Cela fait quelques années que nous en parlons : la vinification et l’élevage sous-marins. Découvrez l’histoire de ces mystérieuses méthodes, qui, dans les profondeurs, profitent de conditions idéales de vieillissement : obscurité, pression, température régulée et mouvements dus aux variations de pression et liés aux marées.
Des champagnes vieux de 170 ans retrouvés dans la mer Baltique
Souvenez-vous, en juillet 2010, 168 bouteilles sont retrouvées dans une épave, celle d’un navire qui a coulé autour des années 1840 au large des îles Aland, en mer Baltique, à 55 mètres de profondeur. La cargaison était composée de bouteilles signées Juglar (ancienne maison de champagne passée dans le giron de Jacquesson & Fils depuis 1829), Veuve Clicquot Ponsardin et, pour quelques-unes, des Champagnes Heidsieck.
En 2015, des travaux de recherche sont menés par Philippe Jeandet (professeur de biochimie alimentaire de l’Unité de recherche Vignes et Vins de Champagne de l’université de Reims) et Philippe Schmitt-Kopplin (université de Munich) afin de déterminer la qualité de ces mystérieuses bouteilles. Ces chercheurs s’interrogent : quel est le goût de ces vieux champagnes ?
Le résultat est sans appel, malgré l’âge avancé des bouteilles et les conditions de conservation sous-marines, ces vins ont gardé leur caractère intrinsèque. Les œnologues affiliés au projet ont noté une fraîcheur et des notes particulièrement florales et fruitées lors de la dégustation d’une bouteille de la maison de champagne Juglar, et d’une bouteille de la maison Veuve Clicquot ; toutes deux présentes sur le navire. « On a été surpris de voir que les teneurs en acide acétique (vinaigre) sont seulement un peu plus élevées que celles des champagnes modernes » précise le professeur Jeandet ; là où les quantités de cuivre étaient aussi un peu plus élevées que de nos jours (en raison du sulfitage des vignes). Concernant le degré d’alcool, la différence est tout de même notable avec une moyenne de 9,5° pour ces vieux champagnes (contre environ 12,5° aujourd’hui). Selon richard Juhlin, expert en champagne, « Le Clicquot est assez sec, un peu comme un riesling. Sa robe est d’un jaune soutenu aux reflets verts, tout comme les notes élégantes et raffinées de zestes de citron vert, fleurs blanches et tilleul, conclues par une note épicée et toastée et un bouquet proche du Brie de Meaux. Une fraîcheur incroyable assortie d’une longueur en bouche interminable qui rappelle un très vieux liquoreux ».
À l’époque, la découverte fait le tour du monde, tant et si bien qu’elle a inspiré un certain nombre de maisons de Champagne…
Une vente record de 30 000€ aux enchères pour une bouteille de Veuve Clicquot
Le vendredi 3 juin 2011, dans l’archipel d’Aland, l’après-midi est marqué par une vente exceptionnelle. Une des bouteilles de Veuve Clicquot datant de plus de 200 ans et découverte un an auparavant dans l’épave est adjugée à 30 000 €, lui permettant ainsi de devenir le champagne le plus cher jamais vendu aux enchères. – Titre aujourd’hui décerné à une bouteille de la maison Perrier-Jouët de 1874 vendue plus de 50 000 €, prix marteau, le 2 décembre 2021, à Londres –.
Le flacon adjugé lors de cette vente est un vin émouvant puisqu’il a été produit par Madame Clicquot en personne, lorsqu’elle dirigeait cette maison de négoce au XIXème siècle. Un détail qui explique l’acharnement des acheteurs. C’est effectivement après une dure bataille face à un enchérisseur américain que les deux flacons (la bouteille de Veuve Clicquot à 30 000€ accompagnée d’une autre bouteille de Juglar à 24 000€) ont été acquis par un seul et même enchérisseur, à Singapour, rapporte l’acteur principal de cette vente : le commissaire-priseur, John Kapon. Le prix de départ du Veuve Clicquot avait été fixé à 10 000 €, alors que l’œnologue Richard Juhlin avait parlé au moment de sa découverte de 100 000 € pièce. Au moment du coup de marteau, une clameur s’est élevée dans la salle bondée de journalistes, de curieux et de représentants d’acheteurs. « C’est un prix qui consacre la valeur du vin et le prestige de la maison » annonce Madame Moreau, historienne de la maison Veuve Clicquot, qui a eu l’occasion de déguster le vin.
« Le gouvernement estime que ces bouteilles ont été produites pour être bues », a déclaré Björn Häggblom, porte-parole du gouvernement d’Aland, pour répondre à ceux et celles qui voyaient plutôt la place de ces flacons dans un musée. « Ce n’était pas qu’une vente de champagne, c’était aussi une page de l’histoire » a déclaré John Kapon quelques minutes après avoir frappé le coup de marteau qui a définitivement scellé le sort de ces deux flacons uniques.
