
Que l’on soit néophyte ou amateur, particulier ou professionnel, il est toujours rassurant de suivre les commentaires de critiques spécialisés. Aujourd’hui plus encore, nous avons mille moyens pour avoir accès à cette information : un article, un tweet, un post, une médaille, un blog… Toute parole n’est pas bonne à boire, donc comment s’y retrouver ?
Remontons dans le temps pour reparler de la campagne primeur 2013, qui aura marqué les esprits. Mis à part le buzz plutôt négatif lié à la qualité et au prix de ce millésime difficile, la traditionnelle dégustation du guru américain Robert Parker n’a pas eu lieu comme d’habitude. Bien que son collègue Neil Martin soit venu déguster et noter les vins, lui, a repoussé sa visite de quelques mois, forçant les producteurs à mettre leurs vins en vente sans attendre son verdict. Vignobles, acheteurs et consommateurs se sont retrouvés dans un flou encore plus grand qu’ils ne l’étaient déjà…
Est-ce pour autant la fin d’une ère ou simplement le signe de l’évolution du panorama des critiques de vin ?

Souvent accusé d’avoir le pouvoir de faire la pluie et le beau temps sur un millésime, un vignoble ou même une appellation, le célèbre critique américain semble avoir perdu un peu de l’influence considérable qu’il lui avait été confié depuis 1982. L’environnement de la critique du vin semble s’être étoffé, devenant de plus en plus varié et complexe : bloggeurs, journalistes traditionnels, amateurs ou professionnels échangeant sur les réseaux sociaux…
C’est ce que nous observons pour la campagne primeur 2025, elle aussi particulière, car elle intervient dans un contexte de crise pour le vignoble bordelais qui propose un millésime décrié non pas tant par la critique, mais par les consommateurs. Les notes des vins elles, entre 88 et 98, démontrent un millésime où les domaines bordelais ont su garder le meilleur des raisins. Les notations sont aujourd’hui nombreuses et importent davantage lors d’une très bonne notation. Cependant, elles permettent de se faire un avis général sur la qualité de certains vins. Mais ses notes, notamment lorsqu’elles sont peu nombreuses, sont-elles toujours un élément fiable ?
Lorsqu’il s’agit d’évaluer l’opinion d’un critique, outre le fait évident de son impartialité et gouter (idéalement) les vins à l’aveugle, il faut prendre en compte trois éléments influençant sa perception :
Tout d’abord le dégustateur reste un humain et a donc des préférences en termes de goût et de style, influencés par son inné mais aussi par son acquis : sa culture, ses habitudes culinaires ainsi que sa condition physique (fatigue, maladie) et psychologique (humeur) au moment de la dégustation.
Les conditions extérieures sont également fondamentales ; un vin se déguste en effet différemment selon les odeurs environnantes, le niveau d’humidité, la pression atmosphérique, la lumière ou même le bruit. La somme de ces influences minimes sur les sens, peut avoir des conséquences réelles sur la dégustation finale. Enfin, le vin dégusté peut être plus ou moins ouvert au moment de la dégustation.
Enfin, des variations significatives peuvent apparaitre d’une bouteille à l’autre, dépendant notamment des conditions dans lesquelles la bouteille a été conservée, transportée, mais aussi de la température de la dégustation et du verre avec lequel il est gouté.
Cependant, il apparait de façon empirique, que les notes de dégustation des grands critiques convergent, mettant clairement en valeur une perception commune de la qualité d’un vin. Plutôt très rassurant…

