On le trouve dans la vallée de la Loire, à Bordeaux, dans le Sud-Ouest… le cabernet franc est un cépage rouge bien connu, originaire des Pyrénées espagnoles (d’après Guy Lavignac). Ce cépage ancien (datant d’avant 1500), à la dizaine de surnoms selon les endroits où il est planté, démontre bien sa capacité à s’être adapté aux vignobles qu’il a conquis : tantôt « breton » dans la Loire, « bidure » à Bordeaux ou « bouchet », plus précisément à Saint-Emilion. Décryptage de ce cépage aussi bien emblématique de la Loire, que du Château Cheval-Blanc !
Finesse, fraîcheur et élégance du cabernet franc
Le cabernet franc a beaucoup de signatures différentes. Il se distingue par sa finesse aromatique, ses notes épicées, végétales, animales ou fruitées, et sa structure. Gabriel Lepousez (chercheur et neuro scientifique) a étudié ce cépage : « c’est un cépage initiatique, il faut du temps pour le comprendre ». Sa fraîcheur vient d’une part de son aromatique (menthe, eucalyptus), d’autre part de son acidité qui fait saliver en bouche (ca n’est pas pour rien qu’on en fait du rosé ligérien ou vin de glace en Ontario !). Il est assez différent selon les sols sur lesquels il est planté, sa couleur pouvant changer radicalement, tout comme son style. Cépage peu aromatique (et humble !), il laisse le terroir s’exprimer.
Les grappes de ce cépage sont moyennes et les baies rondes, de petites tailles. Vivace, davantage sur la retenue que sur la puissance, surtout dans ses jeunes années, il est délicat et friand. Peu productif, c’est néanmoins sur les terres bordelaises qu’il se montre le plus généreux. Les meilleurs proviennent de sols argilo-calcaires et argilo-siliceux. Assez précoce, il mûrit vite. Jusqu’à peu, son côté végétal (notes de poivron) ressortait souvent mais les meilleurs vignerons évitent aujourd’hui cet écueil.
Assemblé aux autres cépages phare du Bordelais (merlot et cabernet sauvignon notamment – quelques-uns de ses descendants les plus connus !), il ajoute sa rondeur au cabernet sauvignon et la finesse de ses tannins au merlot, donnant des vins rappelant ceux issus du cabernet sauvignon, mais à la robe plus légère, moins tanniques, fins et élégants, assurés d’une longue garde.
Où trouve-t-on le cabernet franc dans le monde ?
Peu timide, le cabernet franc s’est répandu en France où il est planté en majorité : 36.000 hectares de vignes sur les 45.000 hectares dans le monde ! 33% des plantations de ce cépage se trouvent dans la Loire ! Ainsi, il est l’un des cépages majeurs des appellations Anjou, Anjou-Villages, Touraine, Chinon, Saumur, Saumur-Champigny, Bourgueil et Saint-Nicolas-de-Bourgueil. Historiquement, les vins rouges ligériens étaient d’ailleurs expédiés en Angleterre via la Bretagne, d’où le surnom de “plant breton” employé à l’époque, alors qu’il n’était pas planté en Bretagne. Dans la région au plus long fleuve de France, le cabernet franc est présent en monocépage essentiellement.
Il pousse également dans le Sud-Ouest, notamment dans le Bergeracois (Bergerac, Côtes-de-Bergerac, Montravel, Pécharmant), à Gaillac (en minorité) et dans les Coteaux-du–Quercy. Peu présent dans le Médoc, il est beaucoup plus répandu dans le Libournais sur la rive droite de la Gironde, en particulier à Saint-Émilion, dont il est l’un des cépages historiques. Pomerol et Fronsac figurent parmi ses terres de prédilection également, en raison de sols de sables et de limons. Il se plaît sur des sols argileux ou sableux, profonds et riches, avec un sous-sol argileux.
Hors de nos frontières, on le rencontre en Italie (2ème producteur) où il est planté dans le Nord (Frioul – Vénétie, dans un style ligérien fin et frais) ou bien comme cépage d’appoint, afin de compléter les assemblages des super-toscans (IGT Toscane, DOC Bolgheri). Depuis 2014 à Bolgheri, ses plantations explosent.
Il est également planté en Amérique du Sud, au Chili, en Uruguay et en Argentine. Ce dernier, patrie du malbec, représente 1500 hectares de cabernet franc tout de même ! On le trouve aussi en Australie, Afrique du Sud, ou même Californie, où il est généralement assemblé au cabernet sauvignon. Au Canada, c’est le premier cépage rouge ! Le climat frais l’hiver et l’été très chaud lui vont bien… et puis la saison de mûrissement est trop courte pour le merlot ou le cabernet sauvignon. En Hongrie, une AOC 100% cabernet franc existe : Villány.
Les grands vins à base de cabernet franc
Probablement l’un des bordeaux les plus renommés au monde, Château Cheval-Blanc, icône absolue de Saint-Emilion est composé en grande partie de cabernet franc. L’encépagement de la propriété est majoritaire en cabernet franc (52%). Dans le grand vin du château, il est à hauteur d’1/3 de l’assemblage en moyenne (34% en 2019, 40% en 2018, 29% en 2017). Le directeur général de la propriété, Pierre-Olivier Clouet, qui vinifie ce cépage depuis 20 ans, nous livre sa vision du cépage : « Le cabernet franc est une diva, il chante très bien mais a un caractère épouvantable ». En effet, quand tous les critères sont rassemblés, il fait des merveilles. C’est un cépage très exigeant, à la maturité sensible, par exemple qui n’aime ni les terroirs extrêmes et ni ne tolère l’irrigation (la propriété l’a vu à Mendoza en Argentine avec le domaine Cheval des Andes).
A l’étranger, le fameux domaine Harlan Estate, dans la Napa Valley (Californie), détient environ 8% de cabernet franc dans l’assemblage de son vin (même si le cabernet sauvignon est majoritaire, à hauteur de 80%). De même, le grand vin toscan Solaia (domaine Antinori) a entre 5 et 10% de cabernet franc dans son assemblage.
Dans la Loire, des signatures bien connues comme le Clos Rougeard, le domaine des Roches Neuves, le domaine du Bel Air sont des monocépages de cabernet franc. Dans ces cuvées il exprime tout son potentiel, se suffisant à lui-même !