Depuis quelques années, la thématique des pesticides dans le vin et particulièrement à Bordeaux, est devenu un sujet récurrent dans l’actualité et les médias spécialisés. Une étude de l’UFC Que Choisir vient de dresser un bilan plutôt positif de l’évolution des résidus de pesticides dans les vins de Bordeaux, puisque ces derniers ont été divisés par trois en moins de quatre ans.
Le magazine de consommateurs Que Choisir a publié fin décembre (N°565, janvier 2018) une enquête sur les pesticides et les vins de Bordeaux. L’association de consommateurs s’est intéressée à la teneur en résidus de pesticides de 40 vins rouges de Bordeaux, 38 crus classés et deux vins non classés, sur les millésimes 2014 et 2013. Une étude qui fait suite à un premier état des lieux effectué il y a quatre ans (UFC 518, octobre 2013) afin d’évaluer l’évolution. Ce premier test établi en 2013 portait sur 92 bouteilles en provenance de toute la France et avait démontré une contamination générale des vins et particulièrement de ceux du Sud-Ouest. A l’époque, 33 molécules différentes avaient été détectées, dont deux interdites en France. Par ailleurs les bouteilles contenaient en moyenne 268 μg/l de résidus. Aujourd’hui cette proportion est tombée à 91 μg/l aujourd’hui. Quatre ans plus tard, s’il reste des progrès à accomplir, on ne peut nier que la situation s’est déjà grandement améliorée et que les vins de Bordeaux sont sur la bonne voie.
Que dit cette étude sur les pesticides dans les vins de Bordeaux ?
L’étude a porté sur 177 molécules issues de pesticides, fongicides, herbicides ou insecticides. Le soufre et le cuivre par exemple, fongicides employés systématiquement quel que soit le type de viticulture n’ont pas été recherchés dans ce travail. Le résultat peut à première vue inquiéter : seuls trois vins ne sont pas « contaminés » ; les autres contiennent une à six des molécules recherchées (contre 14 il y a quatre ans). « Au total, 11 composés chimiques de synthèse différents ont été détectés » révèle l’étude. Précisons que les molécules en question ne sont ni cancérigènes, ni mutagènes ou reprotoxiques, ni considérées comme des perturbateurs endocriniens, à l’exception de l’iprodione, un fongicide présent « en très faible quantité » dans seulement trois vins et que pour les 40 vins analysés, aucun dépassement des limites maximales de résidus autorisées n’a été détecté.
Par comparaison avec la situation de 2013, les résultats sont en réalité positifs : en seulement 4 ans, la présence de pesticides dans les bouteilles de grands crus de Bordeaux a été divisée par plus de trois. « Trois bouteilles sans résidus sur 40 testées : ces résultats peuvent sembler inquiétants. Ils sont plutôt révélateurs d’efforts accomplis dans ce domaine« , affirme l’UFC-Que Choisir.
Pourtant, certains regrettent l’absence d’objectifs quantitatifs et de calendrier de réduction de l’usage des pesticides pour la filière, afin de poursuivre et d’accroître cette diminution des pesticides ; quoi qu’il en soit, les consommateurs comme les viticulteurs semblent avoir pris conscience de l’urgence de réduire les pesticides dans les vins, même si, rappelons-le, ces derniers sont avant tout nocifs pour les personnes qui manipulent ces produits à l’état pur (les viticulteurs)1. C’est d’ailleurs ce que souligne Pascal Chatonnet, chercheur, œnologue, viticulteur et directeur du laboratoire Excell : « Cette meilleure gestion [ndlr : de l’utilisation des pesticides] est motivée d’abord par une meilleure protection de l’utilisateur lui-même et des travailleurs du vignoble et ensuite par un plus grand respect de l’impact environnemental des traitements, que par une réduction de la toxicité du vin livré au consommateur qui, au grand dam des adeptes de la polémique, ne pouvait de toute façon être sérieusement mise en cause vu les teneurs en résidus mesurées.«
Quels sont les vins de Bordeaux qui s’en sortent le mieux selon cette étude ?
