Après les quatre cépages représentatifs du nord de la vallée du Rhône, direction le sud vers Châteauneuf-du-Pape et ses treize cépages. Le plus emblématique d’entre eux, le grenache, mais aussi ceux qu’on a toujours du mal à citer ! Retour les principaux cépages de cette région : grenache, cinsault, mourvèdre mais aussi sur ceux arborant des noms bien de chez nous counoise, muscardin, picpoul, picardin, terret noir, bourboulenc…
Une fois n’est pas coutume l’épisode de ne possède pas d’arbre généalogique car nous avons deux types de cépages cette semaine. Des cépages très anciens dont on n’a pas réellement de précurseurs, comme le grenache et d’autres dont les relations n’ont pas encore été établies par la génétique. Cependant il y a quand même beaucoup de choses à dire sur ces cépages, leurs ressemblances ou différences ainsi que leurs caractéristiques aromatiques.
Les treize cépages des châteaneufs rouges sont : grenache, syrah, mourvèdre, cinsault, clairette, vaccarèse, bourboulenc, roussanne, counoise, muscardin, picpoul, picardan et terret noir (on peut remarquer que trois de ces cépages sont des cépages blancs, la clairette, la roussane et le bourbpoulenc). A noter que cet article parle du sud de la vallée du Rhône dans son ensemble et que l’on comprend bien sur les autres appellations comme Gigondas, Vacqueyras, Ventoux ou côtes-du-rhône village où les cépages autorisés sont compris dans la liste ci-dessus.
La famille “picpoul”
Le picpoul est un des treize cépages de Châteauneuf-du-Pape et sa famille comprend l’aubun, le bourrisquou, le cinsault, la counoise, le picardan, le rivairenc, le terret et le tibouren (en gras des cépages de Châteauneuf). Cinq des treize cépages de Châteauneuf appartiennent donc à cette famille.
La famille “claret”
La clairette est également un des cépages emblématiques de Châteauneuf-du-Pape et c’est le cépage le plus représentatif de cette famille. Les autres cépages sont le barbaroux, le bourboulenc, bouteillan noir, brun fourca, calitor blanc, colombaud, grec rouge, pascal blanc, plant droit et téoulier noir.
Ces cépages sont originaires pour la plupart du Languedoc et du nord de l’Espagne, et on peut tracer la culture de certains de ces cépages depuis le XIVème siècle! Rapide tour d’horizon.
Le grenache (garnacha)
Le grenache existe en trois variations de couleurs différentes blanc, noir et gris. La variété la plus fréquente, et à l’origine des autres mutations, est bien sur le grenache noir sur lequel nous nous pencherons.
Histoire : le grenache provient du nord de l’Espagne, a priori d’Aragon comme en témoigne son nom le plus répandu : garnacha. On a des preuves de la présence de grenache en Espagne dès 1513 par un traité sur l’agriculture de Gabriel Alonso même si certains auteurs comme Lovicu (2006) cherchent à prouver que le grenache proviendrait de Sardaigne où on en trouverait des traces encore antérieures. Il y a encore des doutes et des disputes entre les spécialistes sur la provenance du grenache et l’étymologie ne répond pas à cette question puisqu’il existe deux explications possible. Garnacha pourrait provenir de l’italien verniacca qui était un cépage blanc présent en Sardaigne à l’époque. Il est tout autant possible que le mot provienne du catalan garnaxa qui désignait la robe du Roi dont la couleur était similaire à celle d’un vin rouge à l’époque. Italien ou espagnol, Jancis Robinson, J.Harding et José Vouillamoz semblent préférer la deuxième option, mais seuls de nouveaux éléments permettront de déterminer réellement l’origine du grenache.
Géographie : le grenache est un des cépages les plus plantés au monde. Critiqué pendant un temps il est revenu en force notamment grâce à l’appellation Châteauneuf-du-Pape mais aussi grâce aux vins rouges catalans du priorat. Il est aujourd’hui planté partout dans le monde, particulièrement sur le pourtour méditerranéen et dans les pays au climat généreux. On le trouve donc en Afrique du Sud, Australie, Etats-Unis, France, Espagne, Italie, Liban, Maroc, Algérie, Tunisie, Grèce.
Arômes : le grenache en monocépage est un d’une faible vivacité qui donne des vins assez peu ou moyennement colorés, en fonction de la concentration. Les arômes perçus au nez se situent dans un registre de fruits mûrs parfois même confiturés (souvent la fraise, mais aussi parfois le pruneau, et les fruits rouges et noirs très murs). Les monocépages de grenache sont assez rares car il est difficile d’atteindre la parfaite maturité. Lorsque celle-ci est atteinte, pour de très grands domaines comme par exemple Rayas, cela donne des vins d’une profondeur exceptionnelle et un immense potentiel de garde.
Dans un assemblage du Rhône sud, le grenache est souvent majoritaire et constitue la structure du vin. Il apporte sa souplesse son fruit et sa chaleur au vin et est souvent assemblé avec des cépages plus vifs et plus frais comme le mourvèdre, la syrah ou le carignan.
Le mourvèdre (monastrell)
Histoire : On des traces écrites du mourvèdre dès le XIVème siècle. Son nom provient du latin monasteriellu, un diminutif de monasteriu qui signifie monastère. Ce cépage a probablement été cultivé à Camp de Morvedre dans la région de Valencia dans le sud de l’Espagne d’où le nom mourvèdre que nous lui avons attribué en France après son introduction en Provence au XVIème siècle.
Géographie : cépage à maturité tardive il est cultivé dans les pays chauds à l’instar du grenache. Argentine, Chili, Afrique du Sud, Australie, Etats-Unis, Maroc, Espagne et bien sûr en France.
