Chaque année depuis plus de 10 ans, l’équipe d’iDealwine, parcourt le vignoble bordelais la première semaine d’avril pour humer l’air du temps, décrypter les nouvelles tendances et se faire, en primeur, une idée du nouveau millésime.
Crayons, carnets et tablettes en main, l’équipe d’iDealwine était à Bordeaux il y a quelques jours pour découvrir et déguster les échantillons du millésime 2015. Et cette année, l’exercice s’est révélé hautement sympathique : de part et d’autre des deux rives nous avons trouvé des vins pleins de charme, gourmands et séduisants. Au fil des dégustations, les échanges avec les producteurs rencontrés, les responsables techniques des domaines et les consultants nous ont permis de décrypter les grandes tendances qui se dessinent pour ce 2015. A commencer par les facteurs climatiques. Souvenez-vous : il a fait beau, et très chaud, durant les mois de juin, puis de juillet 2015. Des conditions idéales, pile au moment où éclot la fleur. Les températures caniculaires des semaines qui ont suivi ont contraint la vigne à aller puiser au plus profond pour y trouver les ressources nécessaires, malgré l’absence de pluie. Certains vignobles ont même frôlé ce fameux « stress hydrique » qui, s’il dure, provoque un blocage de la maturation des baies. Un mois d’août inhabituellement frais – et certains jours pluvieux – est venu réhydrater la vigne, et du coup rééquilibrer la situation. C’est finalement en septembre, voire en octobre que l’essentiel s’est joué : dans de nombreux vignobles la belle arrière-saison a permis de vendanger des raisins magnifiques. Dans d’autres appellations (le nord du Médoc en particulier), les pluies persistantes ont obligé les propriétés à vendanger précipitamment, sans pouvoir toujours attendre des maturités optimales. Le travail de tri et de sélection, à l’issue de la vendange et lors des vinifications, s’est alors révélé déterminant pour la qualité des vins.
Un « lovely » millésime
Avant même d’entrer dans le détail des appellations parcourues, le sentiment général sur le millésime 2015 est, de l’avis général de notre petite équipe … réjouissant : alors que traditionnellement l’exercice de la dégustation en primeur peut se révéler austère, voire franchement ingrat, cette année la plupart des vins se présentait sous un jour particulièrement charmeur et séducteur. Des vins bien équilibrés, caractérisés pour beaucoup une belle fraîcheur. Certains d’entre eux, étonnamment tendres et gourmands, semblaient d’ailleurs presque prêts à boire ! Rassurez-vous, nous avons systématiquement recraché les quelque 150 vins dégustés. Mais pas toujours de gaité de cœur ;-). Le signe d’un « lovely » millésime, aux dires de nos amis anglais croisés durant ces dégustations. Qu’importe que les vins ne soient peut-être pas taillés pour une longue garde, à l’instar de leurs prestigieux ainés de 2010 ? Que la qualité ne soit pas aussi homogène qu’il y a cinq ans dans l’ensemble du vignoble ? Il semble que les caractéristiques de cette année soient, dans l’ensemble, exactement celles dont Bordeaux, et le marché, avaient besoin : un joli millésime, pas forcément une superstar – vendu au prix des superstars, hum…-. De ceux qui pourraient permettre de relancer l’intérêt sur les vins de cette région, clore le bec aux tenants du « Bordeaux bashing » et, ce faisant, rendre la région de nouveau attractive auprès de tous ceux, sommeliers en tête, qui s’en étaient détournés pour cause de rapport qualité-prix insatisfaisant.
Robert Parker, le grand absent
Parmi les facteurs marquants de ce nouveau millésime et qui contribueront, ou pas, au succès de la campagne primeur à venir, ne comptez pas sur Robert Parker : depuis l’année dernière il ne goûte plus les vins en primeur. Le prix de vente des grands crus, et le succès de leur mise en marché ne dépendront donc plus du verdict du fameux critique américain. Une bonne nouvelle, au fond, qui devrait permettre de revenir à plus d’équilibre, sur un marché désormais guidé, non plus par un seul gourou, mais par un consensus de dégustateurs.
Autre point crucial, le contexte économique et financier. En Europe, les Anglais, traditionnellement acheteurs – quoique réticents ces dernières années – disposent actuellement d’une devise rendant attractif tout achat libellé en euro. Pour combien de temps ? La perspective d’un BREXIT pourrait plomber la livre. Réponse le 23 juin à l’issue du referendum… Aux Etats-Unis, le dollar plus solide qu’il y a un an pourrait accompagner le retour des amateurs américains. Quant à l’Asie, si elle demeure rétive au principe de l’achat en primeur, la zone constitue toujours un débouché stratégique pour les vins de Bordeaux, à terme. Le marché chinois est aujourd’hui infiniment plus mature qu’il ne l’était il y a à peine cinq ans. Les vins sont désormais acquis avant tout pour être bus, et non plus seulement offerts. Et Bordeaux y occupe toujours une place de choix dans les caves des amateurs.
Dernier point relevé au fil de nos pérégrinations dans le vignoble et de nos conversations avec ceux qui font les vins : l’omniprésence du sujet bio. C’est même LA grande nouveauté du millésime. La plupart des domaines réfléchissent, voire ont déjà entrepris leur conversion à une agriculture, sinon bio, du moins raisonnée. Nombre d’entre eux vont même plus loin sur le chemin de la biodynamie. Une démarche parfois initiée de longue date, mais aujourd’hui plus clairement exprimée par les domaines en quête de qualité… et de reconquête.
Dans notre prochain article nous vous détaillerons, dans les différentes appellations parcourues, le verdict de l’équipe iDealwine et nos coups de cœur du millésime.
A lire également dans le Blog iDealwine :
Primeurs 2015, les coups de cœur d’iDealwine dans le Médoc (Episode 3)
Voir l’interview BFM d’Angélique de Lencquesaing « Primeurs à Bordeaux : faut-il investir dans le millésime 2015 ? » :