Depuis quelques années, à l’instar des Sauternes et autres nobles liquoreux, on observe un retour vers les flacons anciens de vins doux naturels : la méthode d’élaboration des vins leur garantit une longévité incomparable, et pourtant les prix demeurent incroyablement doux. Pleins feux sur des vins à (re)découvrir impérativement. Alors, direction le Roussillon, pour découvrir le vin doux naturel local : le Rivesaltes.
Comment produit-on du Rivesaltes ?
La vinification des vins doux naturels s’effectue de façon traditionnelle, en mélangeant tous les cépages qui entrent dans la composition du vin. Au cours de la vinification, au meilleur moment décidé par le maître de chai, on ajoute de l’alcool neutre d’origine vinique pour stopper la fermentation et maintenir ainsi à la fois une relative douceur et un niveau d’alcool élevé (donc un fort potentiel de garde). Ce procédé, appelé « mutage », ressemble à celui des vins de liqueur (porto, pineau, floc…) à la différence capitale que ce mutage ne se fait pas à l’alcool brun mais à l’alcool neutre : ce sont donc les arômes d’origine du vin qui sont conservés. Arômes et couleur ne pourront qu’évoluer avec le temps. Le processus initié par Arnau de Vilanova (Arnaud de Villeneuve) au XIIIe siècle continue à porter ses fruits.
L’appellation Rivesaltes
L’appellation tire son nom de la ville éponyme, dont le nom signifie « rives hautes » en catalan. Le vignoble s’étend sur un peu plus de (000 hectares de terrasses étagées et de collines, traversées par trois fleuves qui en ont modelé le relief. Vin de dégustation par excellence, le Rivesaltes a connu un vif succès dans les années 1930, à tel point qu’ils a figuré parmi les premiers vins français à accéder au statut d’Appellation Contrôlée, en 1936. Quelques années plus tard, la période difficile de la guerre a eu raison de cet engouement. Pourtant, depuis quelques années, recherché pour son potentiel de garde extraordinaire et la complexité de ses arômes, le Rivesaltes bénéficie d’un retour en force.
Depuis 1997, l’appellation distingue plusieurs types de Rivesaltes :
- Les Rivesaltes grenat comptent au moins 75% de grenache noir. Ils sont conservés en milieu réducteur pendant au moins 12 mois, dont 3 en bouteille. Gourmands, ils dégagent des arômes de cerise et de mûre.
- Les Rivesaltes ambrés, élevés en milieu oxydatif pendant au moins deux ans dans de grands contenants (cuves ou foudres de chêne). D’une une belle couleur doré foncé ou ambrée, ils se distinguent par leurs senteurs de noisette, d’amande, de noix, d’agrumes confits et de torréfaction. Ils sont le plus souvent produits avec du grenache blanc ou gris, du macabeu ou encore du muscat.
- Les Rivesaltes rouges embouteillés jeunes (75 % de grenache noir) sont conservés en milieu réducteur au moins 12 mois dont 3 en bouteilles. Ils séduisent par leur teinte rubis profond et leurs arômes de petits fruits rouges (cerise, cassis, framboise, mûre).
- Les Rivesaltes tuilés (50 % de grenache noir), élevés dans de grands contenants au contact de l’air pendant au moins 2 ans. Leur robe se teinte d’un joli tuilé avec des reflets bruns ou orangés. Ils développent des arômes de café, cacao, tabac et fruits confits (figue, pruneau, fraise, coing).
- Le Rivesaltes rosé est le dernier né de l’appellation : peu de domaines produisent ce vin 100% grenache noir aux notes de fruits rouges frais.
La mention « hors d’âge » peut être ajoutée aux mentions « ambré » et « tuilé » pour les vins ayant subi un élevage de cinq ans au minimum après élaboration. L’appellation rancio peut y être apposée dans le cas des vins oxydés et vieillis en plein soleil.
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Quels accords mets-vins avec un Rivesaltes ?
Mieux que tout autre vin français, le Rivesaltes sublime les desserts à base de chocolat. Attention, il est nécessaire de goûter le vin avant de vous déterminer sur le type d’entremet que vous servirez pour l’accompagner. Certains flacons, aux notes très exubérantes, peuvent parfaitement s’accorder avec un chocolat amer, une ganache. Pour l’accorder au mieux avec le Rivesaltes, il vaut mieux le choisir très noir, soit avec le moins de sucre possible pour ne pas saturer vos papilles. Les accords chocolat-café-Rivesaltes fonctionneront tout aussi bien : l’Opéra sera votre meilleur allié. Le Château Villargeil, en raison de la délicatesse de ses arômes, s’accordera plutôt avec des préparations au chocolat au lait ou blanc.
Passons aux fromages maintenant : de même que les Anglais avaient l’habitude de déguster leur stilton avec du porto, la plupart des pâtes persillées s’accorderont avec un vin doux naturel. Il faudra simplement être attentif à la puissance du vin qu’on s’apprête à servir : sur un vin moyennement corsé, un bleu d’Auvergne sera parfait, sur un vin plus puissant, une fourme d’Ambert au lait cru fera l’affaire, et sur les vins les plus accomplis, c’est évidemment le prince des bleus qu’il conviendra de servir, sa majesté le roquefort ! Un vin à recommander également sur un fromage basque tel que l’Ossau Iraty.
Un accord intéressant pourra également être construit autour d’un foie gras mi-cuit, d’une bécasse rôtie ou, pour les chasseurs, d’une grouse. Pour les globetrotteurs, la cuisine asiatique fera aussi des merveilles, tout particulièrement les plates thaï au curry, ou encore les plats du Maghreb comme un tagine sucré/salé (aux pruneaux) ou une pastilla de pigeon.
Enfin, et selon l’expression culte de Georges Lepré, le maître sommelier qui mène fidèlement toutes nos dégustations de vins doux naturels, certains de ces nectars se passent de tout accord : on parle alors de « vins de méditation », de ceux que l’on déguste pour eux-mêmes, accompagnés seulement de quelques bons amis, le soir au coin du feu ou, à la rigueur, d’un cigare.
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