En juillet dernier, nous avons rendu visite à quelques-uns de nos domaines partenaires dans le Roussillon. Quatre jours d’immersion dans une région à la mosaïque de terroirs exceptionnelle, aux vues époustouflantes, aux cépages et aux climats variés. Nous vous emmenons sur nos pas, dans un premier temps, à la visite des domaines du Soula, Olivier Pithon, Mas Amiel et Roc des Anges.
Le Soula : fraîcheur et minéralité en altitude
1er jour, à 50 minutes en voiture de Perpignan, à la frontière entre les Pyrénées-Orientales et l’Aude, à Prugnanes, se dresse le domaine du Soula. Au beau milieu de nulle part, ce domaine qui trône dans une région semi-désertique – terme qui prend tout son sens au vu des paysages et de la chaleur étouffante qui nous accueillent – est représenté par un grand bâtiment (complètement autonome !) construit en 2016 en pin douglas du coin.
Ici, les vignes bercées par le vent, se situent entre 350 et 620 mètres d’altitude. Il fait en moyenne 5 degrés plus frais que dans la vallée, ce qui pousse les maturités des raisins à un mois de différence. Sur ce plateau, le terroir est composé de granit à roche blanche qui réfléchit bien la chaleur. Ainsi, les vins présentent naturellement moins d’alcool et plus de fraîcheur. Ne soyez pas étonnés par certaines cuvées titrant à 12,5 degrés !
Les cépages cultivés par Wendy Wilson, qui nous guide dans les vignes avec son fils Anatole, sont au nombre de 11 (8 blancs et 3 rouges). Nous partons donc nous promener dans quelques parcelles que la vigneronne apprécie tout particulièrement. Elle nous montre notamment avec fierté ses sauvignons blancs (en palissage), qui représentent selon elle une magnifique « fusion entre acidité et minéralité », élevés avec un peu de bois pour leur apporter de la complexité. « Je kiffe le sauvignon blanc ici ! » nous dit-elle avec le sourire.
Dans les vignes, Wendy plante des haies de manière systématique pour avoir plus de biodiversité. Le domaine est certifié en bio (depuis 2001) et biodynamie (depuis 2008). « Les terroirs, les sols, les climats sont différents, il ne faut donc pas généraliser ». Loin de suivre une recette de cuisine, Wendy se sert donc des principes bio et biodynamiques pour donner des raisins les plus sains possibles. Les vinifications (levures indigènes) sont parcellaires et par cépages. Il y a donc beaucoup de petits lots. On note ici toute l’importance de la précision de l’assemblage !
À contrecœur, la vigneronne nous explique qu’elle va devoir arracher quelques vieilles vignes donnant trop peu de rendements (5-10hl/ha) et pour lesquelles il y a trop de pieds manquants. En effet, la complantation des jeunes pieds avec les vieux pieds n’est pas évidente dans des climats chauds avec peu de pluie, car lorsque la vigne s’est déjà installée, avec un système racinaire profond, il est très difficile pour le jeune pied de s’imposer. La plupart du temps, d’ailleurs, ce pied ne réussit pas sa mission et meurt. Il vaut donc parfois mieux arracher une parcelle de quelques vieilles vignes avec trop peu de rendements et tout replanter.
Au fil de notre rencontre, on en vient enfin à se demander comment Wendy est arrivé au domaine ? « Lors d’un dîner, j’ai goûté un vin qui m’a bouleversé. Je demande ce que c’est et c’était un vin du Soula ». De fil en aiguille, elle rejoint donc le domaine en 2014.
Nos notes de dégustation
Terroir d’altitude blanc 2018 : acidité tranchante, très belle longueur, notes d’abricot, mirabelle, fruits exotiques.
La macération n22 (vin orange) : peu de couleur, robe jaune avec des reflets orangés – il n’y a pas le caractère variétal du sauvignon. Elevage avec 1/3 de bois neuf.
Trigone 2022 rouge : petits fruits rouges, magnifique acidité, tannins soyeux – un vin de soif avec une belle longueur ! « Un vin à boire comme ça, sans besoin d’un gros steak » d’après Wendy.