Les trois vins qui ne présentent aucune trace de pesticide sont les suivants : château Durfort-Vivens, Pontet-Canet et Clerc Milon. Les deux premiers sont des châteaux certifiés en biodynamie (Demeter, depuis 2016 pour Dufort-Vivens et Biodyvin depuis 2010 pour Pontet-Canet), tandis le château Clerc Milon ne dispose pas de certification mais combine des techniques de viticulture raisonnée, biologique et biodynamique. Nous avons eu l’occasion de goûter récemment, lors de Bordeaux Tasting, durfort-vivens 2016, un vin magnifique, d’une pureté et d’une finesse de grain tout simplement exceptionnelles !
Quatre autres vins ne contiennent que des traces trop faibles pour être quantifiées : château Beychevelle, Alter Ego de Palmer, et Malescot–Saint-Exupéry.
Les pesticides dans le vin, une fatalité ?
Tout d’abord, précisons qu’il n’existe aucun vin sans pesticide : même l’agriculture biologique et biodynamique utilisent des préparations phytosanitaires qui sont des pesticides. Plusieurs analyses ont prouvé la présence de traces et résidus de pesticides dans les vins bio2. De même, qui dit produit biologique ne signifie pas forcément produit sain pour la santé et pour l’environnement, mais seulement que le vin n’a été produit avec aucun produits chimiques de synthèse et sans OGM. Si le développement du bio et de la biodynamie est indéniablement un grand progrès pour la santé et pour la planète, cela ne signifie évidemment pas que tout ce qui est bio est sain et bon pour l’environnement et inversement.
L’utilisation du cuivre en est un exemple bien connu : à haute dose, ce dernier pollue les sols et les nappes phréatiques et porte atteinte à la biodiversité3, il est pourtant le seul produit efficace homologué dans la lutte biologique contre des maladies comme le mildiou, il est donc à utiliser avec parcimonie et intelligence. Cet exemple démontre certaines des limites du bio : la réglementation est encore grandement améliorable, souvent dans un sens plus restrictif, ou parfois au contraire vers plus de souplesse (on songe par exemple aux nombreux vignerons qui perdent leur certification à cause d’une seule utilisation de produit chimique jugée nécessaire pour sauver leur récolte).
La solution se trouve surtout dans une baisse maximale des pesticides quels qu’ils soient, avant tout pour protéger la santé des viticulteurs et l’environnement, puis pour diminuer au maximum les résidus dans le vin (même si leur impact est probablement très faible sur la santé). Comme le rappelle Pascal Chatonnet, « Il est certain aujourd’hui, comme nous l‘avions démontré autrefois, qu’il est parfaitement possible en sélectionnant les molécules les moins résiduaires et les moins agressives et en optimisant les programmes d’applications, d’obtenir une protection satisfaisante tout en atteignant des niveaux de résidus finalement extrêmement faibles voire même non détectables et que l’on peut attester scientifiquement.«
Cette étude de l’UFC Que Choisir devrait réjouir les amateurs de vin et calmer les ardeurs des « bordeaux bashers » Une nouvelle encourageante pour les vins de Bordeaux, donc, et une tendance qui devrait, espérons-le, se poursuivre dans les années à venir, comme le soulignait Allan Sichel, président du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux en commentant les chiffres de l’étude de l’association de consommateurs : « Ils vont dans le bon sens, mais il faudra s’assurer qu’ils s’inscrivent dans une tendance« .
1 In Sami Youakim, « Occupational health risks of wine industry workers« , BC Medical Journal
2 In » Des pesticides même dans le vin bio », 60millions-mag.com, 25/04/2012
3 In Gaëlle Berriau, » L’utilisation du cuivre en viticulture : réduction de doses, seuil de toxicité et réglementation« . L’agriculture biologique en Pays de la Loire – résultats de recherche, n°115, décembre 2012
Accéder au dossier de l’UFC Que Choisir « Comparatif Pesticides dans les vins de Bordeaux«
Voir le communiqué de presse du laboratoire Excell » Résidus de pesticides dans les vins : tempête dans un verre de Bordeaux ? Réaction et mise au point de Pascal Chatonnet«
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