La Patagonie. Contrée qui entretient un mythe réel, cette région du Sud de l’Argentine attise à nouveau notre curiosité avec la signature de vins d’une grande pureté par la Bodega Chacra. Zoom sur cette propriété qui, depuis sa création en 2004, propose des pinots noirs et chardonnays remarquables.
Un Italien plante des cépages bourguignons en Argentine
A l’origine de cette propriété ? L’Italien Piero Incisa della Rocchetta, petit-fils du célèbre marquis Mario Incisa della Rocchetta, figure de proue de la Tenuta San Guido et de son supertoscan iconique, Sassicaia. C’est de lui que le vigneron tient son amour pour les grands vins et son respect du terroir qu’il ne fait qu’habiter. Aussi, lorsqu’il savoure un jour un pinot noir local lors d’une dégustation new-yorkaise, son sang ne fait qu’un tour et le convainc rapidement de reprendre ce domaine de 24 hectares situé au cœur de la vallée d’origine glaciaire du Rio Negro.
L’histoire paraît rocambolesque. Comment un Italien qui déguste du vin aux Etats-Unis peut-il se lancer dans la folle aventure de créer du vin en Argentine à partir de cépages typiquement bourguignons ? La réponse réside inévitablement dans ce terroir magnifique qui allie un sol, un climat, des cépages et un travail humain de façon pointue, presque fascinante.
Des sols et un climat passionnants
Le terroir, d’abord. Sis sur une ceinture verte située au cœur d’une région pourtant aride, le domaine a vu le jour à partir d’une parcelle plantée au début des années 1930 de vignes issues de sélection massale. Celles-ci ont largement tiré profit de la typicité de la région du Rio Negro : des loams (mélanges de sable et de limons) sur les berges de la rivière et, dans les plaines sèches des terres, des graviers localement baptisés « rodados patagonicos ». Les vignes de pinot noir et de chardonnay, elles, s’épanouissent à 220 mètres d’altitude dans des sols lourds d’argile rouge ainsi que sur des pentes escarpées érodées peu végétalisées.
Le climat, lui, diffère en bien des points de celui de la Toscane natale de Piero Incisa della Rocchetta. Les hivers sont froids (jusqu’à -5°C), les étés bien chauds (environ 35°C). Le soleil est présent, la pluie beaucoup moins. Le vent souffle un air chaud, sec et assainissant tendis que les fortes amplitudes thermiques diurnes prolongent la croissance des grains tout en ralentissant leur maturation.
Si la vigne est une liane qui peut se satisfaire d’un sol pauvre, puisant profondément les nutriments nécessaires à son épanouissement dans les sols, elle bénéficie ici d’une eau pure grâce à un canal d’irrigation conçu dans les années 1820 par les Britanniques.
Enrichir un écosystème
« Nous considérons les vins Chacra comme une conséquence de la nature ». Le ton est donné. Ce domaine qui se définit comme un « simple contributeur de la nature » veut refléter l’histoire du vignoble dans ces vins. Et cette histoire, vous le verrez, est d’une richesse infinie et active.
La culture, d’abord. Celle-ci est bio et biodynamique. Des préparations végétales et minérales sont réalisées (BD 500 de fumier de corne, 501 de silice de corne, 502 d’achillée millefeuille, 503 de camomille allemande et autres à partir de valériane, de pissenlit ou d’écorce de chêne) sont appliquées et complétées de composts (peaux de fruits, feuilles d’automne, engrais naturels), le tout en respectant un calendrier de semis et le mouvement des étoiles.
Ajoutez à cela la présence d’animaux (porcs, chèvres, moutons, chiens, chevaux…), des rosiers, 37 000 peupliers qui protègent les vignes des vents violents et du soleil puissant, ainsi qu’un potager duquel sourdent tomates, aubergines, cucurbitacées, herbes aromatiques, etc.
Enfin, l’apiculture qui y est encouragée joue un rôle dans le développement de la flore. Favorisant la pollinisation, elle incarne le rôle de gardienne de vie.
C’est ainsi que, fort de tous ces développements, le domaine peut justifier le choix de son nom, Chacra : un « centre d’énergie vitale qui nous permet de nous connecter avec l’univers entier, tout ce qui vit et vibre. » Le vin, un produit multisensoriel par excellence, y trouve donc toute sa place.
Les secrets de production
Dans ce pays qui appartient à ce que certains appellent le « Nouveau Monde », le rythme diffère. Au sein de cette propriété où de vieilles vignes non greffées sont encore conservées, les vendanges ont lieu entre la fin du mois de février et début mars ; le matin de préférence afin de préserver la fraîcheur des baies. Les rendements sont faibles mais concentrés en sucres et en acidité naturelle. Les raisins sont sévèrement triés dans les vignes – et le rebut laissé en pâture aux oiseaux – et en cave.
La cave, parlons-en. Dans le secret, la macération et le début de la fermentation alcoolique enclenchée par les levures indigènes) ont lieu dans des petites cuves rondes peu profondes mais larges qui permettent un bon contact du jus avec le moût. L’élégance et la finesse étant recherchées, les températures ne dépassent pas les 20°C et les extractions sont peu poussées. Afin d’obtenir un jus naturel et délicat, les vins ne sont pas filtrés mais décantent naturellement, tout en étant élevés dans des fûts de chêne français au grain très fin et/ ou dans des fûts usagés de second remplissage.
Honneur aux cépages bourguignons
Nous en avons rapidement parlé : pinot noir et chardonnay règnent en maître à la Bodega Chacra. Le premier se dévoile dans un registre légèrement austère mais, surtout très complexe. Taillé pour une bonne garde, il présente dans sa jeunesse des vins au profil fruité (cerise, fraise) enrichi de notes de sous-bois, de champignons, de terre et de pétale de rose. Le chardonnay est arrivé il y a peu et évolue grâce aux conseils de Jean-Marc Roulot, célèbre vigneron murisaltien. Les quantités sont limitées pour les vins minéraux et délicats qui en résultent.
Les vins de la Bodega Chacra en vente sur iDealwine
- Barda Pinot Noir (rouge)
- Cincuenta y cinco (rouge)
- Lunita (rouge)
- Sin Azufre (rouge)
- Treinta y Dos (rouge)
- Chardonnay (blanc)
- Mainqué Chardonnay (blanc)
