Depuis sa plus tendre enfance, Agathe Bursin rêve de signer ses propres cuvées au cœur de Westhalten, petite ville alsacienne. Deux décennies de travail acharné lui ont permis de s’imposer comme une figure talentueuse et dynamique de la viticulture locale. Rencontre avec la vigneronne.
Un domaine familial recréé en 2000
Comme souvent dans le milieu, l’histoire de ce domaine est familiale. Née dans un giron vigneron mais indirectement, Agathe Bursin peut tout de même se targuer de voir du vin couler dans ses veines depuis plusieurs générations. En effet, ses arrière grands-parents, qui étaient tous deux du village, possédaient chacun un peu de vignes en polyculture. A partir de 1890, ils choisissent de se consacrer entièrement à la production de vin, qu’ils vendaient déjà en bouteille. En revanche, à la mort de l’arrière grand-père d’Agathe, en 1939, son épouse Agathe Bohrer et sa fille décident de vendre la production à un négociant. Par la suite, une cave coopérative est créée, à laquelle les grands-parents d’Agathe vont adhérer. A la génération suivante, la mère d’Agathe hérite d’une part des vignes du domaine qu’elle loue alors à son frère. Ce sont avec ces vignes là que le domaine Agathe Bursin démarrera.
« C’était mon rêve de petite fille de devenir vigneronne, nous explique-t-elle, à l’âge de 3 ans déjà, avec mon cousin, on faisait du vin avec nos grands-parents qui en produisaient quand même un peu eux-mêmes pour leur propre consommation : on « aidait » à presser, on goûtait les jus de raisin… J’ai été initié à la dégustation de vin dès la plus tendre enfance ! A l’école aussi, tous mes copains voulaient être viticulteurs comme leurs parents et donc moi, c’était pareil. ». Pourtant, sa mère, qui n’était donc pas vigneronne, voulait qu’elle fasse de bonnes études et non un BTS viti-oeno. Agathe a justement réussi à combiner les deux : bac scientifique, puis tout de même, avec l’aide de sa grand-mère pour convaincre sa mère, le BTS, poursuivi par un DNO et même un DESS en droit de la vigne et du vin. « La législation autour du vin me paraissait un peu obscure », précise-t-elle, mais cette année d’étude supplémentaire traduit également une crainte de l’échec et le besoin d’une porte de sortie : « J’avais peur après mon DNO, je me disais que je n’arriverai jamais à faire du vin tellement c’était compliqué, surtout que je n’avais pas l’expérience de ma famille comme d’autres pour m’aider à faire les bons choix dans le parcours de vinifications. Donc je me suis dit que j’allais essayer de faire du vin mais que si jamais ça tournait au vinaigre, je pourrais toujours travailler aux douanes ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que le pari a été remporté !
Sortie de ses études (en 2000), Agathe s’est donc installée sur les trois hectares de sa mère qui s’étendent autour de Westhalten et l’aventure a commencé !
Un petit vignoble au cœur du grand cru Zinnkoepflé, mené en bio
Le vignoble de trois hectares est progressivement agrandi jusqu’à 7 aujourd’hui. Si la vigneronne fait parfois du remembrement en échangeant certaines parcelles avec des voisins, elle n’a en revanche pas la volonté de s’agrandir. Les vignes sont situées en coteaux, parfois bien pentus, et sont un peu en altitude, autour de 420m pour le grand cru Zinnkoepflé. Ce grand cru est connu pour son climat et son altitude propices à la culture du gewurztraminer et à la création de vins botrytisés. Celui qui signifie « Mont du soleil » bénéficie en effet d’un microclimat complexe et intéressant, où soleil et vent cohabitent pour offrir aux raisins un bel équilibre entre fraîcheur et générosité.
Le domaine compte de beaux vieux pieds de vignes, « Chaque pied à son caractère, révèle-t-elle, certains sont plus coquins que d’autres, certains tombent toujours malades en premier… ». Sur un vignoble de relativement petite taille, la vigneronne réussit à cultiver les six cépages alsaciens : le pinot gris, le pinot blanc, le gewurztraminer, le muscat, le riesling et le sylvaner. Une véritable mosaïque !
Le vignoble est travaillé selon les principes bio sur la plupart des parcelles depuis le début, mais pas sur toutes. La conversion bio officielle du domaine se fait à partir de 2017, avec l’obtention de la certification en 2020.
Le vignoble est divisé en près de 40 parcelles, toutes vinifiées séparément. Les sols sont labourés, parfois à cheval, mais sur certaines parcelles très pentues, le cheval ne veut pas descendre et il faut donc les piocher à la main. L’usage du tracteur est limité afin de ne pas trop tasser les sols et donc beaucoup de travail s’effectue à la main. C’est par exemple le cas de l’effeuillage, ce qui permet de « bien choisir les feuilles qu’on veut conserver, afin que le raisin reste à l’ombre et conserve ainsi une aromatique sur les fruits frais sur les gewurztraminers par exemple et non sur les fruits compotés. Mais il faut passer de nombreuses fois pour l’effeuillage puisque les feuilles repoussent rapidement. C’est un travail qu’on fait à cinq personnes pour un hectare et qui prend bien sur beaucoup plus de temps que de le faire à la machine mais le résultat est évidemment bien meilleur. »
Au quotidien, Agathe Bursin travaille avec deux salariés ainsi qu’avec l’aide de ses parents.
