Mardi 17 mars, l’UGCB (Union des Grands Crus de Bordeaux) organisait à Paris une dégustation du millésime 2013 en bouteilles. L’occasion de se faire une idée plus précise de ce millésime annoncé comme “difficile”. Une équipe de choc d’iDealwine a arpenté les stands, verre en main !
Toutes les appellations ont tendance à présenter leur nouveau millésime en le qualifiant au mieux d’excellent, au pire de très bon et le Bordelais n’échappe pas à la règle. Mais il faut reconnaître qu’en 2013, le triomphalisme n’était pas la règle. À Bordeaux, comme presque partout ailleurs. Une climatologie chaotique, et des pluies précédant les vendanges ont rendu ce millésime délicat à travailler dans de nombreuses régions viticoles et en particulier dans le Bordelais. Mais comme toujours, au prix d’un travail colossal, en particulier au tri, et en jouant sur la délicatesse plus que sur la densité de la matière, les meilleurs domaines s’en sortent honorablement.
Pour tous les domaines, à Bordeaux comme ailleurs, la difficulté de 2013 est en effet double. Elle tient à la fois à la qualité sanitaire de la vendange qui nécessite un tri minutieux à la vigne comme au chai, mais aussi d’une maturité très souvent imparfaite des raisins. Si quelques techniques œnologiques réussissent parfois à masquer ces imperfections, il faut souvent avoir le courage de sortir des schémas habituels pour produire un vin sans doute un peu différent et moins dense que d’habitude, mais qui ne fait que refléter les difficultés du millésime en restant agréable et surtout buvable avec un certain plaisir.
La dégustation des grands crus bordelais du millésime 2013 était à ce titre particulièrement intéressante. De nombreux vins blancs manquent certes souvent un peu de matière, mais c’était difficilement évitable en 2013. En rouge, ceux qui ont pensé pouvoir procéder plus ou moins comme d’habitude, proposent des vins manquant un peu de charme avec des tannins parfois accrocheurs. Mais les domaines les plus réputés ont réussi à produire des vins qu’on se surprendrait presque à avaler sans le recracher tant le plaisir est grand de découvrir qu’on pouvait, avec beaucoup de travail et d’intelligence, traiter ce millésime en ne lui demandant que ce qu’il pouvait donner, des vins à la matière délicate, peu extraite, élevée avec doigté en respectant le peu de fruit et de saveur nette et sans défaut qu’un tri minutieux pouvait offrir. On pouvait donc produire des vins agréables, à ouvrir sans doute assez rapidement (dans les cinq à dix ans selon les domaines), des vins soyeux, avec une pointe de gourmandise, des vins que l’on a tout simplement envie de boire !
Reste posée tout de même la question du prix ce ces vins. Bordeaux (mais pas que…) nous a habitué ces dernières années à augmenter les prix de 20 % à chaque très bon (ou simplement bon) millésime – donc à doubler les prix en quelques années – et à consentir des baisses de 10 à 15 % quand le millésime est difficilement présentable comme “excellent”. 2013 aurait dû bénéficier d’un prix de départ bien plus attractif que ce fût le cas, malgré une baisse pourtant relativement significative. On ne peut pas justifier presque tous les ans des hausses liées à la qualité d’un millésime sans revenir largement en arrière quand l’année n’est pas à la hauteur. Sinon le système risque un blocage, voire un éclatement, surtout après trois millésimes consécutifs (2011, 2012, 2013) qui vont du correct au moyen, mais ne frôlent jamais le très bon, et qui doivent peser lourdement sur les bras du négoce…
Nos vins préférés
Dans la dégustation annuelle de l’UGCB on doit malheureusement regretter qu’il manque de plus en plus de “grands noms”, particulièrement dans des appellations comme Pauillac, Pomerol ou Saint-Estèphe. Le marché français serait-il si peu motivant pour ces absents ? Dommage, parce que de très beaux domaines jouent le jeu…
Les blancs
– Château Carbonnieux : très classique, une expression assez simple mais agréable, plutôt fruitée, sur une matière délicate.
– Château Larrivet Haut-Brion : joli fruité au nez, une bonne densité de matière pour le millésime.
– Château Smith Haut-Lafitte : un fruit dense et assez mûr au nez, de la matière et de la tension, un bel équilibre en bouche
– Château Haut-Bergey : une révélation, sans doute le blanc le plus accompli de cette dégustation. Un beau fruité profond et mûr au nez, une bouche présentant une belle densité de matière, très bel équilibre qui donne envie de le boire. Belle performance sans doute due à un renouveau des méthodes, tant dans les vignes qu’en cave.
Les rouges
– Château Haut-Bergey (Pessac) : un petit cran en-dessous du blanc, une matière infusée plus qu’extraite, qui reste délicate, à attendre deux ou trois ans pour que l’élevage se fonde.
– Malartic-Lagravière (Pessac) : une certaine matière pour le millésime, des tannins pas accrocheurs, un élevage peut-être un peu appuyé pour ce millésime.
– Château Pape Clément (Pessac) : toujours ce boisé un peu “oriental” qui caractérise régulièrement ce vin, mais une plutôt belle matière autorise cet élevage luxueux.
