est la famille Geoffray qui en est propriétaire. En plus l’étiquette est extra, colorée dans le style années 20. Je l’ai découvert avec Philippe Maurange, lors de nos dégustations pour le sujet consacré au beaujolais paru dans la Revue de mars 2012.

L’accessoire dont vous ne vous séparez jamais ?
Mon scooter ! Je conduis des deux-roues depuis mes 18 ans, je suis un passionné. J’aime traverser Paris en scooter, ça fait partie de moi.

Vous êtes plutôt bouteille, canette ou magnum ?
Avec une bad girl, plutôt magnum….
Dans tous les autres cas, sans hésiter le magnum quand même, c’est vraiment le contenant idéal pour la garde. Et c’est magnifique sur une table.

Le restaurant où vous avez votre rond de serviette ?
Les Colonnes à Issy-les-Moulineaux, à deux pas de la rédaction de la Revue du Vin de France. C’est un établissement étonnant, tenu par Patrick et Christine Nayrolles. On y côtoie aussi bien des hommes politiques, comme André Santini, que des journalistes ou des restaurateurs de grandes maisons. Et c’est une très bonne table, avec les grands classiques de brasserie et une bonne cave.

La fin de la bouteille au resto : vous la buvez ou doggy-bag ?
Le doggy-bag, c’est pour les Anglais ça, non ? Moi je finis toujours la bouteille.

Le vin que vous auriez honte de boire ?
Aucun. Même les vins les plus anti-conformistes, comme ce poulsard que l’on a bu aujourd’hui, je n’ai pas honte de les boire. Ils témoignent de la grande diversité du vignoble français et montrent qu’il reste bien vivant.

Votre première gorgée de vin : c’était quand et avec qui ?
D’aussi loin que je me souvienne, c’est une bouteille de beaujolais de mon année de naissance que mon père avait gardée. Il a respecté tout le rite et me l’a servie pour mes 18 ans.

La bouteille qui a déclenché votre passion
Il y en a plusieurs ! Mais deux d’entre elles m’ont vraiment bouleversé. D’abord un Taylor’s Porto Vintage 1985. C’est le premier grand porto que je buvais de ma vie, je n’en avais jamais dégusté de si grands jusque-là. C’était un vin enchanteur, alliance de force et haute civilisation. Un vrai changement de dimension. Et puis il y a eu aussi une bouteille de clos-saint-hune des années 80. Là encore ce fut un choc ; je n’avais jamais bu un blanc avec une telle résonance et une telle profondeur. Cette bouteille m’a ouvert les yeux sur le potentiel des vins alsaciens.

Vous ne pourriez pas vivre sans …
L’histoire de France. Je suis un passionné, je lis beaucoup de livres sur l’histoire. Dernièrement, un ouvrage de Jacques Bainville.

Le vin que vous aimez faire découvrir à des amis néophytes ?
Le sauternes. A ce propos j’ai une anecdote. Je recevais Michèle Cotta à dîner. Arrive le dessert, une salade d’oranges au thym et aux abricots confits. Elle ne souhaitait pas boire de vin avec. J’ai quand même amené des verres de sauternes, c’était un Château de Myrat 1997. Et bien elle a demandé à être resservie ! Elle a trouvé l’accord mets et vins extra. Si j’avais proposé d’emblée du sauternes, on m’aurait dit non. Là, en le servant d’office, le charme a opéré. Ce vin si particulier fait toujours l’unanimité une fois goûté !

Si vous partiez sur une île déserte (ou sur les chemins de Saint-Jacques…), quelle bouteille emporteriez-vous ?
Question difficile ! Je me souviens d’avoir rencontré Jean-Paul Guerlain. Il allait souvent aux Comores et emportait du Malesan, car il estimait que les grands vins voyageaient mal. En m’inspirant de sa réflexion, je choisirais un bon bordeaux supérieur. Mais un bordeaux qui ait la force des gens de la mer, l’âme des grands navigateurs. Avec un héritage gascon davantage qu’anglais.

Le flacon que vous voudriez avoir dégusté avant de mourir ?
Le vin que buvait Napoléon lorsqu’il était prisonnier à Sainte-Hélène. C’était un vin d’Afrique du Sud, du Cap, car c’était le vignoble le plus proche de l’île.

« La vérité est au fond du verre ». Au fond, est-ce toujours la vérité ?
Tous mes meilleurs amis ont toujours terminé leur verre. J’aime la compagnie des gens qui finissent leur verre. C’est cela pour moi la vérité des relations. Le côté sacré du vin est important, il y a un côté religieux dans le vin, on doit le boire jusqu’au bout.

Propos recueillis par Véronique Raisin pour iDealwine.

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