Prix-vin-BourgogneUn peu Comme partout, mais plus encore qu’ailleurs, le prix des vins de Bourgogne subit depuis une bonne quinzaine d’années une spirale inflationniste impressionnante. Mondialisation de la demande, rareté des crus, météo capricieuses… Analyse du phénomène et de ses origines. 

Sommaire

  1. Le constat : une forte augmentation du prix des vins de Bourgogne
  2. Un phénomène général de hausse des prix des grands vins
  3. L’augmentation du prix des vins de Bourgogne due à leur grande rareté
  4. L’augmentation du prix des vins de Bourgogne due à celle du prix du foncier

Le constat : une forte augmentation du prix des vins de Bourgogne

Tout ce qui est rare est cher. Un bourgogne bon marché est rare. Donc un bourgogne bon marché est cher. Derrière cette vieille plaisanterie, il y a malheureusement une part de vérité quand tout le monde peut constater que certains bourgognes génériques atteignent allègrement les 50, 80€, voire même plusieurs centaines d’euros pour certains cas rares (l’aligoté du domaine d’Auvenay, qui atteint même plusieurs milliers d’euros), dans certains domaines un peu “pointus” et chéris des amateurs. Les “villages”, quant à eux, sont très souvent au-dessus de 35 € dans des appellations peu médiatiques et plus de 80 € dans les plus huppées, des prix de bons premiers crus il n’y a pas si longtemps… En moins de vingt ans, les prix bourguignons ont largement doublé, voire nettement plus pour les climats (et les vignerons) dotés d’une certaine notoriété. Comment expliquer une telle inflation ? Quelques pistes peuvent l’expliquer, au moins en partie. Il s’agit tout d’abord d’un phénomène plus général, qui concerne de nombreuses appellations hexagonales, aggravé en Bourgogne par deux causes conjoncturelles : le prix du foncier et la rareté du fait de la taille réduite des appellations et des crus.

Concrètement, en 2019, le prix moyen des vins de Bourgogne vendus aux enchères sur iDealwine était de 193 €, là où il est passé à 250 € en 2023, soit une augmentation de 30% en quatre ans seulement. Après, rappelons-le, une envolée enregistrée en 2022, qui avait porté ce prix moyen à 384€.

Un phénomène général de hausse des prix des grands vins

Cela ne consolera sans doute pas les fanatiques de pinot noir et de chardonnay, mais de nombreuses appellations ont vu leurs prix s’envoler ces dernières années, avec quelques nuances. Tout le monde pense évidemment à Bordeaux où le phénomène a débuté dès 1995, s’est amplifié avec le millésime 2000 au chiffre “magique” et ne s’est pas vraiment ralenti depuis, même si cette inflation importante ne concerne en réalité qu’une cinquantaine de propriétés, masquant le fait que la plupart des jolis bordeaux n’a subi qu’une inflation très raisonnable. Parmi les autres vignobles français, on pense dans la vallée du Rhône à Châteauneuf-du-Pape, mais aussi au Rhône nord, où les vignerons ont, eux aussi, fait valser les chiffres à la hausse ; plus proche, le jura, qui partage notamment en partie les cépages de Bourgogne a lui aussi vu s’envoler ses prix parallèlement à la montée de l’attrait pour les vins nature. Il y a malheureusement pour les amateurs, peu de régions qui échappent au phénomène, à part peut-être les nombreuses petites appellations du sud-ouest, le Rhône sud hors Châteauneuf, une bonne partie de la vallée de la Loire, du Languedoc et de la Provence (la plupart des bandols par exemple).

La mondialisation de la demande

Ces hausses générales du prix des vins ont plusieurs origines. La première tient certainement à la mondialisation de la demande et à l’émergence de nouveaux pays consommateurs (notamment en Asie). Cette demande croissante face à une production à peu près stable des vins de qualité a mécaniquement fait grimper les prix.

Une augmentation de la qualité globale des vins et du nombre de domaines excellents

La seconde raison tient sans doute à l’exigence de qualité et du travail mené dans la grande majorité des vignobles. Même si le prix de revient d’une bouteille n’est pas déterminant dans son prix final, il n’en reste pas moins que pour des appellations aux prix jusque-là relativement modestes, l’amélioration de la qualité, qui peut passer par le recours à plus de travail manuel par exemple ou le passage de nombreux domaines en bio ou en biodynamie jouent un rôle inflationniste. Ce phénomène est particulièrement sensible en Bourgogne où le vignoble est non seulement extrêmement morcelé, mais souvent aussi très dispersé entre le nord de la Côte de Nuits et le sud de la Côte de Beaune pour un même domaine possédant des vignes dans plusieurs appellations. Des conditions qui jouent forcément sur le prix de revient, même si celui-ci reste une part modeste du prix final payé par le consommateur, surtout dans des bouteilles dépassant allègrement les 60, 100€, voire beaucoup plus…

L’augmentation de la notoriété des meilleurs domaines

La soif de découverte des amateurs de vins repousse toujours plus loin les contrées encore peu connues et sous les radars d’une demande importante entraînant une augmentation des prix. Depuis plusieurs années pour des vins de connaisseurs ou des appellations marginales et négligées qui, tout compte fait en valent bien d’autres. Certains domaines ou certaines appellations, connus, jusqu’à il y a quelques années, uniquement par une poignée d’amateurs très “pointus”, ont atteint une notoriété surprenante et rapide via, entre autres, les réseaux sociaux, provoquant une hausse sensible de la demande (et des prix !) sur des productions en général assez faibles.

