Chaque mois, Angélique de Lencquesaing participe à l’émission BFM Patrimoine, animée par Lorraine Goumot. A l’issue de la 164ème vente des vins des Hospices de Beaune, elle dresse un état du marché des grands vins de Bourgogne.
Chaque année a lieu à Beaune, le troisième dimanche de novembre, une vente aux enchères particulière. Il s’agit de la plus grande vente caritative de vin au monde, et la plus renommée. Elle s’est tenue le 17 novembre dernier. Il s’agit bien sûr de la vente des Hospices de Beaune. Pouvez-vous nous dire pourquoi elle est si spéciale ?
Le dimanche 17 novembre se tenait la 164ème vente aux enchères des Hospices de Beaune. Une vente particulière à plusieurs titres effectivement, trois points permettent de la différencier des autres ventes de vin :
- Cette vente est destinée à financer l’œuvre hospitalière de charité créée par le Chancelier Nicolas Rolin et Guigone de Salin en 1443, à la fin de la Guerre de Cent ans, pour venir en aide aux malades et aux nécessiteux.
- Les vins qui sont vendus proviennent du vignoble des Hospices, vignoble constitué au fil du temps par des donations de parcelles de vignes. C’est ce qui en fait la plus ancienne vente aux enchères caritative de vin au monde.
- Les vins proposés aux enchères sont issus du millésime qui vient d’être récolté, donc le 2024. Les vins ne sont pas encore disponibles en bouteilles, ils sont vendus en fûts, que l’on appelle des « pièces » contenant 228 litres de vin.
Les vins ne sont donc pas disponibles immédiatement s’ils sont encore fûts ?
Effectivement, ce sont en quelque sorte des « primeurs » qui sont vendus, des « futures », pour employer des termes financiers. Les vins ne sont pas achevés. L’acquéreur prend donc possession d’une « pièce » (barrique), soit l’équivalent de 288 bouteilles. Le vin va poursuivre son temps d’élevage auprès d’une maison bourguignonne, avant d’être mis en bouteilles et livré à l’acquéreur. On est donc loin d’une vente aux enchères classique au cours de laquelle les adjudicataires peuvent repartir avec leurs bouteilles sous le bras, ou se les faire livrer dans les jours qui suivent.
Aujourd’hui, nous parlons de la Bourgogne, région hautement prisée dans les ventes aux enchères. Comme dans le reste de la région, la vente était moins volumineuse que l’an dernier…
Un point important effectivement : cette vente n’a pas échappé aux accidents climatiques qui ont frappé le vignoble tout au long du millésime 2024. La régisseuse des Hospices de Beaune, Ludivine Griveau, expliquait même que ses équipes ont à peu près traversé toutes les épreuves possibles durant cette année (gel, grêle, maladie, insuffisance d’ensoleillement…). Et pourtant la récolte qui en est sortie, certes amputée en quantités, est belle ! Au total, la vente proposait 321 fûts de vins rouges et 117 de vins blancs (auxquels s’ajoutaient 3 feuillettes, ou demi-pièces) toujours en blanc, ainsi que 7 pièces d’eaux de vie. Soit une baisse de plus de 40% des volumes offerts à la vente, malheureusement.
La conjoncture actuelle a-t-elle pesé sur les résultats, ou l’engouement est-il toujours intact ? Le prix de chaque pièce a-t-il crû pour maintenir le produit global de la vente ?
L’année 2023 figurait parmi les ventes records (il s’agissait du 2ème meilleur résultat historique derrière 2022). Un succès difficile à reproduire dans le contexte économique et géopolitique adverse auquel nous sommes confrontés. Le produit total de la vente, 13,9M€ hors vente de la pièce de charité, s’inscrit en retrait de 40% par rapport à 2023. Mais ce qui est intéressant c’est de mesurer le prix à la pièce, par fût, qui reflète bien les tendances actuelles de la demande.
Une tendance à consommer moins de vins rouges, et plus de blanc ?
Absolument. Les vins rouges ont enregistré une baisse moyenne de prix de 5%, tandis que les blancs (certes moins nombreux), ont vu leur prix moyen grimper de 8%. La pièce de Grand Cru Bâtard-Montrachet, Cuvée Dames de Flandres, qui a été adjugée 355 000€, a contribué à soutenir les prix…
Vous évoquez un grand cru de Bâtard-Montrachet…. Comment se répartissent les vins vendus, en termes de prestige des appellations ?
