De même que l’homme boit des tisanes pour soigner ses maux, la vigne apprécie volontiers quelques soins, notamment de tisanes pour prévenir des maladies, renforcer ses défenses et limiter l’usage du cuivre ou du soufre dans les traitements. Décryptage de cette pratique, au cœur de la philosophie biodynamique, au travers de l’expérience forte de deux domaines partenaires, tous deux alsaciens et membres du groupement biodynamique biodyvin : Barmès-Buecher et Marcel Deiss.
Domaine Barmès-Buecher : « un signal de la nature pour la nature
Domaine familial situé à Wettolsheim, au sud de Colmar, Barmès-Buecher est l’un des chefs de file de la biodynamie en Alsace (certifié biodyvin depuis 2001 !).
Tout d’abord, pourquoi la biodynamie est-elle employée au domaine ?
« La biodynamie nous incite à accompagner la nature et à s’appuyer sur ses forces de vie pour envoyer un signal à la vigne, lui permettant ainsi de se protéger ou de se développer dans les meilleures conditions. »
En quelques mots, les tisanes …
« Plusieurs espèces de plantes, détenant d’incroyables vertus, sont récoltées à la belle saison, afin de soutenir la vigne tout au long de l’année. Ces plantes sont séchées la plupart du temps et stockées dans des sacs de toile ou des cartons, puis sont conservées dans la grange à l’abri de l’humidité. Préparées de manière spécifique, elles seront essentiellement pulvérisées sur le feuillage de la vigne ou sur le sol.
On y trouve entre autres de l’ortie pour favoriser la photosynthèse, du pissenlit pour son affinité avec la silice et le renforcement des tissus, de la valériane en prévention du gel, de l’achillée millefeuille et de la camomille pour accompagner la vigne dans la gestion du stress hydrique et des fortes chaleurs, ou encore de l’osier et de la prêle pour leurs propriétés asséchantes en cas de forte humidité, ce qui prévient partiellement des maladies cryptogamiques comme l’oïdium ou le fameux mildiou. La liste des plantes ressources en biodynamie est longue.
Les tisanes sont préparées dans un grand récipient d’eau porté à ébullition. Les préparations, très concentrées, sont ensuite filtrées et diluées dans l’eau de pluie. Elles peuvent parfois être dynamisées afin d’améliorer leurs effets. Utilisées à des doses homéopathiques de 100 g à l’hectare, elles offrent des résultats impressionnants. »
Des difficultés quant au traitement ?
« Traiter la vigne en bio ou en biodynamie nécessite une vigilance accrue et un travail intense, notamment en période de pluie, car l’humidité favorise les maladies. Il faut en effet traiter avant les pluies et renouveler le traitement après si les pluies ont excédé 25 mm. »
Il faut donc de sacrées connaissances sur les plantes du milieu qui vous entoure …
« Cette connaissance renforce le lien entre le vigneron et la nature, créant une symbiose et une compréhension de leur milieu de prédilection. Les plantes ne se développent pas sur un terrain par hasard, bien souvent elles poussent dans des conditions qui lui sont favorables. Cette observation du monde végétal est essentielle pour traduire l’état des sols car les plantes en sont le porte-parole. Celui qui sait observer dans le temps, chaque étape de la croissance, saura penser « vivant ». »
Domaine Marcel Deiss : en recherche constante pour réussir à constituer un « tout, harmonieux et juste »
Le domaine Marcel Deiss, icône alsacienne, est également précurseur en biodynamie, cultivant ses parcelles dans cette philosophie depuis 1997. Dans une quête perpétuelle de viticulture durable, le domaine a différentes approches : la complantation, la symbiose du lieu par les équilibres et la biodynamie.
« Nous observons, désarmés, que (…) les rivières se meurent, les températures augmentent et les cultures subissent. Cette situation qui est mise en lumière depuis peu, cela fait des années que nous, paysans, la constatons et essayons d’adapter notre travail pour continuer de survivre. C’est pourquoi, nous sommes sortis du cadre agro-cultural « standard » afin d’adapter au mieux notre matériel végétal aux nouveaux enjeux climatiques. »
A la vigne, la biodynamie s’inscrit dans un ensemble de pratiques utilisées. On note, parmi toutes ces pratiques :
- La mise en œuvre de préparâts biodynamiques
- L’utilisation exclusive de produits naturels (ortie, prèle, soufre, …) pour lutter contre les maladies, et donc l’exclusion totale des produits de synthèses hautement toxiques pour l’environnement (nappe phréatique, faune et flore périphérique) mais que l’on retrouve également dans les raisins et le vin
« Se réinventer pour mieux se retrouver, c’est cela finalement les nouveaux enjeux du métier de paysan. »
Voir les vins des domaines Barmès-Buecher et Marcel Deiss
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