5ème grand cru classé du Médoc en 1855, le Château du Tertre revient aujourd’hui sur le devant de la scène, pour s’imposer parmi les signatures margalaises les plus prometteuses de l’appellation. « Les derniers millésimes s’avèrent particulièrement réussis, dans un style toujours droit. » (1* La RVF). « Le rapport qualité-prix est indéniable. » (3* Bettane et Desseauve). Zoom sur cette propriété au style affirmé.
Une propriété historique au renouveau récent
Le Château du Tertre se constitue avec Pierre Mitchell, un Irlandais inventeur de la forme de la bouteille bordelaise et du jéroboam, propriétaire de plusieurs verreries à Bordeaux au XVIIIème siècle. En 1855, le château est classé 5ème grand cru classé.
Après de nombreux successeurs, la famille Capbern-Gasqueton (également propriétaire à l’époque du Château d’Agassac et du Château Calon-Ségur) achète la propriété à la fin des années 50. Le vignoble est complètement détruit par le gel de 1956 et il faut donc replanter massivement. Comme des bâtisseurs, les propriétaires s’attèlent à la tâche en 1962, 1963 et 1964. 52 hectares d’un seul tenant situé sur le point culminant de l’appellation Margaux – la taille de la propriété n’a pas changé depuis son classement en 1855 – sont ainsi replantés d’un tiers de cabernet franc, un tiers de cabernet sauvignon et un tiers de merlot. 3 ans et 3 cépages donnent un souffle nouveau à cette propriété à l’époque !
Mais la famille Capbern-Gasqueton fait face à des difficultés financières dans les années 80-90, délaissant peu à peu la propriété à l’abandon, avant de devoir s’en séparer en 1997 au profit de la famille hollandaise Albada Jelgersma. Cette dernière détient par ailleurs le fermage du château Giscours et s’emploie donc à la rénovation du Château et à la construction de nouveaux bâtiments techniques. Par exemple, l’aile du château incendiée est reconstruite, le hangar à tracteur devient un cuvier avec des cuves inox, certaines vignes sont replantées…
Cette familleparticipe à l’essor de la qualité du cru par l’intermédiaire de l’équipe technique du Château Giscours, mais à l’époque le château du Tertre n’est pas la priorité. Un évènement vient changer cela, lorsqu’en 2007, l’INAO fait un audit des propriétés margalaises, entre aire géographique et cahier des charges. L’institut se rend compte que la densité de plantation du vignoble ne correspond pas aux règles en vigueur. La propriété doit donc proposer un plan de restructuration de son vignoble, engendrant l’arrivée d’une équipe technique en 2008 dédiée à cette propriété et aux projets à venir. Un tournant dans l’Histoire de ce domaine !
Quelques temps après la disparition d’Eric Albada Jelgersma sa famille décide de se séparer de la propriété au profit d’une compagnie d’assurance française donnant l’exploitation à la famille Helfrich (Les Grand Chais de France). La direction est assurée par Cynthia Capelaere.
Un travail d’arrache-pied en viticulture
A ce jour, 85% de la propriété sont déjà restructurés. L’année butoir est 2035, afin que la propriété soit en règle aux yeux de l’INAO. C’est donc une parfaite opportunité pour le château qui mène une profonde réflexion sur sa démarche à long terme en retravaillant son vignoble parcelle par parcelle. Ainsi, depuis 2008, la propriété arrache environ deux hectares de vignes par an.
Dans les vignes, la philosophie est à la biodynamie (non certifiée), ou au « bon sens paysan » comme aime à le rappeler Romain Beurienne (Directeur Technique). « Nous faisons notre propre compost, les vignes sont laissées enherbées en hiver… ». La propriété est certifiée HVE3 (depuis 2017) et ISO 14001 (depuis 2014).
En ce qui concerne l’encépagement du vignoble, celui-ci a légèrement évolué depuis la famille Capbern-Gasqueton. A ce jour, on compte environ 65% de cabernet sauvignon, 15% de Merlot, 10% de Petit Verdot et 10% Cabernet Franc. D’ici 2035, cette répartition changera encore un peu, en s’adaptant bien sûr au terroir.
De fait, avec des arrachages de vignes récurrents, l’âge moyen du vignoble est relativement jeune (15 ans). Mais Romain Beurienne est catégorique : « Lorsqu’une vigne est issue d’un bon matériel végétal (notamment des sélections massales issues de certaines grandes parcelles de l’ère Gasqueton, un bel héritage) et que le cépage est adapté à son terroir (une connaissance de ses sols est requise), les raisins qui en ressortent donnent des vins concentrés, racés, complexes. »
Un cru classé et… un vin blanc inclassable !
