C’est une histoire de passion mais également d’instinct. Instinct d’avoir identifié une parcelle absolument unique. Créé ex-nihilo à la fin des années 1990, le domaine des Ardoisières s’est imposé en l’espace d’une poignée d’années comme l’un des plus grands domaines de Savoie. Au point de changer du tout au tout le regard des amateurs sur une région viticole trop longtemps mésestimée. Redécouvrez ce domaine, que notre équipe a visité cette année en mars 2024.
A l’origine, l’ambition de l’icône Michel Grisard
Rares sont les vignobles créés récemment ex nihilo et qui, quelques années à peine plus tard, sont déjà devenus une référence pour la région. La vigne est souvent une histoire de temps long. Et pourtant dans un village de Savoie, les choses se sont passées très vite…
Au commencement : des rencontres. D’abord Michel Grisard, un passionné qui tenta de replanter un coteau très pentu en terrasses entre Alberville et Moutiers en 1998 qu’il avait repéré. Ce vignoble était réputé dans la région, mais fut totalement détruit par le phylloxéra et tomba dans l’oubli… Il en est des endroits pentus, bien orienté, au sol pauvre, très venteux où on se dit : « on peut faire du bon vin ». Le coteau de Cévins est de ces endroits. Il se trouve que l’analyse des sols confirmera cette intuition d’un terroir exceptionnel. Le sol riche en micaschistes produit des vins superbes.
L’arrivée du jeune Brice Omont et des débuts difficiles
Quatre ans plus tard, Michel Grisard est aidé dans sa quête par Brice Omont, un jeune ingénieur agronome qui cherchait à s’installer. La passation se fait naturellement. Les deux hommes replantent une panoplie de cépages autochtones ou couramment utilisés en Savoie : jacquère, roussanne, altesse, mondeuse noire et mondeuse blanche, chardonnay, gamay, persan. Sur le fameux coteau de Cévins d’où sont issus les meilleurs cuvées (Schiste, Améthyste et Quartz), les cépages savoyards donnent des résultats absolument uniques.
Les débuts sont très difficiles, Brice Omont ne s’en cache pas. En 2003, la sécheresse tue 1/3 des plants de vigne. « Les banques coupent le robinet » nous dit Brice. C’est à ce moment-là que se joue un petit miracle… les premiers clients du domaine, tellement convaincus de la qualité des vins et du potentiel exceptionnel de ces terroirs, proposent à Brice de l’aider financièrement. Ainsi, depuis 2004, 10 personnes aident à la gestion et au financement du domaine, tandis que Brice peut pleinement se concentrer sur son vin. Avec humilité et sans oublier les difficultés du début, il nous dit que sans ses investisseurs, le projet n’aurait pas pu continuer.
Agrandissement du domaine avec les vignes de Saint-Pierre-de-Soucy
En 2009, la chance tourne enfin en la faveur de Brice. Le domaine s’agrandit et acquiert des parcelles bio en coteaux (mécanisables !) à Saint-Pierre-de-Soucy, pas très loin de Chambéry. Les vignes sont classées en IGP Allobroges. Brice nous explique à ce propos qu’à la définition des AOC en 1972, ces vignes situées dans une vallée sont sujettes à deux heures de soleil en moins par jour (par rapport à leurs voisines en AOC). « On n’y fera donc jamais de grands vins », pense-t-on ! C’était sans compter sur le réchauffement climatique, qui permet d’y signer les jolies cuvées Argile en blanc et en rouge. Deux vins superbes, plus accessibles que leurs grands frères.
Arrivée des cuvées de négoce et reprise en fermage des vignes de Louis Magnin
Depuis 2014, le domaine des Ardoisières est installé dans un ancien bâtiment de pépiniériste (la Savoie est l’une des deux plus grandes régions de pépiniériste en France !). Il s’étend aujourd’hui sur 24 hectares. Brice Omont commence ses premiers achats de raisin en 2018 à la suite du gel de 2017 qui anéanti 60% de la récolte. Le vigneron nous explique aujourd’hui l’importance du négoce pour la viabilité de son domaine : « Auparavant, on avait sept bonnes années et trois années touchées par le gel ou la grêle. Depuis 2017, c’est une année sur deux. Le négoce est donc la garantie de pouvoir produire du vin ! »
Tout récemment, Brice a eu une jolie opportunité, celle de reprendre les six hectares de vignes (en location) de Louis Magnin à Arbin. Cela lui permet ainsi de passer de 18 à 24 hectares et de créer de nouvelles cuvées (Aigue-Marine et Erythrite). Les vignes sont cultivées en bio (certifié) et selon les préceptes de la biodynamie. Sans surprise, les vinifications sont peu interventionnistes (et sans soufre). Seules de petites doses sont ajoutées à la mise en bouteille. Depuis peu, Brice est épaulé par Nicolas (10 ans d’expérience au sein d’autres domaines) qui l’aide en cave et lui permet de prendre un peu de recul.