L’augmentation du prix des vins des vins due à celle des aléas climatiques

Pour finir parmi les facteurs explicatifs de la hausse du prix des grands vins quelle que soit la région, il faut bien entendu évoquer une série de phénomènes climatiques extrêmes (gel tardif et grêle en particulier, forte pression mildiou) qui ont touché la Bourgogne et d’autres régions dans les derniers millésimes ; des changements climatiques qui bousculent plus globalement une grande partie du vignoble, voire le menacent de disparition. Sans parler d’une recrudescence du mildiou depuis une bonne dizaine d’années, dû notamment aux printemps et étés pluvieux. La conséquence est toujours la même : une baisse de la production qui peut parfois frôler les 100 % dans certaines parcelles. Et, même s’il est heureusement rare d’arriver à de tels extrêmes, de très nombreux vignerons ont, au moins, perdu l’équivalent d’une récolte entière sur deux ou trois ans. Un problème d’autant plus prégnant que peu d’entre eux sont assurés et que, seuls ceux qui disposent d’un stock de millésimes antérieurs arrivent à “lisser” la perte en mettant en vente une partie de ce stock. Le problème n’est évidemment pas spécifique à la Bourgogne (on pense à la Loire en particulier, durement touchée elle aussi ces dernières années ou au Jura), mais il est d’autant plus aigu ici que les propriétés sont en général assez petites et ne disposent donc pas de ce fameux stock-tampon. Par conséquent, leur premier réflexe est d’augmenter sensiblement le prix de leurs bouteilles pour compenser en partie la baisse de leur production. Vu du point de vue du portefeuille de l’amateur, ce serait tout à fait acceptable si, quand la région connaît deux ou trois millésimes “normaux”, le prix des bouteilles diminuait, même légèrement. Ce n’est évidemment jamais le cas (sauf peut-être à de très rares exceptions près, comme on on est en train de le vitre sur l’actuelle campagne Primeurs) et, comme il faut bien reconnaître que le dérèglement climatique est bien parti pour empirer et même s’emballer, il faut se faire à l’idée que dans les années à venir, les domaines bourguignons auront de plus en plus souvent un prétexte climatique pour monter leurs prix…

En plus de ces raisons qui sont communes à la plupart des régions viticoles, la Bourgogne est également sujette à des facteurs d’augmentation du prix de ses vins qui lui sont propres ou du moins qui sont beaucoup plus marqués qu’ailleurs.

L’augmentation du prix des vins de Bourgogne due à leur grande rareté

Les vins de Bourgogne ont ceci de particulier que le vignoble est extrêmement morcelé et divisé en de très nombreuses appellations. La région compte ainsi plus de 80 AOC, réparties en grands crus, premiers crus, appellations villages et régionales. Certains crus ne font quelques ares. Le cas le plus emblématique est la Romanée, plus petite appellation de France avec 85 ares, une extrême rareté qui se paie cher puisque ce cru du domaine de Liger-Belair se vend plusieurs milliers d’euros. Ainsi, en Bourgogne, la rareté existe dès la sortie du domaine, là ou au contraire à Bordeaux par exemple, les grands crus s’étendent parfois sur une centaine d’hectares ! Et puisque cette rareté se combine à une forte demande pour des vins globalement de très grande qualité, l’offre est inférieure à la demande et fait mécaniquement monter les prix.

L’augmentation du prix des vins de Bourgogne due à celle du prix du foncier

Le prix de la vigne a augmenté dans de nombreuses régions, mais particulièrement en Bourgogne comme vous pouvez le lire dans notre article « Combien coûte un hectare de vigne ? » Symboliquement, c’est sans doute le prix atteint par la vente en 2014 et 2017 de deux fleurons de la Bourgogne que sont le Clos des Lambrays et le Clos de Tart qui met le mieux le doigt sur cette autre inflation, celle du prix des terres viticoles. Pour les 10,71 ha du Domaine des Lambrays (dont 8,66 pour le clos éponyme), le groupe de Bernard Arnault aurait dépensé plus de cent millions d’euros et, trois ans plus tard, François Pinault serait monté à environ deux cent quatre-vingts millions pour les 7,53 ha du Clos de Tart. Sans parler de la vente, plus récente encore, d’une autre propriété familiale, le domaine Bonneau du Martray, qui appartenait à la famille Le Bault de la Morinière depuis près de deux siècles, et qui a été cédée au milliardaire américain Stanley Kroenke, principal actionnaire du club de football anglais d’Arsenal et détenteur de grands vignobles californiens, pour un montant estimé à près de deux cents millions d’euros…

