soleil-minEn 2016 le soleil s’est longtemps fait attendre mais il est finalement venu. Mais quel est son influence sur le vin et sur son goût ? Qu’est-ce qui différencie un vin du nord  d’un vin du sud ? Que valent ces millésimes caniculaires ? On vous dit tout ou presque 🙂 .

Petit rappel sur la vigne

Avant tout chose, il est bon de rappeler que les arômes et les saveurs de vins proviennent : soit du raisin, soit de la fermentation, soit de l’élevage. Et c’est bien du cépage que vient la majorité de ce que vous sentez ou de ce que vous goûtez (chez les vignerons consciencieux du moins). Un vin qui sent la fleur blanche n’a pas macéré avec des fleurs. Le vigneron a simplement utilisé un cépage donnant ce profil organoleptique. L’évolution des techniques de vinification permet de corriger à la marge le gout final du vin, mais c’est toujours le raisin qui en est le principal responsable.

Or la vigne est une plante, et ses fruits ont besoin de soleil pour mûrir. Au fur et à mesure que les baies murissent, leur taux de sucre augmente. L’étape de vinification consiste par la suite à transformer à l’aide de levures le sucre contenu dans le jus en alcool. On parle de fermentation alcoolique.

Plus il y a de sucre contenu dans le jus, plus il y aura d’alcool dans le vin obtenu. On parle ainsi de degré potentiel alcoolique par raccourci lorsque l’on mesure la concentration de sucre contenu dans la baie.

vigneEt comme toutes les plantes, la vigne a besoin d’eau. Or l’arrosage des vignes est (à de très rares exceptions près) interdit en France. En effet, plus la vigne est contrainte, plus elle donne un vin concentré et complexe. La vigne va donc puiser profondément dans ses réserves pour trouver les éléments qui la conduiront à produite du vin. Mais en cas de sécheresse prolongée, on parle de « stress hydrique », la vigne ne pourra plus s’alimenter correctement, et les baies seront plus petites et paradoxalement moins mûres, la vigne délaissant ses fruits pour ne se concentrer que sur sa “survie”.

Schématiquement : sécheresse –> baies plus petites –> Quantité en baisse.

Il est toute fois plus facile d’agir dans les situations où l’ensoleillement est trop fort plutôt que trop faible.

Maturité physiologique et maturité phénolique

L’alcool dans un vin donne cette impression de chaleur en bouche. Pour qu’un vin soit réussi il doit, pour un vin blanc, comporter un taux d’acidité suffisant pour équilibrer son alcool. On parle de maturité physiologique pour désigner l’équilibre degré/acidité. Pour les vins rouges, il faut tenir compte d’un autre élément : les tanins. Ces molécules sont présentes, dans la peau, dans la rafle ou dans les pépins des raisins. En plus de la maturité physiologique, le vigneron doit prêter attention à la maturité phénolique pour les rouges qui détermine la qualité des matières colorantes (anthocyane) et des tanins (polyphénols). On dit aussi que la maturité phénolique est atteinte quand les pépins sont mûrs (et généralement de couleur foncée), et qu’en les goûtant ils ne sont presque plus âpres en bouche.

Le problème, c’est que ces deux maturités arrivent rarement au même moment. Un vin ayant atteint les 13 degrés potentiels sans avoir atteint la maturité phénolique donnera un vin aux tanins durs voire « verts ». Les années où l’ensoleillement a été trop faible, il est également possible que les deux maturités ne soient pas atteintes.

Et dans le verre ?

En dégustation à l’aveugle, c’est la première question à se poser : le vin est-il chaleureux ou est-il frais ? Si le vin est frais (sensation d’acidité en bouche), alors il est plus probable que celui-ci vienne du nord de la France. Si celui-ci est chaleureux, il est probable qu’il vienne du sud. L’encépagement est presque toujours adapté à la climatologie d’une région : par exemple, pour atteindre sa maturité, le pinot noir a besoin de moins de soleil que le cabernet. Dans les années marquées par un climat exceptionnel (très froid ou très chaud), un déséquilibre en acidité ou en alcool peut apparaitre.

Concrètement, un vin blanc du nord (Muscadet, Sauvignon de Loire, Bourgogne, Alsace etc ) va développer  au nez des arômes frais de fleurs blanches et d’agrumes. En bouche, l’acidité sera marquée. On obtient des vins « tendus ». Pour les blancs du sud, les arômes seront portés vers les fruits jaunes, les notes encaustiques (miel, cire etc), voire des arômes de garrigue. En bouche, ils seront plus charnus, plus « gras ». La finale peut-être très chaleureuse pour certain (vins à base de grenache blanc par exemple). Attention, les vins du sud ne sont pas « sucrés » contrairement à une idée répandue parmi les néophytes. Le sucre résiduel (donc non transformé en alcool) peut être obtenu également dans le nord comme dans le sud de la France.

Pour les rouges du nord, on retrouve généralement des arômes de petits fruits rouges (framboise, fraise des bois), en bouche l’acidité sera présente et la finale sera fraîche. Les rouges du sud seront généralement plus charpentés et plus chaleureux. Les arômes se portent davantage sur les fruits noirs (mûre, cassis). En bouche, l’alcool, plus présent, donne une impression de chaleur et de puissance (comme pour les châteauneufs par exemple). L’alcool donne parfois une sensation de sucrosité.

