Les vendanges, c’est parti, mais c’est encore loin d’être terminé. Et puisqu’on en parle, que se passe-t-il dans les coulisses des vendanges ? Comment, en particulier, détermine-t-on la meilleure date pour vendanger ?
Comment le vigneron choisit-il la date de ses vendanges ?
Sa décision dépend de plusieurs facteurs :
– le premier est bien sûr le ban des vendanges : l’autorisation administrative de commencer la récolte du raisin est fixée par les préfectures après une réunion avec les représentants des syndicats des appellations et des agents de l’Inao (Institut national des appellations d’origine). Sauf dérogations exceptionnelles, les vignerons ne peuvent donc commencer à vendanger avant le ban. En règle générale les meilleurs domaines vendangent bien après cette date. On dit souvent également qu’on a observé que les vendanges se déroulent entre 92-93 jours après le stade pleine floraison en année chaude et 105-110 jours en année froide et humide. La fourchette est donc quand même de 2 à 3 semaines… Mais certaine années, la pleine floraison est difficile à juger tant il peut y avoir de disparité selon les conditions climatiques au moment de la floraison, le cépage, le terroir, etc.
– le second critère est évidemment la maturité des raisins, elle-même soumise à plusieurs évaluations, essentiellement la maturité alcoolique (quand le sucre contenu dans les baies atteint un sommet) et la maturité phénolique (quand les pépins des raisins sont mûrs et perdent leur côté très astringent). Pour juger de cette maturité le vigneron dispose d’outils : le réfractomètre (sorte de mini longue-vue qu’on tourne vers la lumière du ciel et avec lequel on mesure le sucre à partir du jus d’une baie de raisin) et le mustimètre (sorte de thermomètre qu’on plonge dans le moût de raisin et qui évalue l’alcool probable après fermentation). Mais l’outil souvent le plus fiable du vigneron est tout simplement son palais : en goûtant régulièrement des baies soigneusement choisies selon ses parcelles, c’est la meilleure façon d’être sûr de produire le vin qu’il souhaite.
– d’autres facteurs jouent également un rôle comme le style du vigneron (qui peut vouloir par exemple garder une forme de fraicheur dans son vin en vendangeant avant une totale maturité). Mais également les conditions climatiques et l’étude de la météo qui peuvent conduire à accélérer ou à ralentir la décision de vendanger en fonction de l’avancée de la maturité et des risques liés à des pluies abondantes pendant la récolte.
Vendanges manuelles ou à la machine ?
Evidemment, avant les années 1970, la question ne se posait pas… Aujourd’hui, de nombreuses appellations, y compris très prestigieuses, autorisent la vendange mécanique et elle représente même près de 75% des raisins vendangés en France !
Ceux qui l’emploient vous expliqueront évidemment tous les avantages de son utilisation. Il n’en reste pas moins que, qualitativement, rien ne peut pour l’instant remplacer des vendanges manuelles réalisées avec un minimum de soin : instructions aux vendangeurs pour ne couper que les grappes saines et bien mûres ou les parties de grappes sans pourriture et transport du raisin vers le chais en petits contenants (pour éviter que le poids cumulé fasse éclater les raisins avant le pressurage).
La machine à vendanger (qui secoue les ceps pour faire tomber les baies) a plusieurs conséquences néfastes : elle maltraite la plante (les vignes vendangées mécaniquement dépassent rarement 30 ou 40 ans de vie), elle ne fait pas le tri entre raisins mûrs et pas mûrs ou entre raisins pourris et sains, elle entraine souvent de nombreux débris végétaux avec les baies (feuilles, sarments) ou même escargots et limaces ! Les baies vendangées de cette façon éclatent assez souvent et la vendange accumulée dans la benne baigne dans un jus qui a tendance à s’oxyder avant même l’arrivée en cave pour le pressurage. Les fabricants ont néanmoins fait des progrès et cherchent à minimiser ces défauts (fonds grillagés dans les bennes pour séparer le jus des baies, techniques plus douces pour récolter les baies, etc.).
Il faut reconnaître aussi que la machine présente quelques avantages. Elle permet de vendanger à une date précise qui peut rapidement varier en fonction de la climatologie (la machine est prête à servir du jour au lendemain alors qu’il est plus long de mobiliser une équipe de vendangeurs au débotté). Elle permet de récolter très rapidement certaines parcelles (voire la totalité du domaine), ce qui a l’avantage de vendanger à temps avant l’arrivée du mauvais temps ou de vendanger une récolte avec une maturité homogène. Son usage facilement mutualisable entre plusieurs vignerons permet en outre d’abaisser sensiblement le coût des vendanges.
Quel est le rôle du tri ?
Que la vendange soit effectuée à la main ou à la machine, le rôle du tri avant que les raisins ne soient pressés et vinifiés est souvent capital. Evidemment, certaines années miraculeuses où la maturité est parfaite et les raisins exempts de toute pourriture, tout tri s’avère quasi inutile. Mais cela arrive moins de deux fois par décennie !
Pour une vendange mécanique, un tri sévère est indispensable puisque la machine, non seulement ne fait pas le tri entre les bons raisins et les mauvais, mais ajoute des éléments indésirables. Une table de tri permet d’éliminer (à la main cette fois !) les éléments les plus néfastes à la qualité du futur vin.
La vendange manuelle présente l’énorme avantage d’intégrer presque automatiquement une série de tris qui garantit l’arrivée dans les pressoirs d’une récolte quasi parfaite. Le vendangeur élimine les grappes ou parties de grappe ne répondant pas aux critères qualitatifs, le responsable de chaque rang peut effectuer un rapide tri complémentaire avant de laisser partir les grappes vers les chais, enfin un tri manuel (ou optique) à l’entrée de la cave peut éliminer les dernières imperfections.
Le rôle du tri s’avère particulièrement déterminant lors des millésimes difficiles ou délicats (maturités irrégulières, pluies abondantes, pourriture fréquente, etc). Les domaines les plus qualitatifs éliminent ainsi parfois près de 50% de leur récolte lors de certaines années particulièrement défavorables ! Une exigence qui permet de produire des vins souvent très corrects, mais qui qui auraient pu s’avérer catastrophiques sans cette exigence dans le tri de la vendange.
Les dés sont jetés ou presque (certaines régions ne vendangeront que début octobre et il est encore difficile de se prononcer sur la qualité de ce qui sera récolté à ce moment-là) et nous saurons bientôt si 2014, globalement plus prolifique que 2013 (année particulièrement difficile), est un bon ou très bon millésime. D’une façon général il semblerait que le 2014 soit plutôt une bonne année en France, sans doute pas exceptionnelle, mais d’un niveau globalement supérieur à 2013 ou 2011. Mais les disparités régionales seront à surveiller de près !
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