Domaine Giachino : vins bio purs et frais comme la Savoie

Depuis près de quarante ans, la famille Giachino produit aux portes de Chambéry des vins d’un fruit frais et d’une pureté admirable : des cuvées faciles à boire, à l’apéritif ou à table et à des prix raisonnables. En 2015, le domaine marque un nouveau tournant en reprenant le Prieuré Saint Christophe de l’iconique Michel Grisard. Nous sommes allés au domaine en février dernier, accueillis par David Giachino.

Un domaine savoyard de près de 30 ans d’expérience

Issu d’une famille pratiquant la polyculture, Frédéric Giachino, rejoint un peu plus tard par son frère David, reprend la propriété familiale en 1988 et la consacre alors uniquement à la viticulture. Parti d’un peu plus d’un hectare seulement, le domaine s’est rapidement agrandi au fil des ans en s’enrichissant de plantations des différents cépages traditionnels de la Savoie. Aujourd’hui, sur près de 15 hectares, on trouve ainsi une multitude de cépages différents.

En cépages rouges, la mondeuse noire est majoritaire (plus de 50%), complétée de gamay (15%) et de persan (13%), puis en plus petites proportions de douce noire, joubertin et autres cépages méconnus en dehors des limites de la Savoie. Les cépages blancs se répartissent entre la jacquère (près de 60%), l’altesse (près de 35%) ainsi qu’un peu de verdesse et de mondeuse blanche. Les vins sont sous diverses étiquettes : AOC Apremont, IGP Côteaux du Grésivaudan, Savoie…

Viticulture biologique et biodynamique, vinifications naturelles et peu de soufre

Dans une quête de vins plus purs, Frédéric et David s’essaient à la culture biologique dans les années 2000. Ils obtiennent la certification en 2005. Ils pratiquent la biodynamie depuis une bonne dizaine d’années également (certification depuis cinq ans).

Entre 2005 et 2006, David nous souffle qu’il voit une immense différence dans ses vins, avec le passage en bio. « Ça c’est la minéralité du vin du grand père » nous dit-il avec le sourire, lorsqu’il goûte enfin des vins avec un style plus épuré grâce à une culture sans produits chimiques. Cette recherche s’exerce en parallèle de doses de soufre moindres. Les vins ne dépassent pas (ou rarement) les 35-40 mg/L de soufre.

Les vendanges sont manuelles pour préserver l’intégrité du raisin jusqu’à la pressée. Cela permet aussi de trier les grappes afin de ne conserver que les plus belles. De cette façon le domaine n’a pas besoin d’adjuvants ni de produits de vinification. Les deux frères ne travaillent qu’en grappes entières, en levures indigènes : « Le vin se fait dans la vigne. Dans la cave, plus on fait, plus on tue petit à petit le potentiel du vin ».

En ce qui concerne l’élevage, celui-ci est minutieusement mené afin de ne pas marquer des vins délicats et légers en alcool. La plupart des cuvées sont élevées en cuve inox. Un peu de barrique vient compléter les élevages pour les rouges notamment. A l’avenir, des jarres en argile et en grès devraient venir compléter les contenants pour l’élevage.

Les frères Giachino, deux amoureux de la plantation

Le vignoble se situe sur les coteaux du Mont Granier (900m de calcaire), aux portes de Chambéry sur les communes de Chapareillan, Les Marches et Apremont. Les vignes situées au pied du Mont Granier (là où est le domaine) culminent donc à 500 mètres d’altitude. Certaine sont âgées jusqu’à 60 ans en moyenne. Un équilibre mélange de clones et de massales sont plantés pour limiter les risques. Dans une région où les pépiniéristes sont pléthore, les Giachino ont de quoi s’amuser. Par exemple, ils n’ont pas moins de 56 provenances de jacquère ! Ce sont également des adeptes de la complantation dans les vignes.

David et Frédéric adorent planter des vignes, mais pas que… « On aime planter, on plante pour les générations futures. On voit un talus, on le plante » nous dit David. Ainsi, c’est sans surprise que le vignoble voit de nombreux vergers. Récemment ils ont récupéré 100 oliviers dans les hauts plateaux de Turquie. La Savoie serait-elle trop fraîche pour ces oliviers ? Point du tout : « Ici on est à la latitude de Bordeaux, il fait chaud l’été, on vendange sous 30 degrés ! ». De plus, 3000 m2 de pommes des Alpes viennent d’être plantées. Pour quoi faire ? « Du cidre plus tard pour nous, ou à donner aux copains ». Une chose est sûre, les frères Giachino plantent avec générosité, et ça n’est pas pour en récolter tous les fruits. Proches de la retraite, ils laissent peu à peu la gestion aux enfants de Frédéric (dès la fin d’année 2024). Clément a commencé à reprendre le domaine, rejoint par son frère Antonin.