En 2012, la propriété plante une première parcelle (VSIG : vin sans indication géographique) d’1,45ha. L’objectif est de créer un blanc assez particulier. Ses cépages ? Chardonnay, Sauvignon Blanc, Viognier et Gros Manseng… peu commun à Bordeaux !
Deux raisons viennent expliquer cette petite folie :
- l’un des enfants d’Albada n’aime pas le vin rouge, ce qui aurait motivé la famille à créer un blanc,
- lorsque la propriété reçoit des clients (en œnotourisme), il est dommage de ne pas faire goûter des vins blancs du domaine !
Ainsi, à l’époque, sous le conseil de Denis Dubourdieu, un assemblage atypique est proposé : le sauvignon blanc par son caractère bordelais, le chardonnay qui s’adapte très bien sous toutes les latitudes, le Viognier – cépage roi de la vallée du Rhône -, et le Gros Manseng qui apporte beaucoup de fraîcheur.
Aujourd’hui, 6,2 hectares de blanc sont plantés. Motivée par une sélection rigoureuse de la qualité des lots, la production était jusqu’à présent très confidentielle avec 5 000 bouteilles par an.
A la dégustation, c’est un vin dans un « profil inclassable », pas bordelais, qui déroute le consommateur, l’ouvre à la curiosité. Amené à accompagner la table, ce nectar est à boire dans sa jeunesse (dans les 4-5 ans maximum). Aujourd’hui par exemple, Tertre Blanc 2018 se déguste très bien.
Vinification et style du Tertre
Le Château du Tertre est réputé pour sa finesse, son élégance, sa dentelle. Il n’est pas le plus opulent des margaux. L’objectif est d’avoir un vin digeste, porté par une puissance certes, mais une « puissance intellectuelle » (dixit Romain Beurienne) ce qui signifie une grande concentration, précision et finesse.
Ainsi, avant d’arriver en cave, un premier tri a lieu à la vigne, avant un tri manuel à l’arrivée au chai et enfin un tri optique. L’encuvage a lieu par gravité et l’extraction est douce pour avoir du fruit et des tannins fins. La cuvaison est rapide, entre 19 et 22 jours à température modérée (24-25 degrés). Les fermentations se déroulent assez rapidement. Il n’y a pas de pigeage ni de délestage, seulement des remontages pour travailler plus en douceur.
La mise en barrique se fait lot par lot afin de gagner en précision dans les assemblages qui ont lieu mi-février. L’élevage en barrique dure pendant 16 mois pour le grand vin et 12 mois pour le second vin. La proportion de bois neuf avoisine les 50% (30% pour le second vin). Le reste des fûts est âgé d’un an pour le grand vin (parfois 2 ans pour le second vin).
Concernant le potentiel de garde des vins, sans surprise, le second vin est accessible dans sa jeunesse, mais il peut vieillir. Les Hauts du Tertre 2018 est en ce moment délicieux, et il pourra encore se déguster dans 10 ans ! Le Grand Vin se déguste quant à lui entre 10 ans et plus, moment où ses qualités s’exprimeront le mieux, dépendant bien entendu du millésime. Cela dit en passant, « ça n’est pas parce que les vins sont accessibles dans leur jeunesse qu’ils ne sont pas dotés d’un beau potentiel de garde » nous souffle Romain, en évoquant notamment le millésime 2021. Quant au 2022, celui-ci affrontera sans problème quelques décennies.
Un château qui a retrouvé ses lettres de noblesse
Depuis quelques années, la propriété retrouve sa réputation d’antan, celle d’un 5ème grand cru classé ! Et son apogée n’est pas atteinte, en témoignent les 39,5 hectares de vignes plantés sur un potentiel de 52 hectares (4ha étant actuellement en jachère et 8ha de vignes étant trop jeunes, donc non productives). Château du Tertre a (re)trouvé peu à peu son identité et sort de l’ombre de Giscours.
Par an, environ 70.000 bouteilles de grand vin sont produites, ainsi que 50.000 de second vin. Dans les années à venir, au gré des replantations, la production devrait augmenter. « Près de 70% de nos terroirs ont la capacité de faire du grand vin ! » nous glisse Romain.
Tous les vins du Château du Tertre en vente
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Château à suivre…
Bonjour,
Vous avez tout compris ! Merci pour votre joli commentaire,
Je vous souhaite une très bonne journée,
L’équipe iDealwine