Explorons maintenant le panorama des critiques de vin. Les plus respectés et influents critiques se comptent sur les doigts de la main. Ce sont les journalistes de renommée internationale, écrivant depuis plusieurs décennies, ayant construit une image solide et jouissant d’une influence considérable. Les plus connus sont les américains Robert Parker, James Suckling, et Stephen Tanzer, les anglais Jancis Robinson MW, Allen Meadows, Stephen Spurrier, Michael Broadbent MW et James Lawther MW, et les français Michel Bettane et Thierry Desseauve.
La plupart ont leur propre site internet, guides ou blogs et contribuent pour beaucoup dans des revues spécialisées comme Decanter ou Wine Spectator ou ont leurs colonnes vin dans les revues d’art de vivre ou économiques (Financial Times, The Wall Street Journal…).
Si les revues internationales et les grands critiques jouent un rôle majeur dans le marché du vin, les publications nationales ou régionales ainsi que les guides spécialisés ont une forte influence sur leurs marchés spécifiques : La Revue du vin de France en France, The World of Fine Wine en Angleterre, Wine Enthusiast aux Etats Unis, Gault&Millau dans plusieurs pays, Alles Uber Wein en Allemagne, le Guide Penin en Espagne ou encore Platters en Afrique du Sud. Ce sont les bibles des amateurs et collectionneurs de ces marchés.
L’un des autres piliers de la critique de vins : le typique prix attribué par les concours internationaux. A la différence des concours français dont le ratio d’attribution de médailles est limité à un quart des vins présentés, la plupart des autres concours n’ont pas de limites légales. De façon très inéquitable donc, ils peuvent ainsi distribuer généreusement des prix à la majorité des échantillons présentés, garantissant ainsi aux producteurs une plus grande sécurité tout en alimentant les caisses des concours devenant de véritables vaches à lait. Malheureusement aucune règle internationale n’a encore été édictée et la France semble faire cavalier seul dans sa législation pourtant appréciable. L’autre point qui fait polémique est la gestion des volumes brassés : la dégustation annuelle de plusieurs dizaines de milliers de bouteilles en quelques semaines requiert une armada de dégustateurs qualifiés, mais de niveaux différents avec des critères propres, passant en revue des centaines de vins à un rythme soutenu. Logiquement les résultats comportent quelques biais. Sans remettre en cause leur professionnalisme, les conditions ne sont pas optimales. Pour le producteur, ces concours sont un réel investissement (échantillons et couts d’entrée souvent autour de 150€) mais peuvent rapporter gros, mettant en avant dans les rayons les stickers fièrement apposés.
Pour le consommateur qui cherche à être rassuré, difficile de faire la part des choses. Que veut dire en effet une bouteille d’entrée de gamme bardée de médailles à côté d’un vin similaire dénudé… peut être pas grand-chose mais les analystes de rayons savent tout de suite que le choix ira pour le médaillé. Il faut évidemment prendre du recul et l’idéal reste de faire son propre avis, toujours un peu plus difficile devant un rayon plein de vins inconnus de son palais. Parmi les innombrables concours, les plus valorisés restent le Concours General Agricole de Paris, le Concours Mondial de Bruxelles, le Decanter World Wine Awards (DWWA), l’International Wine Challenge (IWC), l’International Wine and Spirit Competition (IWSC).

Le panorama de la critique a été fortement bouleversé par le développement d’internet au cours des dernières années. L’accessibilité et la fluidité de l’information ont créé un boom des communautés connectées. Twitter ou encore Instagram permettent aujourd’hui aux utilisateurs des 4 coins du monde de suivre ce que d’autres dégustent et publient de façon instantanée. Jancis Robinson est suivi par plus de 350 000 personnes sur ces deux réseaux sociaux, Robert Parker plus de 360 000 ou Decanter 340 000. Les français ne sont pas en reste, même si le nombre de suiveurs reste plus restreint (limite de la langue) : LaRVF_Mag suivis par plus de 90 000 personnes, Bettane + Desseauve avec près de 20 000 followers ou encore certains comptent plus amateurs, partageant leurs expériences, comme MissVickyWine, avec environ 15 000 followers. Le nombre ne fait qu’augmenter chaque jour, tout comme la quantité et la qualité du contenu.
Autre phénomène majeur, les forums rassemblant des professionnels et amateurs du monde entier, leur permettant de partager et d’échanger sur leurs propres expériences liées aux vins. En France, La Passion du Vin (.lapassionduvin.com) s’est établi comme la référence incontournable des amateurs de vin. Les consommateurs sont particulièrement attirés par le coté rassurant de lire et d’échanger avec des amateurs au profil semblable, plutôt que de se fier éternellement à des professionnels dont les commentaires et le ton peuvent être perçus comme trop distant. C’est ‘l’effet Zagat’ de l’appréciation du vin ! Pour les très grands vins, l’approche reste différente et les notes de dégustations des grands vins semblent toujours faire foi.
L’accès à cette diversité de sources est une aubaine pour tout amateur de vins qui peut facilement accéder à une grande quantité d’informations et de notes de dégustations, qu’il peut comparer, confronter, partager et échanger avec d’autres amateurs ou professionnels. Il reste donc à s’en servir comme un indicateur en gardant toujours en ligne de mire, l’indépendance de son propre jugement.

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