
Alors que les températures grimpent, les amateurs se tournent vers des vins différents, plus légers, des rosés, ces fameux vins d’été. Envie d’évasion, envie d’autres horizons quand les beaux jours s’installent… et si nous partions pour la Corse ? Est-ce une destination intéressante pour les amateurs en quête de constitution d’une belle cave patrimoniale ? C’est ce que nous allons analyser avec Angélique de Lencquesaing, co-fondatrice d’iDealwine, et spécialiste du marché des ventes aux enchères de vin.
La Corse est célèbre pour ses paysages, son climat, sa culture, ses plages… et qu’en est-il de ses vins ?
La Corse, appréciée des Grecs au VIème siècle avant J-C, peut se prévaloir d’une histoire viticole pluri-millénaire. L’ile est riche d’une variété de sols et de terroirs, plutôt schisteux au nord, granitiques au sud-ouest, parfois calcaire au centre et à l’est… une variété qui est propice à l’épanouissement de cépages à l’identité marquée, tels que le niellucciu (à Patrimonio, au nord) le sciacarellu (au Sud, Ajaccio) ou encore le vermentinu, aussi appelé malvoisie, pour les blancs.
La Corse a elle aussi subi elle aussi les ravages du phylloxera et de différentes guerres et crises. Après avoir été exploité de façon artisanale et familiale, le vignoble s’est tourné dans les années 1960 vers une production de masse. Mais la détermination de certains vignerons, comme la famille Abbatucci à Ajaccio, à faire renaître les cépages autochtones, et à tourner la vigne vers une production de qualité, a permis de voir émerger de nouveau, à compter des années 1980, une viticulture d’excellence avec de superbes domaines, aujourd’hui bien identifiés des amateurs.
Quelle est la part des vins corses dans les ventes que vous suivez, ont-ils leur place dans le cénacle des enchères ?
Le vignoble corse est un écrin confidentiel, il a été fortement réduit, passant de 30 000 ha dans les années 60 à 7 000 hectares aujourd’hui. Il représente 1% de la production hexagonale de vin. Aux enchères, cette proportion est comparable (1,3% des volumes adjugés l’an dernier sur iDealwine). Ce qui correspond à 531 flacons seulement, qui ont été adjugés sur le site en 2024. Leur part est donc infime, mais de très beaux vins enchantent les amateurs éclairés.

La Corse produit des vins dans les trois couleurs, rouge, blanc, et rosé. Toutes se valorisent aussi bien aux enchères ?
Ce qui est intéressant, c’est que dans les enchères, les vins rouges sont traditionnellement majoritaires : tout vignoble confondu, ils ont représenté 70% des volumes adjugés aux enchères sur iDealwine en 2024. En Corse, la parité règne entre rouges et blancs (44% chacun), les rosés et les liquoreux occupant la proportion restante. La variété qui s’exprime dans les terroirs et les cépages corses rend les blancs et les rouges aussi attractifs, même si ces derniers, portés par une belle capacité de garde, se valorisent plus haut que les vins blancs.
Les prix, parlons-en, sont-ils plus attractifs que dans les autres vignobles, ou subissent-ils les surcoûts liés à l’insularité de la Corse ?
Aux enchères, les prix sont nettement inférieurs à la moyenne : là où, tout vignoble confondu, dans les enchères iDealwine le prix moyen adjugé atteignait 149€ en 2024, les vins corses, eux s’échangent en moyenne à 56€, avec une prime aux vins rouges (69€), contre 51€ pour les vins blancs.
Vous avez évoqué Ajaccio, c’est une des appellations liées au cru qui se distingue dans les enchères
Ajaccio compte trois domaines dans le classement des 10 signatures les plus recherchées de Corse, au premier rang desquels, Vaccelli. Véritable star de l’Île de Beauté, cette institution créée dans les années 1960 est célèbre pour sa cuvée « Granit ». Plus rare encore, la cuvée « Granit 174 » – le chiffre correspondant à la surface en ares de la parcelle – est issue de très vieilles vignes de sciaccarellu. Six bouteilles de cette dernière ont été adjugées l’an dernier, pour un prix qui culmine à 338€ dans le millésime 2020, plaçant également ce domaine au tout premier rang du classement des vins les plus chers de l’année. Ajaccio est aussi l’écrin du domaine Abbatucci, cultivé en biodynamie, sa cuvée « Monte Mare » 2021, issue de sciaccarellu, atteint 158€. U Stilicionu est aussi un beau domaine en biodynamie, présent dans le TOP10 des domaines corses.

