Prix-vin-BourgogneUn peu comme partout, mais plus que partout, le prix des vins de Bourgogne subit depuis une bonne quinzaine d’années une spirale inflationniste dont on ne voit pas la fin. Tentative d’explication du phénomène.

Tout ce qui est rare est cher. Un bourgogne bon marché est rare. Donc un bourgogne bon marché est cher. Derrière cette vieille plaisanterie, il y a malheureusement une part de vérité quand tout le monde peut constater que certains bourgognes génériques atteignent allègrement les 20/25 €, voire même plus de 35 € dans certains domaines un peu “pointus” et chéris des amateurs. Les “villages”, quant à eux, sont très souvent au-dessus de 30 € dans des appellations peu médiatiques et plus de 40 € dans les plus huppées, des prix de bons premiers crus il n’y a pas si longtemps… En moins de vingt ans, les prix bourguignons ont largement doublé, voire nettement plus pour les climats (et les vignerons) dotés d’une certaine notoriété. Comment expliquer une telle inflation ? Quelques pistes peuvent l’expliquer, sinon la justifier totalement. Il s’agit tout d’abord d’un phénomène plus général, qui concerne de nombreuses appellations hexagonales, aggravé en Bourgogne par deux causes conjoncturelles : le prix du foncier et les aléas climatiques.

Un phénomène général

Cela ne consolera sans doute pas les fanatiques de pinot noir et de chardonnay, mais de nombreuses appellations ont vu leurs prix s’envoler ces dernières années, avec quelques nuances. Tout le monde pense évidemment à Bordeaux où le phénomène a débuté dès 1995, s’est amplifié avec le millésime 2000 au chiffre “magique” et ne s’est pas vraiment ralenti depuis, même si cette inflation ne concerne en réalité qu’une quarantaine de propriétés, masquant le fait que la plupart des jolis bordeaux n’a subi qu’une inflation raisonnable. Parmi les autres vignobles français, on pense dans la vallée du Rhône à Châteauneuf-du-Pape, mais aussi au Rhône nord, où les vignerons ont, eux aussi, fait valser les chiffres à la hausse. Il y a malheureusement pour les amateurs, peu de régions qui échappent au phénomène, à part peut-être les nombreuses petites appellations du sud-ouest, le Rhône sud hors Châteauneuf, une bonne partie de la vallée de la Loire, du Languedoc et de la Provence (la plupart des bandols par exemple).

Il y a plusieurs explications à ces hausses. La première tient certainement à la mondialisation de la demande et à l’émergence de nouveaux pays gros consommateurs (notamment en Asie). Cette demande croissante face à une production stable des vins de qualité a fait automatiquement monter les prix. La seconde raison est sans doute la hausse de la qualité et du travail dans la très grande majorité des vignobles. Même si on sait que le prix de revient d’une bouteille n’est pas déterminant dans son prix final, il n’en reste pas moins que pour des appellations aux prix jusque-là relativement modestes, le passage de nombreux domaines en bio ou en biodynamie a joué un rôle légèrement inflationniste. Ce phénomène est particulièrement sensible en Bourgogne où le vignoble est non seulement extrêmement morcelé, mais souvent aussi très dispersé entre le nord de la Côte de Nuits et le sud de la Côte de Beaune pour un même domaine possédant des vignes dans plusieurs appellations. Des conditions qui jouent forcément sur le prix de revient, même si celui-ci reste une part modeste du prix final payé par le consommateur, surtout dans des bouteilles dépassant allègrement les 40 ou 60 €…

La troisième raison est l’engouement depuis plusieurs années pour des vins de connaisseurs ou des appellations marginales et négligées qui, tout compte fait en valent bien d’autres. Certains domaines ou certaines appellations, connus, jusqu’à il y a quelques années, uniquement par une poignée d’amateurs très “pointus”, ont atteint une notoriété surprenante et rapide via, entre autres, les réseaux sociaux, provoquant une hausse sensible de la demande (et des prix !) sur des productions en général assez faibles.

Le foncier

Symboliquement, c’est sans doute le prix atteint par la vente en 2014 et 2017 de deux fleurons de la Bourgogne que sont le Clos des Lambrays et le Clos de Tart qui met le mieux le doigt sur cette autre inflation, celle du prix des terres viticoles. Pour les 10,71 ha du Domaine des Lambrays (dont 8,66 pour le clos éponyme), le groupe de Bernard Arnault aurait dépensé plus de cent millions d’euros et, trois ans plus tard, François Pinault serait monté à environ deux cent quatre-vingts millions pour les 7,53 ha du Clos de Tart. Sans parler de la vente, plus récente encore, d’une autre propriété familiale, le domaine Bonneau du Martray, qui appartenait à la famille Le Bault de la Morinière depuis près de deux siècles, et qui a été cédée au milliardaire américain Stanley Kroenke, principal actionnaire du club de football anglais d’Arsenal et détenteur de grands vignobles californiens, pour un montant estimé à près de deux cents millions d’euros…

