Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande (Pauillac)

On en dénombre plus de 10 000 en Gironde… Et pourtant, le terme de château n’est imposé que très récemment, au XIXème siècle. Alors pourquoi est-il employé à Bordeaux, et non en Bourgogne ? L’histoire est passée par là, mais la réponse est aussi à chercher dans l’organisation fondamentalement différente de ces deux vignobles français.

Les châteaux : une histoire bordelaise récente…

A Bordeaux, la notion de château dépasse l’édifice architectural, elle désigne le cru produit sur les terres du château. Pourtant, cette dénomination ne s’est imposée au détriment du cru qu’à partir de 1860, bien après la révolution française… Le fameux guide Féret dénombrait seulement quelques domaines revendiquant la mention châteaux avant 1850 pour passer à 500 en 1870, le millier en 1885 et … 2000 en 1914. (Source Philippe Roudié).

Château Haut-Brion
© Château Haut-Brion

Avant la Révolution Française, les seigneurs, seuls propriétaires terriens, se réservaient les meilleurs terrains. Voilà qui explique pourquoi certains crus bordelais sont dotés de superbes châteaux et pourquoi les vignes des alentours sont réputées. Mais pourquoi l’essor du terme du château est-il bien plus tardif ? Avant le XIXème siècle, les vins étaient vendus en vrac par les négociants. On ne spécifiait la provenance des raisins que des meilleurs crus. Au XVIème siècle, on parlait ainsi du vin de « M. de Pontac » pour désigner Château Haut-Brion.

Au XIXème et au XXème siècle va s’opérer un changement de taille : le rapport de force entre domaines et négociants se modifie. D’abord grâce au classement de 1855 qui assoit la renommée de 61 propriétés du Médoc et Graves et 28 crus de Sauternes et Barsac. Puis par la mise en bouteille à la propriété initiée par certains châteaux comme Mouton-Rothschild en 1924. Entre temps, la relative prospérité économique en France, a permis de surmonter la crise du phylloxéra et d’investir dans les propriétés. Et il semble que la renommée des vins produits sur les domaines des anciens seigneurs ait survécu à la révolution française…

En 1857, la première loi française protégeant les marques voyait le jour. Elle stipulait la nécessité d’accoler à l’identification historique, un caractère distinctif (tels que « châteaux », « abbaye », « clos », « mas » ou abbaye » etc.). Et devant le succès commercial des vins mentionnant un « château », toutes les propriétés médocaines se sont empressées d’adopter ce terme. Certains châteaux se dotent de noms inventés pour l’occasion. D’autres empruntent celui de leur propriétaire, du lieu-dit sur lequel ils se trouvent, ou accolent les deux : Lafite-Rothschild.

Château Mouton-Rothschild

Et le succès ne va pas s’arrêter là… De nombreux domaine adoptent la mention « château » d’abord dans le sud-ouest, puis en Loire, dans le Rhône… Mais pas en Bourgogne…

Le climat plutôt que le château

Alors comment expliquer que le château n’a que peu percé en Bourgogne ? Le château n’accepte des raisins que de la propriété sur lequel il se trouve. Et alors que les châteaux bordelais ne produisent que sur une seule et même appellation, un domaine bourguignon va produire du vin sur de nombreuses parcelles disséminées sur les différents villages aux alentours. La logique de terroir, et de climat propre à la Bourgogne entre en contradiction avec l’unité géographique qui est sous-tendue par le terme de château.

Le climat, spécificité bourguignonne inscrite depuis 2015 au patrimoine mondial de l’Unesco, est cette conjonction d’une parcelle de terre, d’une exposition au soleil, d’un sol et enfin du travail des hommes. On estime à 640 l’évocation du premier climat : le « Clos de Bèze » à Gevrey-Chambertin. On en dénombre 1463 dans l’ensemble du vignoble bourguignon et 1247 rien qu’en côte d’Or. Un domaine bourguignon, même lorsqu’il dispose d’un monopole sur un climat (La Tâche ou La Romanée-Conti pour le domaine éponyme) va souvent produire du vin sur une myriade d’autres appellations (Montrachet, ou Corton pour la DRC, notamment). Le classement des climats en premiers crus et grands crus date de la seconde guerre mondiale. L’armée d’occupation pouvait se servir dans les caves sauf s’il s’agissait de premiers crus ou de grands crus auquel cas, elle devait payer le prix fort.  En zone libre, un classement des crus ne pressait pas, on voulait attendre la fin de la guerre… jusqu’à récemment où le classement des crus du Mâconnais (au sud de l’ancienne ligne de démarcation) se faisait toujours attendre. En 2021, après une longue attente, l’AOC Pouilly-Fuissé a vu naître 200 hectares de premiers crus.

Clos de Vougeot

Aujourd’hui l’amateur va rechercher un climat particulier et les vins produits par un vigneron qu’il apprécie sur ce climat. Certaines grandes maisons bourguignonnes comme Louis Jadot, Bouchard ou Joseph Drouhin commercialisent des vins de la quasi-totalité des villages bourguignons. Ils complètent leur approvisionnement par une activité de négoce qui s’éloigne de la notion de château.

On peut trouver cependant des châteaux en Bourgogne : Château de Chamirey, Château de Meursault, Château de Marsannay mais l’usage de ce terme demeure l’exception. Le château du Clos de Vougeot quant lui, l’une des demeures les plus célèbre de la Bourgogne … ne produit plus de vin.

La réglementation des châteaux

Partout ailleurs, de nombreux châteaux ont vu le jour. Au point de galvauder cette dénomination. Même à Bordeaux, il peut exister autant de châteaux au sein d’une même propriété qu’il existe de cuvées ! En Espagne, aux Etats-Unis, les vignerons ont tenté d’apposer le terme de château sur leurs bouteilles. Ce sur quoi la France s’est montrée inflexible. Tout au long du XXème siècle, le législateur français a tenté de préciser le contour de cette mention. Le régime actuel impose  ainsi trois conditions : le vin concerné doit d’abord bénéficier d’une AOP. Par ailleurs, les raisins doivent être récoltés sur une parcelle appartenant à cette exploitation bénéficiant d’un chai. Et enfin, la vinification doit être réalisée dans l’exploitation.

Devant la puissance de certaines marques, la jurisprudence a reconnu que le caractère « remarquable » des chais n’était pas nécessaire pour apposer la mention château. Et comme souvent l’univers du vin est riche de ses exceptions…  Petrus, le vin le plus recherché de Bordeaux… n’a jamais apposé la mention château (château qui n’existe pas, d’ailleurs). Dans le Rhône, Emmanuel Reynaud produit sous le nom de « Château des Tours » ses côtes-du-rhône, et sous le nom de « domaine des Tours » ses IGP du Vaucluse. Et si vous avez la chance de vous rendre à son Château Rayas,  ne cherchez pas le château, car il n’y en a pas non plus !

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