Château Cheval Blanc, Saint-Emilion. ©iDealwine.com

Angélique de Lencquesaing répond aux questions de Lorraine Goumot, dans l’émission Tout pour investir sur BFM Business.

Le vin figure en bonne place dans la catégorie des placements-plaisir. Compte tenu de la forte augmentation des prix de vente constatée dans de nombreuses régions viticole ces dernières années, et dans certains domaines en particulier, les grands crus constituent désormais un actif patrimonial à part entière. En effet, l’amateur qui sait bien choisir ses vins peut accumuler dans sa cave un véritable trésor au fil des ans. A Bordeaux, et plus particulièrement à Saint-Emilion, le Château Cheval Blanc fait aujourd’hui figure d’icône. A l’occasion de cette interview d’Angélique de Lencquesaing, réalisée par Lorraine Goumot sur BFM Business dans l’émission Tout pour investir, revenons sur cette signature de référence du vignoble bordelais, vue sous son angle patrimonial.

Ecouter l’interview BFM (début : 59:54)

D’où provient la notoriété de Cheval Blanc ?

Elle s’est construite dans le temps. Son histoire est en effet ancienne, puisque les premières traces de vignes remontent à l’époque romaine. Le Consul Ausone, poète et vigneron à ses heures, y avait une villa au IVème siècle. Des vignes sont cultivées à Cheval Blanc depuis le XVème siècle. Au XIXème, son propriétaire, Jean Laussac-Fourcaud fait preuve d’un esprit visionnaire en initiant les premiers travaux de drainage et en replantant le vignoble, avec un choix d’encépagement qui octroie une part prépondérante au cabernet franc, une décision singulière, et franchement visionnaire dans une région où le merlot est roi. Le vin est vendu sous le nom de Cheval Blanc depuis 1852. Les résultats ne tardent pas : à la fin du XIXème siècle, la propriété accumule les récompenses, avec une médaille de bronze remportée à l’Exposition universelle de Londres en 1862 puis une médaille d’or, attribuée lors de l’Exposition universelle de Paris en 1878. Toutes deux figurent encore sur son étiquette. Une étiquette fameuse, qui a très peu changé depuis, ce qui contribue aussi à asseoir la renommée du cru. Lors de la création du classement du Saint-Emilion en 1955, Cheval Blanc se hisse au plus haut niveau, sacré premier cru classé. Depuis 1998, avec le rachat de la propriété par le tandem constitué par le Baron Albert Frère et Bernard Arnault, des investissements spectaculaires sont entrepris, le plus visible étant le nouveau chai, conçu par l’architecte Christian de Portzamparc, inauguré en 2011.

Le chai du château Cheval Blanc, construit par Christian de Portzamparc. ©iDealwine.com

Son image est désormais étroitement associée au Groupe LVMH, est-ce un atout, ou un frein pour les amateurs et les collectionneurs ?

La notoriété de Cheval Blanc est telle que le nom est aujourd’hui devenu une marque. Des hôtels Cheval Blanc ayant été inaugurés à Courchevel, aux Maldives, à Saint-Barth, Saint-Tropez et à Paris. Atout ou frein ? La réponse réside dans le prix, qui a propulsé Cheval Blanc dans la cour des grands, en termes de qualité, mais aussi en termes de tarifs. Au-delà du fait de savoir qui peut, ou pas, s’offrir ce flacon, c’est son statut qui peut changer. D’une bouteille de vin destinée à être ouverte et partagée, les flacons de Cheval Blanc, comme tous les crus qui se valorisent à de tels niveaux, deviennent des actifs patrimoniaux. La question est de savoir combien d’amateurs dans le monde se situent encore dans la catégorie qui va réellement ouvrir ces flacons pour une belle occasion, un anniversaire, un beau repas entre amis ou dans un grand restaurant.   

A l’instar des produits de luxe, les acheteurs de Cheval Blanc sont-ils majoritairement étrangers ? Asiatiques ?

Certes, et ce n’est pas une surprise, Cheval Blanc est présent dans les caves des amateurs du monde entier, mais sur iDealwine, la proportion des acheteurs français demeure majoritaire – 63%, soit près des deux tiers ! -. C’est sans doute une position un peu singulière dans la distribution de ce vin, mais il atteste aussi d’un ancrage français qui demeure solide. Les acheteurs européens sont également de grands amateurs de Château Cheval Blanc (Allemagne, Espagne, Portugal). Plus, finalement, que les asiatiques ou les Américains.

Château Cheval Blanc – ©iDealwine.com

Qu’est-ce qui en fait un vin éligible au placement ?

