Le goût « fumé » est un des rares arômes pouvant aussi bien décrire un vin blanc qu’un vin rouge. Mais d’où vient-il ? Une étude australienne donne quelques pistes. Pourrez-vous acheter des vins californiens du millésime 2015 malgré les récents feux de forêt ?
L’étude australienne a étudié sur un vignoble expérimental quatre cépages (chardonnay, sauvignon blanc, syrah et merlot) de deux manières différentes : certains cépages étaient exposés à de la fumée régulièrement sous tente, les autres n’ont pas été perturbés durant leur croissance. Les conclusions de cette expérience sont assez intéressantes même si vous pourrez lire nos objections à la fin de cet article.
Le goût « fumé » a été isolé chimiquement par les chercheurs sous la forme de plusieurs molécules : gaïacol, methylgaïacol, phénols (exprimés en syringol, methylsyringol) ainsi que les mocélcules de crésol (p-crésol, m-crésol, o-crésol). En réalité ce sont les structures glycoconjuguées de ces molécules, après la vinification, qui deviennent volatiles et donnent une odeur de fumée aux vins concernés.
Si vous n’avez rien compris au charabia du paragraphe précédent, c’est bien normal. Retenez simplement que ces molécules se révèlent après la vinification. Les chercheurs ne se sont pas contentés d’étudier la conséquence d’une exposition à la fumée sur les raisins, ils les ont vinifiés afin d’étudier la présence de ces molécules. Plus encore ils ont conduit une série d’études sur les baies (poids, taille, taux de sucre, pH, etc.) en complément des études chimiques poussées réalisées sur les vins.
Voici donc les résultats chimiques :
- aucune différence de teneur en sucre notable n’a été constatée entre les vins dont les raisins avaient été exposés à la fumée et les autres
- le poids et la taille des baies n’ont pas été affectés par l’exposition à la fumée
- l’exposition à la fumée ne s’est matérialisée par aucune intervention sur les anthocyanes ni sur les phénols. La robe du vin n’a donc pas été altérée par la fumée
- naturellement, les vins exposés à la fumée contenaient tous les molécules volatiles isolées comme causant ce goût fumé en quantité élevées.
Résultats sensoriels (panels de dégustateurs) par cépage.
Chardonnay
Le chardonnay vendangé tôt ne présente aucune caractéristique fumée en bouche, qu’il soit exposé à la fumée ou non. En revanche celui qui a été vendangé un peu plus tard était parfaitement imprégné du goût de fumée, décrit jusqu’à un goût cendré par les dégustateurs.
Sauvignon blanc
Le sauvignon blanc, qu’il ait été vendangé tôt ou tard s’est imprégné de la fumée et d’un goût cendré. Le sauvignon blanc vendangé tôt a été considéré comme le vin blanc le plus affecté par cette exposition à la fumée en termes aromatiques.
Merlot
Les vins rouges ont bien plus subis l’exposition à la fumée que les vins blancs et cela se ressent de manière très forte sur leur potentiel aromatique. Le merlot a énormément perdu avec l’exposition à la fumée. Les dégustateurs ont relevé des arômes de fumée, de cendres, de « médicament » mais, plus important, un fruit et un goût significativement diminués. Pour le merlot vendangé plus tard c’est la même histoire, de manière légèrement moins marquée, avec une prédominance des odeurs de fumée et un fruit légèrement plus présent.
Syrah
Le vin de syrah vendangé tôt a été décrit comme « modérément fumé ». Pour le vin de la seconde vendange les caractéristiques sont légèrement plus marquées mais restent pour autant modérées si on les compare au merlot.
Conclusions
La maturité du raisin au moment de la vendange joue donc un rôle dans l’assimilation du « goût fumé ». Dans l’ensemble, les cépages blancs semblent beaucoup moins affectés par l’exposition à la fumée.
Cette étude propose une analyse intéressante de ce problème dans des régions (Australie, Californie) où les feux de forêts sont fréquents. Cependant, si elle propose une piste à explorer pour les vignerons elle ne donne pas de réelle explication scientifique. Il faudrait poursuivre la recherche pour pouvoir réellement conclure sur tous les tenants et les aboutissants du goût fumé d’un vin. Voici quelques pistes de réflexion.
Tout d’abord, les molécules responsables de ce goût ne se révèlent qu’après la vinification. Le seul et unique moyen de savoir si un vin sera fumé avant de le vendanger et de procéder à une « mini » vinification comme celle qui a été réalisée pour l’expérience et d’analyser le vin. Inutile de préciser que l’étude n’est plus très utile dans cette perspective…
Ensuite, l’étude ne propose aucune piste sur l’évolution de ces arômes après élevage. Certains vins prennent peuvent prendre un goût fumé après l’élevage en fûts ou en barriques en fonction du brûlage réalisé par le tonnelier. Inversement, un vin exposé à de la fumée peut-il perdre ces aromes fumés au cours de l’élevage ? Pas impossible, mais invérifiable.
Vous pouvez donc acheter des vins provenant d’un domaine californien, même si un feu de forêt a eu lieu au bord des parcelles. Mieux vaut acheter un vin blanc, plutôt de chardonnay et de préférence vendangé tôt. Dans ce là, peu de risque d’avoir un vin contaminé. Pour le reste, il faut tenter l’experience : la science n’a pas réponse à tout !
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