Le domaine des Hospices de Beaune a été généreusement doté de vignes données à l’institution au fil des siècles. Il couvre aujourd’hui 60 hectares répartis sur différentes appellations, principalement en Côte de Beaune
En rouge, on trouve de nombreuses cuvées de Beaune, Pommard et de Volnay ou encore Savigny-les Beaune et Monthelie, ainsi que le grand cru Corton. Viennent s’y ajouter d’autres appellations prestigieuses de la Côte de Nuits (Echézeaux, Mazis-Chambertin et Clos de la Roche).
En blanc, quelques pièces de Meursault sont complétées par les grands crus Bâtard-Montrachet, Corton Charlemagne, Corton Vergennes… avec un petit nouveau incarné par un Chablis premier cru Côte de Lechet, offert par la famille Brocard en 2015. Certains dons sont en effet récents !
Vous évoquez une quasi-stabilité des cours… Le résultat de la vente est donc le reflet des tendances actuelles ?
Oui, avec un prix moyen de la pièce, certes élevé à 31 540€, mais pratiquement stable (+2,2%), les acheteurs envoient un signal de bonne tenue des cours certes, mais de stabilité aussi. Car traditionnellement, en cas de petite récolte, les prix adjugés viennent compenser les volumes, amenant à un surenchérissement mécanique du prix de la pièce. Cela n’a pas été le cas en 2024, car l’adage boursier se vérifie aussi pour le grands vins : « les arbres ne montent pas jusqu’au ciel »….
D’une manière générale, constatez-vous dans les ventes aux enchères une stabilisation des cours des grands crus de Bourgogne ?
La rareté des vins a deux conséquences : elle rend difficile l’interprétation des tendances sur le court terme, et elle suscite des mouvements de prix parfois hiératiques.
Après l’envolée des prix constatée entre fin 2021 et fin 2022, la correction a été significative, mais les prix sont demeurés élevés, au-dessus de leurs niveaux de 2020 (pré-Covid). La demande mondiale pour les grands pinots noirs et les chardonnays bourguignons ne cessent de croître. Heureusement la Bourgogne a produit deux beaux millésimes, 2022 et 2023, généreux en quantité aussi, ce qui a permis de faire redescendre la pression sur les prix. En 2024, on l’a dit, la récolte a été sérieusement amputée. Toutefois, on voit que sur le long terme, la valorisation des vins, tout particulièrement les grands crus de Bourgogne, est favorable, les indices iDealwine surperforment le CAC 40 sur 10 ans. L’indice général iDealwine 100 a progressé de 159% depuis début 2013 (soit sur une durée d’un peu plus de 10 ans). Dans le même temps, l’indice iDealwine Bourgogne, lui s’envolait à +200%. Dans le même temps, le CAC40 s’est apprécié de 90%. La tendance reste donc favorable aux vins de Bourgogne sur le long terme, et ce n’est pas la rareté du millésime 2024 qui risque de l’inverser….
Toute la Bourgogne a été impactée par les incidents climatiques en 2024 ?
Certaines parties de la Bourgogne ont plus souffert que d’autres. La côte de Beaune a été moins touchée que la Côte de Nuits en 2024, où certaines parcelles ont été complètement ravagées par le développement de maladies. Les pinots noirs ont été plus impactés que les chardonnays, sauf, peut-être, à Chablis, dans le nord de la région.
Les vins seront donc rares dans le millésime 2024 … Faut-il y voir un signal d’achat pour les amateurs ?
Les amateurs n’ont pas besoin de ces mauvaises nouvelles concernant les quantités produites pour avoir envie d’acheter. C’est avant tout la qualité qu’ils regardent. D’ailleurs, la qualité était bel et bien au rendez-vous aux Hospices de Beaune, et elle l’est également dans la future vente aux enchères des Hospices de Nuits qu’iDealwine a l’honneur d’organiser en mars prochain. Une réplique en miniature de la vente de Beaune, dont nous aurons l’occasion de reparler, car les vins s’annoncent superbes !
Replay de l’émission BFM Patrimoine à retrouver ci
Demander une estimation pour vendre votre cave