Trois éléments contribuent à forger son statut d’icône. Le premier, on l’a vu, c’est son histoire, qui a permis de bâtir dans le temps long la notoriété de la propriété. Le patrimoine et les archives importantes dont dispose cette propriété qui a finalement peu changé de main au fil du temps constituent le socle de la légende, un socle précieux. Le deuxième, intimement liée à la première, c’est son terroir, une mosaïque de 45 parcelles implantées sur des sols variés, soit graveleux, soit argileux ou sablonneux, une véritable mosaïque, singulière à Saint Emilion. L’encépagement est adapté aux différents types de sol, et cette approche minutieuse constitue l’une des clés de la finesse des vins, et aussi de leur longévité. Sur le marché secondaire des enchères, le millésime 1947, année d’exception (dont la cote iDealwine s’établit autour de 5000€), est l’une des bouteilles les plus recherchées du patrimoine viticole. Et enfin, troisième critère, l’excellence mais aussi l’esprit artisan, et l’engagement de toute une équipe dans la voie d’une viticulture durable. Un manifeste a été publié en 2021, qui témoigne des actions menées dans la propriété pour protéger le vivant, notamment grâce à l’agroforesterie.

Cette démarche environnementale dans laquelle est engagée l’équipe est-elle un atout pour vendre, susciter la convoitise des amateurs ?

Aujourd’hui, cette démarche répond indéniablement aux attentes des amateurs, même si sa pertinence est diversement appréciée sur les marchés, les asiatiques affichant une moindre sensibilité pour ces critères, au moment de choisir. C’est un atout pour l’équipe de Cheval Blanc qui ne revendique pas de label, mais déploie dans la propriété des avancées que peu d’autres propriétés peuvent à ce jour dépasser, en matière de d’agroforesterie, on l’a dit, mais aussi de polyculture et d’élevage avec la présence de poules, brebis, cochons ou encore de ruches. Quand on a la chance d’être reçu à Cheval Blanc, la production « maison » et les légumes du jardin sont réunis dans l’assiette. Sur le plan phyto-sanitaire, l’équipe en charge du vignoble a adopté une approche prophylactique – prévenir et renforcer plutôt que soigner – dans sa conduite de la vigne.

Visite au Château Cheval Blanc pendant les vendanges. ©iDealwine.com

Les prix de la propriété enregistrent-ils des records sur le marché secondaire des enchères ? Les prix enregistrent-ils une forte hausse dans le temps ?

Les vins du Château Cheval Blanc figurent en bonne place dans les ventes aux enchères d’iDealwine. Ce premier cru classé de Saint-Emilion figurait en 2022 dans le TOP50 des propriétés les plus recherchées aux enchères (toutes régions confondues) en 26ème place, au 8ème rang des crus de bordeaux les plus demandés. Depuis le début de l’année 2023, plus de 50 millésimes ont été présentés dans les ventes (53 très exactement). Soit près de 600 flacons, pour un montant adjugé qui dépasse 250k€.

Les vins de Cheval Blanc n’établissent pas à proprement parler des records aux enchères, car les grands crus de Bourgogne, plus rares, enregistrent des prix plus élevés encore sur la plateforme d’iDealwine. Des prix qui, au passage, se sont nettement assagis depuis quelques mois. La plus haute adjudication de 2022 pour Cheval Blanc concerne un flacon de 1948, adjugé 2 046€ à un amateur … français. 

Les vins de Cheval Blanc se valorisent sur le temps long apparemment…

Si je prends l’exemple du millésime 2001, il s’était vendu en primeur au tarif (particulier, TTC) de 207€. Les derniers échanges atteignent 500€. Soit une valorisation de 142% en 20 ans. C’est encore plus flagrant pour les années plus anciennes, telles que 1990, vendu 47€ en primeur et aujourd’hui coté au-delà de 1000€ (+2000% !). Mais attention, dans les millésimes de la décennie 2010, la période d’appréciation de la valeur est longue, elle se mesure sur une période supérieure à 10 ans. Une donnée qui se cale sur la longévité du vin, celui de Cheval Blanc n’atteignant son plein apogée qu’après 15 à 25 ans de garde…

Quel est aujourd’hui le statut du Château Cheval Blanc, qui a fait du bruit dans Landernau en se retirant du classement ? Son retrait est-il de nature à entamer son prestige ?

Précisons que ce classement instauré en 1955 est révisé sur une base décennale, la dernière ayant été publiée en 2022. La nouvelle a fait l’effet d’un coup de tonnerre lors de l’annonce du retrait, intervenue durant l’été 2021. Aux côtés de Cheval Blanc, le propriétaire de Château Ausone s’est également retiré de la procédure. D’autres grandes signatures ont emboité le pas, à l’instar de Château Angélus et de La Gaffelière. C’est un coup dur pour le classement, bien sûr, mais aussi pour les propriétés qui aspiraient à une reconnaissance, à l’instar du Château Figeac, promu en 2022 au rang de 1er grand cru classé A. En revanche, aujourd’hui, l’aura de Château Cheval Blanc, son adossement à un groupe de luxe lui assurent une telle notoriété que l’absence de classement n’a pas d’impact majeur. Les conséquences pourraient être différentes pour d’autres propriétés qui ont également fait ce choix. L’histoire du vin s’écrit dans le temps long. Les suites de cette décision ne se mesureront pas en quelques mois. Dans le même temps, les équipes de Cheval Blanc restent pleinement impliquées pour produire le meilleur vin, dans le respect des sols et du vivant. Et c’est sans doute cela qui restera, et continuera à construire la légende.

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