
Un beau jour d’automne, la douceur corse nous invite à venir passer quelques jours sur l’île de beauté. Nous vous emmenons à la rencontre des vignerons des domaines Vaccelli, Sant Armettu, Comte Abbatucci, Clos Venturi, Vico et Giudicelli. Récit.
Vaccelli : l’icône corse
1er jour : après un lever très matinal, nous arrivons à Ajaccio à 9h. En route pour une heure de chemins sinueux qui traversent les vallées. Une pause au bord de la route pour mon mal au cœur de parisien me permet de reprendre mes esprits. Arrivée 10h.
Le soleil tape déjà et Gérard Courrèges – le petit-fils de Roger qui créa le domaine en 1962 – nous accueille. Nous sautons dans son pick-up et filons dans les vignes. Le spectacle est saisissant : ses 20,5 hectares s’étendent au cœur de la vallée du Taravo, entre mer et montagne. Là il y cultive des cépages aux noms imprononçables pour le néophyte : sciaccarellu, carcaghjolu et minustellu pour les rouges, vermentino et genovese pour les blancs. La culture est menée en bio depuis 2008 et certifiée en 2019.
Au fur et à mesure de notre balade, Gérard nous montre chacune de ses parcelles, dont certaines portent le nom des lieux-dits retrouvés sur un cadastre napoléonien : Chioso Novo (« clos nouveau » en corse) et Campo di Magna (« le champ de Magna »). Les autres vins portent le nom du terroir dont ils sont nés : Granit, Quartz.
En cave, Gérard se montre peu interventionniste et opère des élevages longs (deux ans et demi pour les rouges, un an et demi pour les blancs) en barrique (peu de bois neuf) afin d’apporter une lente micro-oxygénation. Chose rare, il utilise du soufre volcanique (comme un autre vigneron réputé dans la Loire : Mark Angeli). En effet, il a remarqué qu’on ne sentait quasiment pas son impact à la dégustation (par rapport à un SO2 classique). Les doses sont minimes, comprises pour les rouges entre 35 et 50mg/L.
Enfin, place à la dégustation. Nous goûtons les 14 vins du domaine dans les millésimes 2022 et 2023. Un grand moment ! Les vins rouges sont aériens, délicats et concentrés, avec des notes d’orange sanguine, de safran, de rose… Les vins blancs quant à eux se dévoilent avec fraîcheur, pureté, des notes d’agrumes et exotiques et des amers nobles. Nous repartons à 14h, la faim nous arrachant à ces instants précieux avec le vigneron.
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Sant Armettu : une fierté corse
2ème jour : après une nuit passée à Propriano, nous partons le matin dans la haute vallée de Baracci au domaine Sant’Armettu. Là aussi le décor est splendide. Le domaine est entouré de vignes et d’oliviers.
Les vignes s’étendent sur 41 hectares, réparties entre deux grands blocs. L’un se situe dans la vallée de Baracci où nous sommes, l’autre est vers Sartène dans la vallée de Tizzano. Les terroirs diffèrent légèrement avec des arènes granitiques pour le premier et des argiles en plus du granit pour le second. La culture est certifiée bio depuis 2021. Le domaine n’irrigue pas (Ndlr : c’est autorisé en Corse) grâce à l’influence d’un ruisseau qui le traverse.
En cave, l’objectif est de laisser le terroir s’exprimer. La vinification est peu interventionniste (travail par gravité, levures indigènes en grande majorité…). L’élevage se fait en grands contenants pour ne pas marquer les vins.
De nombreuses cuvées du domaine sont classées en IGP et non pas en AOC, car Gilles Seroin qui est à la tête du domaine souhaite avoir plus de liberté dans ses assemblages et notamment la proportion de cépages corses qu’il utilise. Reflet de cette liberté, le domaine produit quelques 25 cuvées. Nous en avons dégusté 12 !