Des chiffres qui donnent le tournis, mais surtout qui poussent forcément à la hausse le foncier de tous les grands crus et autres climats bourguignons. Et surtout, ce qui est assez nouveau pour la région, contrairement au Bordelais où ce phénomène existe depuis longtemps, c’est que des domaines sont maintenant achetés par des groupes financiers et non par des familles vigneronnes. Cela change en effet l’esprit de ces achats, comme le souligne Albéric Bichot : « Ce sont des investissements patrimoniaux qui ne cherchent pas une rentabilité. Or, pour nos viticulteurs ou pour les gens normaux, il faut une rentabilité économique. » Et Jean-Michel Aubinel, président de la Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne (CAVB) de renchérir : « C’est une catastrophe à moyen terme pour les quatre mille viticulteurs bourguignons. Même en vendant la bouteille à trois cents euros, il faudrait plusieurs générations pour amortir un tel investissement. C’est un placement, comme on achète un Picasso. » C’est effectivement le cœur du problème. Compte tenu des droits de successions extrêmement élevés en France, les familles vigneronnes se sentent dans l’obligation d’augmenter le prix de vente de leurs bouteilles à la hauteur de l’inflation foncière en vue de se constituer un “trésor de guerre” pour payer un jour ces fameux droits de succession. Faute de quoi, au décès des parents, les enfants n’auraient d’autre choix que de vendre le domaine familial ou, au mieux, d’en céder une bonne partie. N’évoquons même pas le cas de jeunes viticulteurs souhaitant s’installer en Bourgogne… La folle montée du prix du foncier viticole explique donc en grande partie que l’évolution à la hausse du prix des bouteilles soit particulièrement sensible ici.

Les aléas climatiques

Pour finir, il faut bien entendu évoquer une série de phénomènes climatiques (gel et grêle en particulier) qui ont touché la Bourgogne sur les derniers millésimes. Sans parler d’une recrudescence du mildiou depuis une bonne dizaine d’années. La conséquence est toujours la même : une baisse de la production qui peut parfois frôler les 100 %. Et, même s’il est heureusement rare d’arriver à de tels extrêmes, de très nombreux vignerons ont, au moins, perdu l’équivalent d’une récolte entière sur deux ou trois ans. Un problème d’autant plus prégnant que très peu sont assurés et que, seuls ceux qui disposent d’un stock de millésimes antérieurs arrivent à “lisser” la perte en mettant en vente une partie de ce stock. Le problème n’est évidemment pas spécifique à la Bourgogne (on pense à la Loire en particulier, durement touchée elle aussi ces dernières années), mais il est d’autant plus aigu ici que les propriétés sont en général assez petites et ne disposent donc pas de ce fameux stock-tampon. Par conséquent, leur premier réflexe est d’augmenter sensiblement le prix de leurs bouteilles pour compenser en partie la baisse de leur production. Vu du point de vue du portefeuille de l’amateur, ce serait tout à fait acceptable si, quand la région connaît deux ou trois millésimes “normaux”, le prix des bouteilles diminuait, même légèrement. Ce n’est évidemment jamais le cas (sauf peut-être à de très rares exceptions près) et, comme il faut bien reconnaître que le désordre climatique ne semble pas vouloir se calmer, il faut se faire à l’idée que dans les années à venir, les domaines bourguignons auront toujours un prétexte climatique pour monter leurs prix…

Il ne faut malheureusement pas trop rêver : que ce soit pour des raisons structurelles, conjoncturelles, de marché mondialisé ou de spécificités bourguignonnes, le prix des grands pinots noirs et de l’excellence du chardonnay ne baissera pas, évidemment, et ne cessera pas de monter, sans doute à un rythme variable, dans les années à venir. Mais, même si on peut évidemment regretter que l’accès aux grands noms de la Bourgogne soit devenu quasi impossible pour bon nombre d’amateurs passionnés, il n’en demeure pas moins que dans les appellations moins médiatisées, en particulier celles de la Côte Chalonnaise et du Mâconnais, on peut accéder encore à de très jolis vins pour des prix restant relativement raisonnables dans la plupart des domaines. Vu la taille de son vignoble bien plus modeste, cette “porte de sortie” est certes moins large qu’à Bordeaux, où, répétons-le, l’inflation vertigineuse des prix ne concerne qu’une poignée de domaines, mais elle existe. Plus que jamais, il faut donc  “acheter malin”. Chez iDealwine, on ne saurait trop vous recommander de suivre notre regard, et nos conseils. 🙂

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Cet article a 2 commentaires

  1. Grégory Barbolini

    Bonne analyse, il manque une composante à ce cercle vicieux : la gourmandise des revendeurs dont le taux de marge ne cesse d’augmenter également depuis une dizaine d’années, ainsi que le jeu de la spéculation du marché gris. Ce qui est effectivement peu acceptable est par exemple le prix de sortie d’un millésime 2017 plus élevé, bien que correct mais avec du volume, qu’un millésime 2016 excellent avec de bien plus faibles volumes.

  2. Catherine MASSE

    Lorsque vous parlez des vins de Bourgogne, pourquoi ne citez vous jamais les vins de l’YONNE ?
    Au niveau du prix les grands crus de CHABLIS peuvent être considérés comme des vins « chers ».

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