La révolution du Champagne sous la mer : Veuve Clicquot, Roederer, Leclerc-Briant…
Ces différentes découvertes ont amené les plus grandes maisons champenoises à appréhender ce type de vinification sous-marine. Pour Veuve Clicquot et Roederer, ces élevages ne sont simplement que des essais. Pour Leclerc-Briant, c’est désormais une méthode acquise.
La maison Leclerc Briant est l’excellence de la Champagne. Elle est pionnière dans de nombreuses techniques d’élevage et notamment sous la mer. En 2017, Leclerc-Briant réalise une cuvée exceptionnelle à base de pinot noir, pinot meunier et chardonnay, vieillie sous la mer, au large des côtes bretonnes. Les bouteilles sont plongées 15 mois à une profondeur de 60 mètres. On vous propose ce millésime chez iDealwine, issu de la récolte de 2017. Partez à la découverte d’un champagne d’une grande typicité.
- La Maison Roederer et ses tests
Après un an d’immersion à 15 mètres de profondeur, 600 bouteilles de Champagne Louis Roederer ont été sorties de l’eau dimanche 14 juin 2009. C’est la première fois que la célèbre maison rémoise se prête à cette expérience, mais non une première en la matière, car l’année précédente, déjà, 600 bouteilles de crozes-hermitage rouge et de montagny 1er cru avaient refait surface après 12 mois de vieillissement en mer. Bercées, par le courant, par 15 mètres de fond, les bouteilles de champagne Louis Roederer Brut Premier auront, elles aussi, bénéficié des conditions exceptionnelles de la baie des plus grandes marées d’Europe, transformée, pour l’occasion, en une cave idéale : température constante de 10° et mouvement des eaux agitées de la Manche.
- Veuve Clicquot continue ses essais.
Après la jolie découverte de l’épave, la maison Veuve Clicquot se lance dans l’expérience des champagnes vieillis en mer. Consciente du potentiel de cette technique d’élevage, la maison champenoise créée en 1772, a remonté des profondeurs de la mer Baltique en juin 2023 : 100 bouteilles de Brut Carte Jaune 2010, dont des magnums de 2008, 50 de la cuvée Rosé du millésime 2004 ainsi que 100 bouteilles de Demi-Sec 2010. Un rituel qui, sans doute, continuera pendant un bon moment.
Les champagnes sous la mer… mais pas que
On parle de champagne, mais il n’y a pas que les bulles qui se plaisent dans les profondeurs. Les vignerons des Landes et du Sud-Ouest ont aussi pris le pli.
De nombreux adeptes de l’idée se sont lancés dans l’aventure comme Emmanuel Poirmeur, vigneron basque qui va plus loin et vinifie également ses vins sous la mer, un véritable précurseur car il dépose en 2007 un brevet pour protéger cette technique. Il réalise sur ses vins et dans la mer, une seconde fermentation alcoolique (prise de mousse, qui donne un vin perlant) et met encore davantage en avant le rôle des levures dans ce procédé. Un travail de haute volée qui sublime la baie de Saint-Jean-de-Luz.
On peut citer le travail phénoménal de château Le Puy avec sa cuvée Retour des Îles. Ici, le vin traverse l’Atlantique dans des barriques pendant 10 mois sur le Très Hombres, bateau à voile d’une trentaine de mètres. Le navire part de la Bretagne puis se laisse guider par les vents le long des côtes portugaises jusqu’au Cap-Vert. Il prend ensuite cap vers le Brésil, les Caraïbes, les Açores et fini sa route en naviguant proches des côtes du Royaume-Uni. Un long périple pour les tonneaux qui apprennent les différents changements de températures. Voyageant avec du café, des épices et du cacao ; le vin se nourrit d’arômes uniques tout au long du voyage. Une bouteille d’exception que vous retrouvez dans notre cave. Décidément, les mers et océans nous offrent des possibilités incroyables concernant la vinification et l’élevage du champagne ou du vin. Au vu des avancés scientifiques et technologiques, ces différentes techniques ont décidément le vent en poupe…
C’est super intéressant et étonnant de voir que en 200ans les bouteilles ont peu perdu de goût !
Bonjour Nicolas,
L’équipe iDealwine vous remercie pour votre commentaire.
En effet, c’est assez impressionnant. Le vin nous réserve des secrets incroyables.
D’ailleurs, en Alsace, se cache un vin datant de 1472 qui est réputé comme étant le plus vieux du monde. Ce breuvage n’a été dégusté que trois fois dans son histoire, dont la dernière en 1944. Un millésime de 552 ans qui a gardé toute sa complexité. Tout simplement exceptionnel.
Bien à vous,
Tom de l’équipe iDealwine