Marché aux vins d'AmpuisUne journée au très traditionnel Marché aux vins d’Ampuis permet de se faire une idée précise de l’appellation Côte Rôtie, de la hiérarchie des derniers millésimes, du style des différents domaines et des variations apportées par les différents terroirs. Petit bilan de l’édition 2016.

Ampuis est sans aucun doute le petit village sans charme particulier le plus connu dans le monde des amateurs de vin et en particulier de ceux qui sont fans des syrahs du nord du Rhône. Car ce petit village sans prétention est la capitale de l’appellation Côte Rôtie, une appellation qui produit un des vins les plus recherchés de France. Et le Marché aux vins, qui se déroule chaque année fin janvier (et qui en est à sa 88e édition en 2016) est pris d’assaut par les amateurs (plus de 15 000 visiteurs) qui viennent goûter et faire le plein de leurs caves sans lésiner sur les euros. Il n’est pas rare en effet de voir les vignerons empocher des chèques de plus de 1000 euros. Il faut dire que les vins vendus ici le sont à des prix le plus souvent fort respectables…

Pour vous proposer le meilleur du Rhône nord, iDealwine fait chaque année le pèlerinage d’Ampuis, ce qui nous permet de sélectionner les domaines et les cuvées qui nous paraissent les plus intéressantes pour nos clients. Un joli voyage en Côte Rôtie essentiellement, mais aussi en Condrieu, Saint-Joseph, Cornas et très marginalement en Hermitage.

Mais c’est surtout l’appellation Côte Rôtie qui est la vedette de ce Marché aux vins. Et c’est essentiellement celle-ci que les “envoyés spéciaux” d’iDealwine ont analysé sous toutes les coutures. Ce qui nous a permis de tirer, avec prudence, quelques enseignements sur les derniers millésimes (2013 essentiellement, mais aussi 2012 et marginalement 2014 et 2011), de nous faire une idée assez précise des styles des différents domaines et de théoriser une petite approche de l’influence des terroirs de cette appellation.

Les millésimes

Pour l’appellation Côte Rôtie, l’énorme majorité des vins présentés étaient issue du millésime 2013, mais selon les durées d’élevage (en particulier des cuvées “haut de gamme”), certains 2012 voire même 2011 étaient disponibles. Et même parfois de rares 2014 (pris sur fûts, sauf la quasi totalité des vins de Saint-Joseph et quelques cuvées de Cornas ou d’Hermitage).

L’avis des vignerons de Côte Rôtie est quasi unanime pour regretter que 2012, 2013 et 2014 soient des millésimes de faibles récoltes. 2012 et 2013 essentiellement pour des raisons climatiques, 2014 en bonne partie à cause de la tristement célèbre mouche “suzukii” qui a également frappé en Bourgogne et qui transforme instantanément les baies piquées en vinaigre… Hermitage et Cornas ont été apparemment moins touchées.

2012 et 2013 ne sont pas au même niveau que les exceptionnels 2009 et 2010 mais ce sont deux millésimes de bon niveau. 2012 dans un registre plus “light” (il ne fallait pas chercher à trop extraire) et sans doute d’une garde plus limitée, 2013 dans un style plus dense, plus classique, mais avec des tannins parfois un peu “accrocheurs” dans certaines cuvées.

À partir de quelques échantillons de 2014 en Côte Rôtie et de vins en bouteille à Saint-Joseph ou Cornas, 2014 ne sera pas un millésime très puissant (moins que 2013 en tout cas), mais il a produit des vins très fruités, pleins de charme et qu’il faudra très probablement déboucher avant les 2013 pour rester sur le charme de leur jeunesse.

Enfin, comme souvent dans l’ensemble des vignobles français, 2011 se révèle dense avec une belle rondeur qui rend son approche facile, mais qui semble toujours manquer un peu de dynamisme et de verticalité. Un vigneron (Jean-Michel Stéphan) nous a même fait goûter un échantillon de 2015 qui nous a enthousiasmés. Selon l’ensemble des domaines présents à Ampuis, ce millésime semble plus que prometteur et, en prime, les rendements ont enfin été au niveau attendu !

Les styles

Goûter à la suite, en quelques heures, la quasi totalité des domaines les plus réputés de Côte Rôtie donne un assez bon aperçu du style des vignerons sur cette appellation. Surtout sur un millésime “classique” comme 2013. Comme souvent le style des vins se définit essentiellement par le rapport des vins à l’extraction de la matière (et des tannins) et par l’élevage. Pour aller à l’essentiel, à la dégustation on identifie assez bien les domaines sous “influence bourguignonne” qui proposent des vins à la matière plutôt délicate, qui donnent une sensation de verticalité, parfois aussi d’une certaine réserve (mais sans austérité), à l’élevage sous bois généralement peu sensible et qu’on imagine assez bien “pinoter” au fil de leur évolution en bouteille. Des vins qui rappellent des souvenirs à ceux qui ont eu la chance de goûter les anciens domaines les plus traditionnels de la Côte Rôtie et qui parfois n’existent plus comme ceux d’Albert Dervieux et surtout de Marius Gentaz. Aujourd’hui on pourrait ranger dans cette lignée les vins du Domaine Clusel-Roch (un des très rares à être certifié bio depuis des années), ceux de Stéphane Othéguy (absent cette année à Ampuis), de Duclaux, de Jean-Michel Stéphan, du Domaine Levet, de René Rostaing et du très rare Pierre Benetière (ces deux derniers jamais présent à Ampuis).