Au Sud, le vignoble de Figari est aussi une option intéressante
Oui, il s’illustre au travers du travail d’Yves Canarelli, au domaine éponyme. C’est le deuxième domaine le plus recherché de Corse. Un vignoble conduit, lui aussi, en biodynamie, également adepte des cépages locaux, pour certains élevés en amphores. Rareté des raretés, la cuvée Tarra d’Orazi, issue d’une parcelle franche de pied – en d’autres termes, qui n’a pas subi les attaques du phylloxera -, n’est passée qu’une seule fois sous le marteau d’iDealwine en 2024. Dans le millésime 2018 cet assemblage de cinsault, niellucciu et sciaccarellu a atteint 263€.
Revenons au nord de l’île de beauté, à Patrimonio, c’est un vignoble phare, n’est-ce pas ?
Au nord, Patrimonio – qui au passage est un vignoble à couper le souffle – peut s’enorgueillir de quatre représentants dans le TOP 10 des domaines les plus recherchés aux enchères : Mireille Giudicelli, avec de superbes cuvées dans les deux couleurs. On trouve aussi les noms des vignerons Antoine Arena, Jean-Baptiste Arena ainsi que le domaine E. Croce d’Yves Leccia.
Notons que la vigne est également présente à l’intérieur des terres, au centre-nord de l’ile : le domaine Vico (#7), a été racheté en 1987 par la famille Venturi qui a isolé certains terroirs pour créer le Clos Venturi. Les deux domaines cohabitent toujours et remportent de beaux succès aux enchères.

Eté oblige, évoquons des vins rosés, et des blancs : on parle surtout de vins à boire, mais vraiment à suivre, sur le plan de l’investissement-vin ?
S’agissant des vins rosés, certains se valorisent bien, ils sont d’ailleurs vendus à des prix significatifs par le domaine, mais effectivement, dans la mesure où leurs capacités de garde sont moindres, on les retrouve moins volontiers aux enchères. En revanche, les blancs liquoreux, les muscats du Cap Corse notamment, sont des vins rares, et prisés. Celui du domaine Antoine Arena a atteint 86€ dans le millésime 2006. Mireille Giudicelli se distingue aussi avec son exceptionnel muscat du Cap Corse (56€ pour le millésime 2012).
Vous avez évoqué la biodynamie, mais la Corse est un vignoble bio, avant même d’être biodynamique ?
Oui, le climat de la Corse offre un écrin idéal aux vignerons désireux de mener une viticulture respectueuse de l’environnement. Le TOP10 des domaines les plus recherchés aux enchères est entièrement certifié en bio, et parmi eux, sept sont convertis à la biodynamie.
Le vent nature souffle aussi en Corse, cinq travaillent en minimisant autant que possible l’apport de soufre. C’est le cas d’Abbatucci, U Stilicionnu, Giudicelli, Clos Venturi et Antoine Arena.
Avec 1% seulement de part dans les enchères, la Corse représente donc un placement de diversification…
Oui, la photographie de la répartition des vins aux enchères donne une indication intéressante de la part à octroyer dans sa cave aux différentes régions. La Corse est donc un excellent moyen de diversifier sa collection avec des cépages passionnants, une viticulture de haut niveau et une climatologie favorable à la vigne. Attention, les amateurs tendent à conserver les flacons issus de ces domaines, d’où leur rareté sur le marché secondaire.
Compte tenu de leur belle capacité de garde, c’est une décision sage que de choisir soigneusement de beaux flacons de vins corses, c’est un choix encore assez pointu, et encore abordable au regard de la qualité des vins, et qui, à terme, réserve de très belles surprises en termes de dégustation. Et donc, indéniablement, de valorisation.
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