Terroir d’altitude rouge 2015 : très fin, fruits rouges et noirs, minéral, long. Beau potentiel de garde.
Ndlr : le domaine décide de vendre ses vins lorsqu’ils commencent à être prêts à boire. Bien entendu, les vins ont de beaux potentiels de garde en blanc (jusqu’à 20 ans dans les grands millésimes) comme en rouge.
Pour en savoir plus sur le domaine, lisez notre article dédié.
Olivier Pithon : mosaïque de terroirs à Calce
De bon matin, le 2ème jour, nous nous rendons dans un domaine dont le nom vous évoque peut-être la Loire (le frère d’Olivier Pithon, Jo avait créé son domaine Pithon-Paillé, racheté par Belargus en 2018). A 300 mètres d’altitude, Olivier Pithon s’est installé à Calce, à la suite d’une rencontre il y a 20 ans avec une référence du coin – Gérard Gauby.
Vous vous trouvez au domaine, à la confluence entre plusieurs massifs : les Corbières, les Pyrénées et les Albères. Ici cohabitent argiles, calcaires, schistes, marnes et une pointe de granit. Ayant débuté avec 4 hectares, Olivier en gère désormais 22, cultivés en bio et biodynamie. C’est souvent le cas dans les grands domaines de la région (environ 80% de ceux situés à Calce sont certifiés « au minimum » bio). En effet, le climat sec et venteux laisse peu de place à l’humidité et donc aux maladies. Toutefois les vignerons du coin doivent tout de même lutter contre des problèmes de taille : les incendies, chaleurs excessives et la sécheresse (pour la 3ème année consécutive) …
A noter que les cuvées du domaine « Mon p’tit Pithon » (notez le jeu de mots) sont issues de raisins de négoce. Mais pas n’importe quel négoce ! 5 producteurs certifiés bio qui travaillent de concert avec le domaine depuis 8 ans. Les raisins sont vendangés par les équipes d’Olivier Pithon ou par les viticulteurs eux-mêmes.
Commençons donc la dégustation…
Mon p’tit Pithon blanc 2022 : assemblage de macabeu et grenache blanc, élevé 7 mois en cuve acier inoxydable. C’est un vin frais, avec des amers fins.
Laïs blanc 2022 : vieilles vignes de macabeu (60%) et grenache blanc et gris (40%). Notes florales, minérales, magnifique fraîcheur et amers. 10 mois en barrique et cuve bois apportent une certaine rondeur. Potentiel de garde allant jusqu’à 20 ans dans les grands millésimes et apogée dans les 5-10 ans. C’est notre coup de cœur !
La D18 2020 : jeunes vignes (20 ans) de grenache gris et blanc et 10% de macabeu, plantées sur des purs schistes. La parcelle fait un hectare, exposée nord-est. 18 mois d’élevage en foudre alsacien puis 6 mois en bouteille. Une aromatique complexe, fumée, pétrolée… un grand potentiel de garde. A marier avec un vieux comté ou une lotte par exemple.
Mon p’tit Pithon rouge 22 : syrah, grenache, mourvèdre en cuve inox pendant 6 mois. Fruits rouges, épices douces, tannins fins, plaisir immédiat.
Calce Laïs 2020 rouge : vieilles vignes de carignan, grenache, mourvèdre sur des sols argilo-calcaires. Elevage 20 mois en cuve bois et béton. Très fin, délicat, notes de cerise, noyau de cerise, pinote légèrement (oui oui !).
Le Pilou 2020 rouge : 90% carignan et grenache 10%. 100% éraflé. 18 mois en cuve bois et un peu de jarre en grès depuis 2019. Bombe de fruit, de complexité, tannins fins, belle fraîcheur. Ferme et délicat à la fois. Très belle garde potentielle.
Après avoir dégusté les derniers millésimes du domaine, et à la vue de notre enthousiasme vis-à-vis du Laïs blanc, réel coup de cœur, nous avons la chance (et l’immense plaisir !) d’aller en cave afin de déguster un vieux millésime : Laïs blanc 2016. Un vin magnifique, toujours porté par sa fraîcheur typique, ainsi qu’une complexité aromatique avec des notes d’évolution (légèrement thiolées).
