Profession dégustateur iDealwine
Dégustation des margaux au Château Brane-Cantenac pour B&D, janvier 2011. Photo : Jean-Bernard Nadeau

Lorsque j’explique ce que je fais de mes journées, j’entends régulièrement : « la chance, c’est le métier que j’aurais toujours aimé faire » ou variante « et tu appelles ça un travail ? »…

Et bien qu’on se le dise, le métier de dégustateur est un vrai job à part entière qui demande entraînement et endurance, concentration, rigueur, psychologie et impartialité.

1. Entraînement et endurance

Déguster une centaine d’échantillons dans la journée, plusieurs centaines sur la semaine (voire davantage) revient à effectuer une course de fond.

Deux cas de figure : les dégustations thématiques (une appellation, une verticale, un type de vin…). On goûte le plus souvent à l’aveugle en passant en général une à deux minutes sur un vin (personnellement j’en goûte une trentaine dans une heure, avec un commentaire pour chacun). Deuxième cas de figure : les dégustations dans la propriété. On goûte alors toute la gamme du producteur, sur plusieurs millésimes, parfois aussi des millésimes beaucoup plus anciens, et également les vins en cuve ou sur fût.

2. Concentration et rigueur

Il faut juger tous les vins d’une même série selon les mêmes critères, le premier comme le dernier. Cela demande de ne pas parler – pour moi c’est le plus difficile 🙂 -, de repartir de la page blanche pour chaque vin. Et lorsque vous en êtes au 87e rouge jeune et bien tannique, je peux vous dire que ce n’est pas toujours évident !

3. Psychologie

Il arrive très souvent aussi que l’on déguste face au vigneron. Si le vin est bon voire excellent, pas de problème, on peut le féliciter. Mais si ce n’est pas tout à fait cela, voire si c’est carrément mauvais, il faut savoir faire preuve de psychologie.

Voici quelques trucs de pro.

Ne dites pas : « dis donc Marcel, tu as labouré au monsanto ou quoi ? Et cette odeur de pétrole ? Elle passe où déjà la quatre voies ? » Tentez un diplomatique « Vous vous intéressez à la préservation de l’environnement ? Et il n’y a pas une légère déviation, j’aimerais goûter la seconde bouteille pour m’en assurer ».

Ne dites pas non plus : « Vous avez coupé toute la forêt de Tronçais ou quoi ? C’est votre père qui est charpentier ? » Tentez plutôt : « L’élevage est encore marqué à ce stade, espérons qu’il se fondra avec le temps… ».

Et éviter les comparaisons peu flatteuses qui, si elles nous font beaucoup rire, ne sont pas toujours très polies : « Tiens, j’ai Château Michelin, ce petit goût de pneumatique, hum terrible ! »

Ne pas se laisser démonter non plus par un aréopage masculin qui vous dit brut de décoffrage – c’est du vécu ! :
– Il est où le journaliste ?
– Ben, c’est moi !
– Ah…… mais c’est vous qui dégustez toute seule ?
– Ben oui. Pourquoi ça pose un problème ?
– Non non….

4. Impartialité

Donner sa chance à chaque vin, qu’il soit d’un grand domaine ou d’un parfait inconnu, c’est une règle que je m’applique à respecter.

Enfin il faut savoir faire des pauses entre les séances de dégustation, ne pas se goinfrer de petits fours à tous les cocktails, ne pas se jeter sur toutes les coupes de champagne que l’on vous tend même si ça remet les compteurs à zéro. Ne pas arrêter non plus d’un coup l’alcool, j’en ai fait l’expérience, mais par palier… A vous d’évaluer la hauteur des marches.

En savoir plus sur l’art de la dégustation

Consultez la rubrique A la découverte du vin

Cet article a 4 commentaires

  1. Matthieu GUINARD

    Tout à fait d’accord avec cet article. J’ajouterai que la dégustation est un exercice autant intellectuel que physique, qui est extrêmement fatiguant.

    Quand on a affaire à 100-150 échantillons en une journée (ce qui m’arrive nettement moins souvent que vous), je suis réellement épuisé, physiquement épuisé.

    A mon avis la partie la plus difficile, c’est le contact avec le vigneron, surtout quand le vin est raté, en effet. Ou pire, quand le vigneron est en train de vous mentir/cacher une partie de la vérité.

    J’ai bien ri en commençant l’article car c’est exactement le genre de remarque auxquelles j’ai droit quand je fais un déplacement en dégustation par exemple. Les seuls qui ont arrêté sont ceux qui sont venu une fois avec moi…

  2. Matthieu GUINARD

    Tout à fait d’accord avec cet article. J’ajouterai que la dégustation est un exercice autant intellectuel que physique, qui est extrêmement fatiguant.

    Quand on a affaire à 100-150 échantillons en une journée (ce qui m’arrive nettement moins souvent que vous), je suis réellement épuisé, physiquement épuisé.

    A mon avis la partie la plus difficile, c’est le contact avec le vigneron, surtout quand le vin est raté, en effet. Ou pire, quand le vigneron est en train de vous mentir/cacher une partie de la vérité.

    J’ai bien ri en commençant l’article car c’est exactement le genre de remarque auxquelles j’ai droit quand je fais un déplacement en dégustation par exemple. Les seuls qui ont arrêté sont ceux qui sont venu une fois avec moi…

  3. Mina

    J’adore le ton employé dans cet article ! Et c’est tellement vrai…Merci pour ces beaux articles très instructifs. J’en prends de la graine…

  4. Mina

    J’adore le ton employé dans cet article ! Et c’est tellement vrai…Merci pour ces beaux articles très instructifs. J’en prends de la graine…

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