– Château Grand-Mayne (Saint-Émilion) : dans une série de saint-émilions qui nous ont paru assez difficiles sur 2013, on trouve ici un vin certes un peu rugueux dans ses tannins, mais moins amer et moins rigide que bien d’autres
– Château Larcis-Ducasse (Saint-Émilion) : une jolie matière délicate, pas d’une densité folle, mais agréable et facile à boire
– Château Pavie-Macquin (Saint-Émilion) : produit par la même équipe que Larcis-Ducasse, il nous est apparu comme LE vin remarquable sur Saint-Emilion. Une propriété qui fait régulièrement partie de nos favorites lors des dégustations passées, et qui s’en sort superbement bien sur ce millésime difficile en jouant la délicatesse et l’équilibre frais, sans tannins en avant, sans amertume marquée. Un travail remarquable.
– Château Fourcas-Dupré (Listrac-Médoc) : un peu comme à Pavie-Macquin, on a pas cherché ici ce que le millésime ne pouvait pas donner. On a donc joué sur la délicatesse et la buvabilité, un vin relativement simple, mais qui donne du plaisir !
– Château Giscours (Margaux) : là aussi on a préféré, semble-t-il, la souplesse de la matière à la recherche à tout prix d’une densité. Le nez est épicé, il y a du fruit en bouche, la finale sapide et nette est très agréable.
– Château Rauzan-Ségla : évidemment on est loin des grandes années, mais la matière n’a pas la verdeur austère de nombreux vins de l’appellation, ni les tannins accrocheurs.
– Château Beychevelle (Saint-Julien) : sans doute un des vins les plus réussis de cette dégustation, on a un joli fruit au nez, une sensation assez naturelle en bouche, une finale sapide avec une pointe saline et épicée. Un bel équilibre sur une extraction appropriée pour le millésime.
– Château Branaire-Ducru (Saint-Julien) : plus strict que Beychevelle, on ne joue pas ici sur le charme, mais sur le sérieux, sans excès d’extraction ni de bois, bel équilibre général qui mérite au moins cinq à sept années supplémentaires en cave pour que l’ensemble se fonde.
– Château Léoville Barton (Saint-Julien) : très classique bordelais dans son style un peu strict mais sans austérité. Une matière fine et plutôt délicate avec une belle élégance.
– Château Lagrange (Saint-Julien) : comme tous ceux qui ont évité de lourdes extractions, le vin est ici délicat, même si relativement simple pour l’appellation.
Les liquoreux
– Château Climens (Barsac) : joli fruit délicat, sucre discret, matière plus dans l’élégance et le raffinement que dans la puissance. Facile à boire.
– Clos Haut-Peyraguey (Sauternes) : semble un peu plus dense en matière et en sucre que Climens. Bel équilibre frais. Très agréable pour un millésime pas facile.
– Château Guiraud (Sauternes) : bel équilibre fin, dans les réussites du millésime, mais moins de charme immédiat que les deux précédents.
– Château de Fargues (Sauternes) : un net cran au-dessus que tous les autres. Un joli rôti de pourriture noble, une belle matière, sucre sans lourdeur, beaucoup de fraîcheur et de fruit malgré une matière dense. Remarquable pour le millésime. Un vrai concurrent pour le château d’Yquem à un prix bien plus abordable.
Les coups de cœur des juniors d’iDealwine
Elsa Ginestet et Anatole Gaultier, qui oeuvrent au sein de l’équipe marketing/rédactionnel d’iDealwine, étaient également venus se faire les dents – et le palais – lors de cette dégustation, en appui du grand maître. Vous voulez connaître leurs coups de cœur ? Les voici !
« En blancs, les châteaux qui nous ont le plus séduit étaient Smith Haut-Lafitte, domaine de Chevalier et Haut-Bergey. On a particulièrement aimé la dégustation de Haut-Bergey avec Paul Garcin -le propriétaire-, qui nous a expliqué avec passion sa philosophie. Le domaine est en effet en conversion bio et biodynamie depuis l’an dernier, une démarche sincère et convaincue, avec par exemple la préservation d’une grande forêt tout autour du vignoble, un véritable atout pour la biodiversité. »
« Pour les rouges, on a remarqué que les margaux et saint-julien tiraient leur épingle du jeu, avec notamment les châteaux Giscours, Prieuré-Lichine, Siran et Le Tertre, et Beychevelle et Gloria pour Saint-Julien. Sur la rive droite, on a eu un petit coup de cœur pour Pavie-Macquin, que l’on goûtait tous les deux pour la première fois. »
« Pour finir, les liquoreux, on retient surtout Clos-Haut-Peyraguey et château de Fargues, même si Climens, Sigalas-Rabaud, Guiraud et La Tour Blanche nous ont également bien plu. Le millésime 2013 semble avoir été clément avec Sauternes. »
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Le millésime 2013 est très bon dans l’ensemble du moins en Barsac-Sauternes.
Certains petits chateaux rivalisent avec les plus grands. Sil y avait des dégustations à l’aveugle il y aurait de grandes surprises.
Merci pour cet article intéressant. En lisant les commentaires sur les vins rouges dégustés, on lit au mieux….délicatesse et buvabilité…. Une jolie matière délicate etc…Franchement ces qualificatifs sont-ils dignes d’un grand Bordeaux. A mon humble avis, compte tenu des prix pratiqués, le consommateur devrait se tourner vers les grandes années et les petits châteaux!