Une ouverture en 2000, trois étoiles Michelin accrochées sept ans plus tard, le restaurant l’Astrance s’est hissé au niveau des meilleurs en un temps record. Cette adresse discrète de la rue Beethoven – on peut passer devant sans y prêter garde – interprète subtilement une cuisine intuitive, avec un grand génie des saveurs.
Pascal Barbot et Christophe Rohat, le premier en cuisine, le second en salle, sont de petits prodiges. Ces anciens de chez Alain Passard (L’Arpège) ont retenu du maître la délicate mise en scène des légumes et des fleurs, un grand sens de l’harmonie et la fulgurance des saveurs. Leur cuisine, tout en légèreté, est d’une précision diabolique.
Outre une salle de théâtre de poche (25 couverts), la mise en scène repose sur l’improvisation : deux particularités des lieux qui en ont fait son succès, à son corps défendant pour la première. Dans l’assiette, place aux intuitions de Pascal Barbot, au gré des saisons, des envies, et surtout de ses voyages. Ce curieux de toutes les cultures culinaires s’en inspire et rapporte chaque fois dans ses bagages des idées et des ingrédients : soja, gingembre et citronnelle de ses deux ans passés à Londres, noix de coco, vanille et citron vert de Nouvelle-Calédonie, cérémonie du thé du Japon. Dès qu’il le peut, il s’échappe le temps d’un week-end, au Maroc ou en Italie, et plus près de nous, à Rungis, pour y acheter tous ses produits. En plus du marché francilien, une liste de fournisseurs longue comme le bras permet de puiser dans un fond béant de marchandises d’excellence.
Christophe, en salle, jauge le public, prend son pouls et la température, pour s’accorder avec Pascal ; le duo peut alors concocter des menus sur-mesure, pour chaque table.
Comme au spectacle, on s’installe, le ballet des plats défile et on savoure, des amuse-bouche à la dernière miette. Ceux-là donnent le ton et placent la barre très haut : palets amande, pomme verte et citron et craquants aux algues noir. Ils s’avancent comme des hosties, on les déguste religieusement avec un verre de Chablis Premier Cru Les Fourchaumes 2008. Comme le dit si joliment Olivier Poussier, maître de cérémonie ce soir-là, le tête-à-tête entre l’acidité du fruit et celle du vin, l’iode de la feuille de noir et la minéralisé du chablis fonctionne à merveille.
Pour fêter le 160e millésime de la Maison Laroche, Michel et Gwenaëlle Laroche s’étaient montrés grands seigneurs, réservant à leurs hôtes un moment particulièrement inoubliable, car unique. Le menu concocté donnait la réplique à La Réserve de l’Obédience, Grand Cru Les Blanchots, décliné en quatre millésimes.
Le 2008 fut servi avec un tartare de veau et coques, copeaux de parmesan, alliance terre et mer. Un oxymore parfait, portée par l’énergie du chablis, de grande pureté, forcément charmeur dans son caractère juvénile. Le 2004, un petit peu plus évolué, avec de beaux amers, accompagna un homard poché dans un consommé de crustacés à la gentiane et réglisse ; pas d’astrance, cette plante vivace n’étant – c’est le comble – pas comestible. Vint le 2003, sphérique, joufflu et pourtant de grande tension ; qui l’eût dit perdu d’avance se serait fort trompé. Un double filet de sole, résistant, cuit à l’arête, aux saveurs de curry, condiment papaye/mangue, donnait au vin un répondant aigre-doux et épicé audacieux. Enfin le 2000 avait été sélectionné pour son relief, un élevage sous bois légèrement plus ostentatoire ; avec la poularde jaune des Landes, huîtres sous la peau, cèpes et fondue de parmesan (damned !) ce fut un mariage opulent mais heureux.
Pour clore ce répertoire, un dessert tout en légèreté, sorbet abricot et yuzu, croustillant mangue et gingembre, servi avec un muscat de Rivesaltes 1994 du Domaine Cazes, venu à point nommé.
Ovni gastronomique, l’Astrance est une adresse incontournable, sensible et juste.
Ne pas y aller serait un péché, y retourner est déjà l’antichambre du paradis.
L’Astrance
4, rue Beethoven
75016 PARIS
Tél. : 01 40 50 84 40
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