Des vinifications parcellaires et peu interventionnistes
Chaque parcelle est vinifiée séparément, le but étant de faire des vins de terroirs, même si évidemment, sur 40 parcelles, certaines sont assemblées par la suite. Globalement, les vinifications sont peu interventionnistes : « Si un vin veut fermenter en trois semaines, ou en trois mois, il n’y a pas de problème. ». Les fermentations démarrent avec les seules levures indigènes. Si la vigneronne aime bien laisser les jus en contact avec l’air avant les fermentations, au contraire la suite se fait en mode réductif. Elle aime que le vin soit chargé en CO2 naturel au moment de la mise en bouteille, afin de le protéger et de pouvoir ainsi mettre moins de sulfites. Cela explique que ses vins soient légèrement perlants.
Concernant l’élevage, seuls les pinots noirs sont élevés sous-bois (sans bois neuf, elle rachète les barriques de plusieurs vins à un ami vigneron en Bourgogne), les blancs restent en inox, toujours pour limiter le contact avec l’air.
Les vins du domaine Agathe Bursin
Gewurztraminer grand cru Zinnkoepflé Agathe Bursin
Ce gewurztraminer provient d’une micro-parcelle située à 350 mètres d’altitude sur des calcaires ce qui en fait un véritable modèle d’équilibre entre fraîcheur et gourmandise. Un vin élégant, ample, à la fois frais et gourmand.
Riesling grand cru Zinnkoepflé Agathe Bursin
Un riesling généreux, très aromatique avec ses notes fruitées, florales et même épicées, sapide, équilibré par une belle tension.
Riesling Bollenberg Agathe Bursin
Ce riesling provient de vignes âgées entre 70 ans et 20 ans cultivées sur un terroir calcaire, exposé vers le nord-est. Un vin qui offre des arômes d’agrumes confits, de fruits blancs et de fleurs blanches et une bouche tendue, épurée, saline.
Riesling Dirstelberg Agathe Bursin
Agé d’une soixantaine d’années, le riesling qui compose cette cuvée provient d’une parcelle d’un hectare exposé sud-est. C’est un vin gourmand et aromatique, aux saveurs de fruits blancs, de fruits exotiques. La bouche révèle quelques sucres résiduels équilibrés par une grande fraîcheur.
Riesling grand cru Zinnkoepflé vendanges tardives
Ce vin offre des notes de mirabelle et de fleurs blanches et une bouche ample et sapide, aux saveurs de citron mûr et de melon.
Pinot noir Strangenberg
Ce pinot noir élevé 18 mois en barrique provient d’une parcelle sur sol marno-calcaire offre des arômes de petits fruits rouges, des notes florales et mentholées et une bouche fraîche, soyeuse et d’une grande élégance.
Et lorsqu’on demande à Agathe Bursin ses accords mets et vins favoris, elle nous en apprend des plus originaux : gewurztraminer et pizza, un gewurztraminer légèrement sucré allant bien avec l’acidité de la tomate ; le muscat sec avec des huîtres ou plus globalement avec les mets iodés comme le poisson ; ou encore le riesling avec du fromage de chèvre (plus le riesling est sec, plus il faut du fromage de chèvre frais et inversement).
Bonjour,
j’ai eu la chance en 2004 de faire un stage amateur à l’école des vins d’Alsace de Colmar et lors de nos sortie chez divers producteurs …Coop, néociant, petit producteur etc… le directeur de l’école nous présentée Agathe de cette façon . Nous allons aller maintenant voir un artisan du vin qui vient de reprendre une toute petite exploitation de sa famille et c’est une femme ! Là il avait tout dit (il ya presque 20 ans donc !!!) Le travail qu’elle fait, le coeur qu’elle met à l’ouvrage et extraordinaire . Elle se fait aider par des ouvriers vignerons pour drainer,nettoyer planter, soigner et récolter ses cépages ……………..Et bien oui cette visite fut un vrai bonheur, car Agathe nous a expliquée (à l’époque dans sa salle à manger bien proprète habillée en belle alsacienne qu’elle avait suivi (il me semble) des etudes de droit, de comptabilité etc mais que finalement le coeur de sa vie, de son enfance , de la mémoire familiale devait être relevée. S’armand de son courage elle nous commenta une journée de travail et ce qu’elle avait entrepit et ce qu’elle avait comme projet…Incroyable j’étais sidéré par cette volonté farouche de s’en sortir même en ne gagnant pas un sous pour le moment … De la terre… à l’expedition chez ses clients,et toujours seule . Et quelle merveille à la dégustation, quelle originalité sensorielle ,quelle precision,quelle pureté de ses produits…..etc etc etc Un grand moment de sincerité et de tradition. J’achète régulièrement ses vins et elle me donne toujours des nouvelles de ses vignes comme si c’etait ses enfants ………..Formidable exemple !
Un grand merci pour votre partage d’expérience passionnant.