Le Prieuré Saint Christophe : un héritage de Michel Grisard

Michel Grisard, icône absolue de la Savoie, cède son domaine aux frères Giachino en 2015. « C’est à vous que je veux laisser mes vignes, et pas à quelqu’un d’autres » leur aurait-il dit. Le Prieuré Saint Christophe est un terroir exceptionnel de 5 hectares, cultivés en biodynamie depuis les années 80. Sur ces 5 hectares, seulement 1,5 hectare est consacré au cépage blanc altesse. Le reste est planté de mondeuse. Les rendements sont très limités, avoisinant les 10hl/ha.

Depuis le millésime 2015 donc, le style de ce vin iconique a légèrement changé. Michel Grisard signait des vins rouges plutôt proches du pinot noir (avec des raisins en partie égrappés), tandis que les Giachino (100% grappe entière) révèlent la mondeuse et ses nuances qui approchent par moment de la syrah. L’élevage est quasiment le même pour le blanc et le rouge : 12 mois en barrique puis 6 mois en cuve (blanc), et l’ordre inverse pour la mondeuse, 6 mois en cuve puis 12 mois en barrique (pour affiner les tannins).

A la dégustation, le Prieuré Saint Christophe 2022 se révèle d’une très grande concentration, avec une longueur inouïe. Des notes de fruits rouges (framboise) et fruits noirs cuits accompagne une trame équilibrée, avec des tannins présents mais fins. Ce millésime est séducteur dès sa jeunesse, mais ne saurait faire oublier que ce vin est capable d’affronter une belle garde !

Dégustation des derniers millésimes 2022 et 2023

Savoie, Primitif 2023 : sur cette parcelle, la roche mère est affleurante, la vendange se fait tôt afin d’avoir un minimum d’alcool (entre 9 et 10°). Cette jacquère est d’une grande finesse, avec des arômes de pomme fraîche, de poire, de notes de fleurs blanches, de sureau et un végétal noble. La trame est fraîche, avec une acidité tranchante et une fin de bouche légèrement ronde.

Savoie, Monfarina 2033 : issu à 90% de jacquère et à 10% d’une complantation de vernay et mondeuse blanche, cette cuvée présente une jolie fraîcheur, avec un peu plus de rondeur que Primitif et des notes de mirabelle fraîche en plus.

Vin de France Marius et Simone 2022 : macération de jacquère (très court 20j en 2022), minérale, plus mûr, avec des notes de fruits jaunes. Toujours une belle fraîcheur mais plus de rondeur et un équilibre parfait.

Giac’ Bulles 2023 : pétillant naturel à la couleur légèrement rosée, car comme il a grêlé en 2023, les Giachino n’avaient pas assez de jacquère, ils ont donc mis de la mondeuse. Cela donne à cette bulle fraîche des notes de petit fruits rouges acidulés.

Frères Jacques 2023 : en 2022 à cause la grêle, la cuvée n’a pas été produite. Le 2023 est un brut de cuve lorsqu’on le goûte. Cette cuvée est issue de vieux gamays, donnant notamment des notes complexes de fruits rouges et noirs (cassis, mûre), d’épice douce (poivre blanc) et une magnifique minéralité.

Giac’ Potes 2023 : un magnifique jus, gourmand, avec un peu de fruits rouges et surtout des fruits noirs (mûre, cassis), des notes florales et un toucher de bouche velouté. Les tannins sont présents mais fins dans cet assemblage de gamay (50%) et mondeuse (50%).

Black Giac 2023 : une belle mondeuse puissante, fraîche, aux notes de fruits noirs et d’épices (poivre blanc), portée par une minéralité et des tannins fins asséchants.

Le domaine Giachino, ce qu’en disent les guides

La Revue du Vin de France : 1*

Le résultat ? D’excellentes matières premières vinifiées en douceur, qui donnent des vins sobres, sains et digestes, tant en blanc qu’en rouge. Le rare cépage persan offre ici l’un de ses plus beaux résultats ; d’autres cépages endémiques (la douce noire, la verdesse, la mondeuse blanche) sont également valorisés. La gamme est remarquablement homogène et monte en puissance avec les nouvelles cuvées issues des vignes de Michel Grisard
Guide Vert 2024