Arômes : Dans le sud de la vallée du Rhône de très rares cuvées sont produites en 100% mourvèdre, mais sinon il est presque toujours assemblé aux autres cépages locaux. Ajouté à un assemblage le mourvèdre apporte, structure et complexité et un grand potentiel de vieillissement.
En monocépage, comme en appellation Bandol par exemple il produit des vins tanniques et structurés. Les vins sont très sombres, violacés. Le nez est assez aromatique mais peut rester assez discret dans la jeunesse conservant ses arômes de fruits noirs (mûre, cassis), de maquis, de truffe, d’olive noir d’épices. Très puissant jeune, ces vins ont un grand potentiel de garde et s’adoucissent énormément avec le temps.
Le cinsault
Histoire : des références sont faites au cinsault dès 1600 en France sous des noms anciens comme mourrquin ou marroquin et sous son nom moderne dans l’Hérault en 1829 dans un ouvrage de Bouschet « le sinsâou, le bois ressemble à l’œillade ». Il est aujourd’hui certain que ce cépage provient du Languedoc-Rousillon tout d’abord car il provient du groupe ampélographique du picpoul puis parce qu’il est génétiquement très proche du rivairenc, un autre cépage de la région.
Géographie : le cinsault est de moins en moins planté dans le monde et dans la vallée du Rhône également. Il subsiste principalement en Afrique du Sud, Argentine, Chili, Etats-Unis, Italie, Liban et Maroc. En France il est surtout planté en Côtes de Provence et dans le Languedoc (où est souvent utilisé pour produire du rosé, assemblé à d’autres cépages locaux).
Arômes : Le cinsault est rarement en monocépage pour les vins rouges. Il apporte aux assemblages des notes fruitées (fruits rouges, agrumes) et des notes florales toutes en souplesse.
Les autres cépages rouges de Châteaneuf sont la counoise, vaccarèse, muscardin et terret noir. Ces cépages constituent en général une toute petite proportion dans les assemblages. Le jeu des producteurs avec les cépages et les différents terroirs de leur vignoble permettra de donner aux vins de chaque domaine une personnalité propre et forte.
La clairette
Histoire : la Clairette serait plantée dans l’Hérault depuis 1500 et quelques écrits plus tardifs nous prouvent que déjà à l’époque ce cépage plaisait énormément et était réputé pour faire de très bons vins. Le nom clairette provient soit de la couleur des feuilles légèrement plus claires soit de la couleur des baies.
Géographie : c’est un cépage principalement méditerranéen qui est relativement peu planté dans le reste du monde hormis en Afrique du Sud et en Australie. On le trouve en Italie, au Maghreb et naturellement en France dans le Languedoc, à Bandol, à Cassis, dans les Côtes du Rhône et bien sûr à Châteauneuf.
Arômes : pour les vins blancs secs la robe est très claire et le vin s’exprime à travers un nez discret mais souvent complexe à travers des arômes de fruits comme la pomme, la pêche, le pamplemousse, de fruits tropicaux et de fleurs. En bouche les vins produits avec de la clairette ont une attaque souple et sont des vins tendres et délicats.
Le bourboulenc
Se prononce « bourboulenque » dans le sud, d’autres le prononcent « bourblanc » ou « bourboulen », à vous de choisir. Nous on préfère jouer le jeu et le prononcer de la première manière 🙂
Histoire : les écrits parlent dès 1515 de borbolenques ou de borbollenque et proviennent probablement du barbolenquiera, un vieux vignoble à Aubignon à quelques encablures seulement d’Avignon.
Géographie : ce cépage principalement cultivé en Provence et dans le Languedoc et utilisé dans les assemblages à Châteauneuf serait donc finalement originaire de cette dernière région. Le bourboulenc fait partie de ces cépages exclusivement français qui ne sont pas cultivés ailleurs. Une spécificité régionale que l’on apprécie beaucoup !
Arômes : c’est un cépage qui donne des vins relativement peu sucrés avec de faibles degrés d’alcool. Dans les assemblages le bourboulenc apporte de la fraicheur et une note florale. Chez certains domaines comme le Château d’Anglès le bourboulenc représente jusqu’à 50% des assemblages.
Le grenache blanc (garnacha blanca)
Le grenache blanc est une mutation du grenache noir que nous avons évoqué plus haut, inutile donc de s’attarder sur son histoire et l’étymologie de son nom puisque tout ceci est précisément identique.
Géographie : le grenache blanc présente des caractéristiques ampélographiques relativement proches du grenache noir et pousse donc dans des régions au climat similaire. Vous pourrez donc le trouver en Afrique du Sud, Espagne, Grèce, et bien sûr en France dans le sud de la vallée du Rhône mais également en Languedoc.
Arômes : en assemblage le grenache blanc apporte des arômes plutôt discrets et complexes qui évoquent certaines plantes aromatiques comme l’anis ou le fenouil et développe également des arômes floraux
Les autres cépages blancs de Châteauneuf sont la roussanne, le picpoul et le picardan, les deux derniers étant très minoritaires dans les assemblages nous ne les traiterons pas ici. A noter toutefois que le picardan est un cépage originaire du Var dont on a trace depuis le XVIème siècle et qui était très fréquent à l’époque.
C’est tout pour cette semaine, mais nous nous retrouvons la semaine prochaine pour un épisode sur les cépages de la Bourgogne, plus nombreux qu’on ne le pense souvent !
En attendant retrouvez les épisodes précédents :
La saga des cépages – Episode 1 – Les cépages bordelais (1ère partie)
La saga des cépages – Episode 2 – Les cépages bordelais (2ème partie)
La saga des cépages – Episode 3 – La star de la Loire, le chenin
La saga des cépages – Episode 4 – Les cépages de la Vallée du Rhône (1ère partie, le nord)
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