L’autre école recherche un peu plus la puissance, la densité naturellement juteuse de la syrah avec des extractions plus appuyées et donc des tannins plus présents qu’il convient d’arrondir par un élevage plus long, souvent en bois neuf qui “marque” un peu plus les vins dans leur jeunesse. Un style qu’on pourrait qualifier de plus “moderne” et qui est incarné par les vins produits par Guigal depuis plusieurs décennies. Ici l’élevage en bois neuf dure le plus souvent 36 mois et marque les vins de nuances vanillées et toastées qui demandent une longue garde pour se fondre, même si ce style un tantinet enjôleur et épicé peut séduire dans sa jeunesse, bien qu’à table il puisse apparaître un peu encombrant et saturant. Dans cette lignée, à part Guigal, on va trouver des domaines comme Bonserine (d’ailleurs propriété de la famille Guigal mais qui a gardé son indépendance), Jean-Michel Gérin, Patrick et Christophe Bonnefond, Pierre Gaillard, le Domaine Ogier et Bernard Burgaud.

Enfin, difficiles à classer facilement dans l’une ou l’autre de ces familles on peut citer les domaines Gangloff, Jamet, Gilles Barge, Cuilleron et Jasmin qui se situent dans une approche à la fois assez moderne (dans l’esprit) et plutôt traditionnelle (dans le résultat). Notons enfin qu’il ne s’agit pas là d’un “classement” absolu et définitif, mais du résultat d’analyses personnelles liées à l’exercice ô combien subjectif de la dégustation !

Les terroirs

Le vignoble de Côte Rôtie se situe en bordure est du massif central. Les principales roches qui constituent ce massif hercynien sont des formations cristallines, c’est à dire  des granites et des roches métamorphiques (schistes, gneiss, migmatites). Schématiquement, la quasi-totalité des vignes de Côte Rôtie sont plantées sur des roches métamorphiques : des micaschistes sur les secteurs Saint-Cyr-sur-Rhône, le nord et centre d’Ampuis), des gneiss sur les secteurs sud d’Ampuis et nord et centre de Tupin) et des migmatites sombres sur le secteur sud de Tupin (Bassenon).

Dans la première zone, les terres sont généralement d’une couleur brune assez soutenue. En bas des coteaux les sols sont plus épais et moins caillouteux. Dans ce type de terroir on trouve les lieux-dits comme Viallière, Landonne et Brocarde. En milieu de coteau les sols sont beaucoup plus fins et souvent très caillouteux comme la Côte Blonde, la Côte Brune, Les Rochains, la Côte Rozier, Les Grandes Places, Montmain, Gérine. C’est ici le cœur de la Côte Rôtie, qui a fait et qui fait toujours la grande réputation de l’appellation. Les hauts des coteaux aux sols plus profonds et peu caillouteux sont en général moins qualitatifs et d’ailleurs moins connus et pas ou très peu revendiqués sur les étiquettes.

Le sud de l’appellation possède des terroirs très différents des précédents, mais leur surface totale est bien inférieure. La première zone, celle des gneiss, propose des terres bien plus claires, parfois même assez blanches et les sols sont plus “légers”, avec pas mal de sables grossiers (et parfois plus fins). Les lieux-dits les plus connus de cette zone sont Tupin, Coteaux de Tupin et Maison Rouge. Enfin, l’extrême sud de l’appellation est une petite zone de migmatites sombres aux terres brun clair tirant sur le gris et aux sols sableux comportant de petits cailloux. Les deux lieux-dits connus ici sont Coteaux de Bassenon et Corps de Loup (orthographié parfois Cordeloux comme sur les étiquettes du Domaine Benetière).

Ce qui est intéressant c’est que ces différents terroirs semblent bien s’exprimer avec leurs différences dans les vins de l’appellation. Il y a par exemple des parentés évidentes de finesse et de délicatesse dans les cuvées produites sur les deux dernières zones aux sols légers (Coteaux de Tupin, Tupin, Maison Rouge et Coteaux de Bassenon) notamment aux domaines Duclaux ou Jean-Michel Stéphan. La Landonne de chez Gérin (ou La Viallière de Bonserine) avec ses sols profonds et relativement “lourds” propose des vins sensiblement plus puissants, avec une belle rondeur et une trame très “terrienne”. Et les vins des milieux de coteaux font ressortir de manière plus évidente le côté plus caillouteux et minéral de leurs sols avec des matières plus strictes et une belle verticalité. C’est particulièrement sensible avec la cuvée Les Grandes Places de chez Clusel-Roch ou Les Rochains de Bonnefond.

Au final, une expérience passionnante et enrichissante que seuls des salons aussi ciblés sur une appellation que le Marché aux vins d’Ampuis permettent de vivre ! Vivement 2017 !

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Cet article a 2 commentaires

  1. Hervé Gibert

    Remarquable analyse .
    Quelle connaissance du terrain.
    Très belle segmentation des styles de vins
    Est ce que cela a été actualisé.?

    1. iDealwine

      Bonjour,

      Merci pour votre retour 🙂
      Cet article a bel et bien été actualisé en effet.

      Bien à vous,

      L’équipe iDealwine

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