Retrouvez notre masterclass filmée avec Brice Omont
Il y a trois ans (janvier 2021), nous organisions une masterclass aux côtés de Brice Omont. Pendant un peu plus d’une heure nous avions pu explorer le domaine, tout en dégustant les cuvées Argile 2019 (blanc), Schiste 2018 (blanc) et Améthyste 2017 (rouge). Si vous aviez malheureusement manqué cet événement… pas de panique ! La vidéo de la masterclass est ci-dessous.
Les vins du domaine des Ardoisières
Les vins blancs et rouges de Brice Omont allient pureté d’expression, richesse de matière et une magnifique personnalité. Les vins connaissent depuis quelques années un succès qui dépasse largement leur région d’origine. Repérés par les amateurs les plus connaisseurs, ils sont également présents sur de nombreuses tables étoilées de Savoie et de France. Ce domaine fait l’unanimité auprès des équipes d’iDealwine. Le genre de vins à émouvoir même les dégustateurs les plus blasés. Avis aux amateurs.
Au domaine, nous avons pu déguster la gamme du domaine. En voici un aperçu :
IGP Vin des Allobroges, Argile rouge 2023 : à partir du millésime 2023, le gamay ne fait plus partie de la cuvée, pour laisser la place à la mondeuse et au persan. Ce nouveau profil dégusté sur cuve est une bombe de fruits rouges et noirs, complexe, apte à la garde.
Vin de France, Silice blanc 2022 : une 100% jacquère, issue de raisins de négoce d’Apremont et d’Isère, certifiés ou en conversion bio. Notes de citron frais, acidité tranchante mais équilibrée dans ce millésime chaud
IGP Vin des Allobroges, Argile blanc 2022 : assemblage de jacquère (majoritaire), mondeuse blanche et d’un peu de chardonnay pour arrondir la cuvée. Une belle fraîcheur et une rondeur, ainsi que des notes de citron mûr et une belle minéralité. Son potentiel de garde ? 5 ans sans problème voire 10 ans dans les grands millésimes.
IGP Vin des Allobroges, Schiste blanc 2022 : belle rondeur, notes de citron mûr, tarte aux abricots, lies, un côté légèrement pâtissier. Grand potentiel de garde (10 ans facile et plus).
Rhodonite Rosé (anciennement nommé Argile Rosé) : une toute petite production avec 1500 bouteilles dans le millésime dernier en 2022. Une grande salinité, portée par des petites notes de framboises légères.
Aigue Marine blanc 2023 : brut de cuve, assemblage de roussanne et d’un peu d’altesse, avec une belle fraîcheur
Erythrite rouge 2023 : brut de cuve, élevé en amphore et en foudres, 100% mondeuse. L’aromatique est proche d’une belle syrah rhodanienne nord, avec des notes de poivre, violette, fruits noirs délicats (cassis, mûre), le tout porté par des tannins présents mais très fins, une belle concentration et un juste équilibre.
IGP Vin des Allobroges, Silice rouge 2023 : cette cuvée est créée avec le gamay du domaine qui se trouvait dans l’assemblage d’argile rouge auparavant. Un peu de pinot noir vient compléter la dominante de gamay. Une partie du jus fait l’objet d’une macération carbonique, rendant un vin très frais, une véritable bombe de fruit !
Les Ardoisières, ce qu’en pensent les guides
La Revue du Vin de France 2*
Le résultat s’avère souvent admirable : les vins témoignent d’une grande finesse et d’une grande originalité, creusant encore l’écart au vieillissement. […] S’il existe un domaine emblématique du renouveau qualitatif savoyard, et de son ambition, c’est bien celui-ci.
Guide Vert 2024
Bettane & Desseauve 3*
« Un domaine de référence pour la région »
En Magnum 2024
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