Des chiffres vertigineux, mais surtout qui ont forcément pour conséquence la hausse le foncier de tous les grands crus et autres climats bourguignons. Et surtout, ce qui est assez nouveau pour la région, contrairement au Bordelais où ce phénomène existe depuis longtemps, c’est que des domaines sont maintenant achetés par des groupes financiers et non par des familles vigneronnes. Cela change en effet l’esprit de ces achats, comme le souligne Albéric Bichot : « Ce sont des investissements patrimoniaux qui ne cherchent pas une rentabilité. Or, pour nos viticulteurs ou pour les gens normaux, il faut une rentabilité économique. » Et Jean-Michel Aubinel, président de la Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne (CAVB) de renchérir : « C’est une catastrophe à moyen terme pour les quatre mille viticulteurs bourguignons. Même en vendant la bouteille à trois cents euros, il faudrait plusieurs générations pour amortir un tel investissement. C’est un placement, comme on achète un Picasso. » C’est effectivement le cœur du problème. Compte tenu des droits de successions extrêmement élevés en France, les familles vigneronnes se sentent dans l’obligation d’augmenter le prix de vente de leurs bouteilles à la hauteur de l’inflation foncière en vue de se constituer un “trésor de guerre” pour régler un jour ces fameux droits de succession. Faute de quoi, au décès des parents, les enfants n’auront d’autre choix que de vendre le domaine familial ou, au mieux, d’en céder une bonne partie. N’évoquons même pas le cas de jeunes viticulteurs souhaitant s’installer en Bourgogne… La folle montée du prix du foncier viticole explique donc en grande partie que l’évolution à la hausse du prix des bouteilles soit particulièrement sensible ici.

Il ne faut malheureusement pas trop rêver : que ce soit pour des raisons structurelles, conjoncturelles, de marché mondialisé ou de spécificités bourguignonnes, le prix des grands pinots noirs et de l’excellence du chardonnay ne baissera pas, évidemment, et ne cessera pas de monter, sans doute à un rythme variable, dans les années à venir. Mais, même si on peut évidemment regretter que l’accès aux grands noms de la Bourgogne soit devenu quasi impossible pour bon nombre d’amateurs passionnés, il n’en demeure pas moins que dans les appellations moins médiatisées, en particulier celles de la Côte Chalonnaise et du Mâconnais, on peut accéder encore à de très jolis vins pour des prix restant relativement raisonnables dans la plupart des domaines. Vu la taille de son vignoble bien plus modeste, cette “porte de sortie” est certes moins étendue qu’à Bordeaux, où, répétons-le, l’inflation vertigineuse des prix ne concerne qu’une poignée de domaines, mais elle existe. Plus que jamais, il faut donc  “acheter malin”. Chez iDealwine, nous ne saurions trop vous recommander de suivre notre regard, et nos conseils, jeter un oeil à notre catégorie étoiles montantes et vous fier à nos derniers coups de coeur. 🙂

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Cet article a 6 commentaires

  1. Grégory Barbolini

    Bonne analyse, il manque une composante à ce cercle vicieux : la gourmandise des revendeurs dont le taux de marge ne cesse d’augmenter également depuis une dizaine d’années, ainsi que le jeu de la spéculation du marché gris. Ce qui est effectivement peu acceptable est par exemple le prix de sortie d’un millésime 2017 plus élevé, bien que correct mais avec du volume, qu’un millésime 2016 excellent avec de bien plus faibles volumes.

  2. Catherine MASSE

    Lorsque vous parlez des vins de Bourgogne, pourquoi ne citez vous jamais les vins de l’YONNE ?
    Au niveau du prix les grands crus de CHABLIS peuvent être considérés comme des vins « chers ».

  3. L GARCIN

    Excusez-moi de le dire ainsi, mais le bourguignon chauvin que je suis ne peut s’empêcher de réagir à la lecture de votre article et de l’énormité de la boulette que vous avez mis. A croire que vous buvez plus d’étiquette que vous ne connaissez notre région.
    La romanée est bien la parcelle la plus petite de France mais elle est détenue par le Compte LIGER BELAIR, pas par la DRC qui détient, elle La Romanée-Conti.

    1. iDealwine

      Toutes nos excuses, les corrections portées lors de la relecture n’avaient pas été correctement enregistrées. L’erreur est maintenant corrigée. Merci de votre vigilance !
      Cordialement,
      La rédaction

  4. Hani Roumieh

    Correctif: La Romanée est un cru propriété du Comte de Liger-Belair et non du Domaine de la Romanée-Conti.

  5. Olivier LEBRETON

    Bonjour,
    Une petite erreur s’est, il me semble, glissée dans votre texte.
    Je vous cite : « Le cas le plus emblématique est la Romanée, plus petite appellation de France avec 85 ares, une extrême rareté qui se paie cher puisque ce cru du domaine de la Romanée-Conti est le vin le plus cher du monde. »
    L’appellation « La Romanée » d’un superficie de 84,52 ares appartient au Domaine Comte Liger-Belair et non au Domaine de la Romanée-Conti dont le cru/appellation éponyme a une superficie de 1,81 ha.
    Bien cordialement.
    Olivier LEBRETON

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