Comte Abbatucci : la sauvegarde des cépages corses
L’après-midi, nous nous rendons au domaine Comte Abbatucci où nous sommes accueillis par Jean-Charles Abbatucci, un grand monsieur du vignoble corse. L’homme est passionnant. Nous pourrions discuter des heures – c’est d’ailleurs ce que nous faisons – tant il a à nous transmettre.
Cap sur son domaine familial de 21 hectares. La famille Abbatucci, qui est en Corse depuis le XVème siècle, gère cette propriété d’une main de maître. Elle défend avec ferveur les cépages corses. Antoine Abbatucci, le père de Jean-Charles, a d’ailleurs planté en 1965 un hectare de vieux cépages corses, sa fameuse collection ampélographique ! Il l’a scrupuleusement étudiée pendant 10 ans, jusqu’à sa mort en 1976. Ses écrits servent encore à son fils Jean-Charles qui est incollable sur ces cépages.
Il nous explique les deux fondamentaux du domaine :
- La Nature : « Quand on fait un pas vers la Nature, la Nature en fait dix vers vous. »
- L’Histoire : « Je me réfère à ce que faisaient les anciens avant le XXème siècle, car on fait du vin en Corse depuis 3000 ans ! ».
Mais comment cela se traduit concrètement ? Abandon du palissage (gobelet pour protéger les raisins du soleil), densités de plantations importantes, pas d’irrigation, travail à cheval, test de plantations en échalas, test de paillage avec des figuiers de Barbarie, traitement à l’eau de mer… de nombreux enseignements qui lui viennent de ses échanges avec son ami historien spécialisé en histoire agricole, ainsi que de multiples tests à la vigne car notre vigneron fourmille d’idées. Sans surprise, le domaine est cultivé en bio et biodynamie depuis 2000.
Dans la nouvelle cave du domaine (reconstruite après un incendie), Jean-Charles nous explique sa manière de faire : levures indigènes, travail en gravité, peu de soufre, infusion plutôt qu’extraction… Les vins que nous goûtons sur cuve (quelques semaines avant leur mise en bouteille) sont grands. Le millésime 2024 se dévoile avec une facilité déconcertante : frais et délicat, mais pas dépourvu de concentration. Les odeurs de myrte, lavande et fenouil qui nous enivraient dans les vignes… se retrouvent aussi dans les vins. Un moment magique.


Clos Venturi et Vico : deux domaines au cœur d’un chaos géologique
3ème jour : nous partons à l’aube car trois heures de route nous attendent. De Propriano, nous allons en direction de Ponte Leccia, traversant donc la Corse du sud-ouest au centre-nord par les montagnes. La route et ses décors sont absolument magnifiques.
Nous arrivons au domaine, ou devrais-je dire aux domaines… car oui, ce sont les domaines Vico et Clos Venturi qui s’étendent ici sur 50 hectares de vignes cultivées en bio et biodynamie. Ils appartiennent tous deux à Jean-Marc et Manu Venturi, le Clos Venturi ayant été détaché du domaine Vico en 2005. Les vignes des domaines se situent sur un véritable chaos géologique, où l’on retrouve les sept sols différents de la Corse en un seul endroit : granit, schiste, basalte, galet roulé, argilo sableux, calcaire et mine de cuivre. Cela explique que les domaines ne produisent pas moins de 35 cuvées.
Les deux vignobles, séparés de sept kilomètres l’un de l’autre, sont très différents. Les vignes du domaine Vico se situent à proximité du chai. Tandis que le Clos Venturi, un peu plus loin, se distingue par ses vignes situées sur une colline, en coteaux, aux pieds de la maison de Manu Venturi. La végétation alentour s’y développe sur 100 hectares, dont 28 sont consacrés à la vigne.
La dégustation de 21 vins des domaines nous a séduits. L’usage des différents contenants d’élevage (fût, wine globe, inox, cuve, œuf, béton…) et de la dizaine de cépages révélés en monocépage ou assemblage, se veut extrêmement juste. Un must-have dans une cave !


Muriel Giudicelli : des vins fins et délicats à Patrimonio
L’après-midi, nous allons dans la direction de Patrimonio à la redécouverte des vins de Muriel Giudicelli. La petite route que nous empruntons pour arriver au domaine nous donne quelques sueurs froides, d’autant qu’il est difficile de faire demi-tour. Nous arrivons sains et saufs (la voiture aussi) et sommes accueillis par Muriel et son mari Stéphane.
Les vignes – situées dans un rayon d’un kilomètre autour de la cave – s’étendent sur 10,8 hectares et sont cultivées en bio depuis 2006 (et en biodynamie depuis 2012). Créé en 1997, le domaine vise initialement les vins rouges de Patrimonio et les muscats du Cap Corse. Aujourd’hui, Muriel – qui s’est formée en autodidacte – nous explique que ses terroirs de schistes argilo-calcaires sont plus propices aux vins blancs secs, raison pour laquelle elle en produit de plus en plus proportionnellement.
Ce qui nous frappe tout particulièrement chez ce couple de vignerons (Muriel à la vinification, la vente et l’administratif et Stéphane à la vigne), c’est leur humilité et leur grande gentillesse. D’ailleurs, leurs vins leur ressemblent : fins, délicats et ne cherchant pas la démonstration. De véritables coups de cœur.
Nous repartons avec une bouteille de notre vin préféré sous la main : Luna nera 2024, un assemblage de vermentino (70%) et genovese (30%), co-vinifiés et élevés en jarre en grès. Nous avons été séduits par ses notes florales, salines, d’amande, mirabelle, menthol et sa trame équilibrée entre fraîcheur et rondeur. Un accord mets-vin réussi le soir-même au restaurant avec une pizza !


Après une nuit à Saint-Florent, nous repartons le matin du quatrième jour pour Ajaccio afin de nous envoler pour la grisaille parisienne. Une parenthèse enchantée, rythmée par la douceur de l’île de beauté et de ses vins…

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