Pour en savoir plus sur le domaine, lisez notre article dédié.
Mas Amiel : icône bio et biodynamique à Maury, grandeur nature !
Après un déjeuner bien mérité, nous sillonnons les routes de Maury pour se rendre au Mas Amiel, dans cette immense propriété de 500 hectares (155ha de vignes). Historiquement producteur de vin doux naturel (Muscat et Maury à 50%), le domaine signe également aujourd’hui de grands vins secs (50%).
Sur 135 parcelles, l’approche au domaine est parcellaire. On vous laisse imaginer la taille de la cuverie (même si comparé à la taille du vignoble, la production est relativement petite, liée à des rendements limités) ! Une trentaine de personnes travaillent au domaine en permanence et quelques 150 vendangeurs sont nécessaires pour venir à bout de ce vignoble, en majorité vendangé à la main. Depuis qu’Olivier Decelle a repris le domaine en 1999, la viticulture est durable – des efforts récompensés par une certification bio en 2018 et biodynamique en 2020 !
Nous entrons à présent dans le coffre-fort du domaine, là où trônent de précieux et immenses foudres de chêne des années 1890 ! Imaginez faire face à l’un deux : 330 hectolitres – 33.000 litres – 44.000 bouteilles… et plus d’un siècle d’histoire ! Encore utilisés aujourd’hui, ces foudres servent à l’élaboration des maury du domaine.
Place à la dégustation maintenant, car la gamme du domaine est grande !
Natural blanc 22 : léger, fruité, notes d’agrumes et de bergamote
Altaïr 22 : minéral, salin, avec des notes d’agrumes frais
Vers le Nord 20 : épices, violettes, petits fruits rouges et noirs. D’une grande finesse.
Alt 433 2018 : issu de la parcelle la plus élevée du Mas, assemblage de lledoner pelut (cousin du grenache) et d’autres cépages
Maury blanc 2022 : un vin doux naturel essentiellement composé de grenache blanc. Arômes de fruits à chair blanche, grande fraîcheur (aucune lourdeur).
Muscat de Rivesaltes 2021 : notes d’agrumes, bergamote, figue fraiche, le tout toujours porté par une grande fraîcheur
Maury Vintage 2020 : notes de pruneau, fruits noirs, réglisse – belle fraîcheur
Vintage 2018 Charles Dupuy : une trame classique de maury, accompagné par des notes complexes notamment de cerise noire… à marier avec un couscous épicé ou de la cuisine indienne par exemple
Après cette mise en bouche, la dégustation nous emmène sur les vins oxydatifs, là où l’élevage en dame-jeanne agit, avec l’impact des UV.
Maury 20 ans : grenache, carignan et pointe de macabeu – notes de pruneau, réglisse et fruits à coque
Maury 30 ans : en complément, des notes d’orange amère et confite viennent
Maury 40 ans : des notes plus herbacées, épices douces, caramel
Maury millésime 1985 : fruits confits, grande fraîcheur également
Maury millésime 1980 : très belle acidité et minéralité en plus
Maury millésime 1969 : très concentré, magnifique amertume, arômes cacaotés, bâton de réglisse. Une allonge éternelle en bouche
Pour en savoir plus sur le domaine, lisez notre article dédié.
Roc des Anges : un éventail d’émotions à Latour-de-France
Pour terminer cette 2ème journée en beauté, rendez-vous chez Marjorie et Stéphane Gallet au domaine Roc des Anges. Nous sommes accueillis par un grand chien, un peu intimidant au premier abord, puis par la vigneronne qui est en plein rangement. Dans un cadre enchanteur, la visite commence… Marjorie nous emmène faire un tour dans les vignes, les points de vue sont à couper le souffle. Elle nous parle de ses parcelles, des cépages, de certains pieds de vignes même, avec une connaissance et une passion rarement vue !
Pour en savoir plus sur le domaine, lisez notre article dédié.