Comment les vignerons s’adaptent-ils ?

En cas de déficit de soleil, le premier moyen d’action est l’effeuillage. Plus on coupe les feuilles, plus on expose les raisins au soleil (mais l’effeuillage s’effectue généralement tôt dans l’été).

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Le deuxième moyen d’action est évidemment la date des vendanges.  On peut décider d’avancer celles-ci comme en 2016 lorsque la maturité physiologique est atteinte. On peut au contraire décider de la décaler en cas contraire. Ce choix s’est révélé payant en 2014 avec le magnifique été indien que l’on a connu. Mais ce pari peut s’avérer risqué : en cas de pluie ou de chute des températures, les raisins peuvent finir par être attaqués par la pourriture.  Certains vignerons comme Gauby dans le Roussillon ont fait le choix de systématiquement vendanger très tôt pour obtenir des vins plus légers, plus délicats et moins chargés en alcool. La difficulté est alors d’obtenir une maturité phénolique suffisante…

La vendange peut s’effectuer en plusieurs passages pour obtenir une maturité parfaite. Enfin le tri est une autre clé. Les baies en sous ou sur-maturité doivent être écartées. C’est précisément dans les millésimes extrêmes que les différences entre les domaines se creusent.

Enfin, la vinification est l’ultime opportunité pour un vigneron de corriger le profil d’un vin. Il peut plus ou moins prolonger ses vinification afin d’extraire plus ou moins de matière, il peut favoriser aussi ou pas la fermentation malolactique. Elle intervient après la fermentation alcoolique et a pour effet de diminuer l’acidité d’un vin en transformant l’acide malique en acide lactique, moins perceptible. Les vignerons procèdent généralement à celle-ci pour les vins rouges et les vins blancs du nord de la France. En cas de conditions exceptionnelles, le vigneron peut décider de bloquer cette seconde fermentation pour conserver davantage d’acidité.

Le réchauffement climatique : chance ou menace ?

On serait tenté de dire, ça dépend ! De manière générale, un vigneron a plus de moyen d’action lors des millésimes trop chauds que trop froids. Le réchauffement climatique est tout de même une chance pour les vignobles septentrionaux. On pense notamment à l’Angleterre qui imagine ses vignobles calcaires du sud comme la future Champagne. Aubert de Villaine, propriétaire de la Romanée-Conti y voyait également une chance en Bourgogne. Cela permettrait d’avoir moins de millésimes où la maturité est insuffisante, ce qui arrive assez régulièrement dans les vignobles français les plus septentrionaux.

La question se pose cependant pour les vignobles méridionaux qui pourraient être menacés à l’avenir. Les conséquences du réchauffement climatique se font terriblement sentir à Banyuls notamment, où de nombreuses expérimentations ont été menées. Les vins ont en effet gagné 1 degré d’alcool tous les 10 ans depuis 30 ans. Les vendanges commençaient dans les années 1980 mi-septembre, elles ont désormais lieues au début du mois. Et vendanger sous des températures hautes peut s’avérer néfaste pour la qualité des raisins (oxydation prématurée des vins blancs etc.).

Une solution radicale consisterait à changer l’encépagement dans ces régions… Mais avant cela, le choix des clones supportant mieux les hautes températures pourrait s’avérer salvateur. L’INRA travaille actuellement sur des solutions de viticulture et de vinification pour tenter d’abaisser le niveau d’alcool, chose impensable, il y a encore 30 ans.  Il faut dans tous les cas souhaiter que le réchauffement climatique ne dépasse pas 2 degrés si l’on veut que les vignobles méridionaux survivent tous.

Les millésimes solaires : à fuir ou à acheter ?

Le dernier exemple en date est le millésime 2003. Celui-ci avait été porté aux nues à Bordeaux. Et pourtant, de nombreux vins se trouvent aujourd’hui complètement « cuits », évoluant sur le pruneau, manquant d’acidité etc. Mais le millésime 2003 n’est pas à enterrer loin de là. Les résultats y sont contrastés mais il existe des vins absolument superbes. On pourra choisir des vins avec des terroirs plus froids : Saint-Estèphe a profité par exemple d’un sol argileux qui agit comme une un grand réservoir hydrique.

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Vue sur l’estuaire de la Gironde du château Phélan-Ségur

Ces millésimes solaires consacrent généralement les grands domaines. D’une part, parce que l’âge moyen des vignes y est plus élevé : les racines peuvent puiser de l’eau plus profondément. Et parce que ces domaines acceptent de voir leurs rendements diminuer en triant drastiquement les baies. Enfin, certains grands terroirs bénéficient d’une situation géographique plus favorable. On dit dans le Médoc que les grands châteaux sont ceux qui voient la « rivière ». En effet, la proximité avec la Gironde offre à Latour, Las-Cases, Pichon-Comtesse, Calon-Ségur, Phélan etc. un climat plus tempéré que dans les terres, que ce soit l’hiver pour protéger leurs vignes du gel ou l’été lors des grandes chaleurs…

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