Vous souvenez-vous de notre article d’avril dernier au sujet des gelées printanières qui avaient alors touché le vignoble français dans sa presque totalité ? Le ministère de l’Agriculture avait alors parlé de « la plus grande catastrophe agronomique » du siècle, des « centaines de milliers d’hectares impactés ». A la veille des vendanges (certains ont d’ailleurs déjà le sécateur en main), nous avons souhaité prendre des nouvelles de nos domaines partenaires et vous proposer un nouveau tour de France des vignobles.
Gel, mais aussi maladies de la vigne
Le ministère de l’Agriculture proposait début septembre une nouvelle estimation du niveau de la production française de vin de ce millésime 2021 : elle devrait chuter de 29 % par rapport à 2020, environ à 33,3 millions d’hectolitres en tout. Agreste, le service statistique du ministère, confirmait alors que cette production sera « historiquement basse », de l’ordre de 25 % inférieure à la moyenne des récoltes des cinq dernières années, soit plus basse encore que les années 1991 et 2017, elles même impactées par ces aléas climatiques. La faute à qui ? Au gel d’avril bien sûr, alors que beaucoup de bourgeons étaient déjà sortis, mais aussi à l’été humide, propice au développement des maladies (mildiou et oïdium). Cette année, contrairement au millésime 2020, les vendanges sont bien tardives.
Nous avons souhaité prendre des nouvelles de nos domaines partenaires, l’occasion de faire un focus sur les différentes régions françaises touchées par ces désastres environnementaux.
Bordeaux
Si en avril, toutes les appellations de Bordeaux avaient été impactées par le gel, le vignoble est plutôt optimiste par rapport à des vendanges 2021 déjà amorcées dans certains domaines : les premiers blancs sont récoltés depuis le 6 septembre, pour les rouges ce sera autour du 15-25 septembre. Bernard Farges, président du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux, a pu ainsi confier à l’AFP qu’il s’agissait pour la date de vendange d’une sorte de retour à la normale par rapport à 2020 et aux années très avancées. Après le gel de printemps, les vignerons ont également eu à faire à des attaques de mildiou « encore plus agressives sur les parcelles gelées » précise Bernard Farges, mais aussi pour certains aux cicadelles vertes et au développement du botrytis. Pourtant, les raisins survivants à ces différents aléas sont magnifiques et promettent un millésime de très haute qualité. Les blancs, notamment, doivent à la fraîcheur estivale leur très belle aromatique.
Voici quelques nouvelles de nos domaines…
A Sauternes, le château Guiraud, qui a débuté ses vendanges le 9 septembre, confirme que l’acidité des baies « est belle, l’aromatique est enivrante ». Au mois d’aout dernier, le château Climens partageait sur ses réseaux cette belle photo de raisins en pleine véraison : « Dame Nature fait son travail, doucement… »
De même, le château Grand Corbin Despagne à Saint-Emilion confirmait en mai, un mois après le gel dévastateur : « nous sommes heureux de voir apparaître dans notre vignoble les inflorescences, nos futures grappes porteuses du millésime 2021 à venir… », tout comme le château Siran à Margaux au mois de juin « les grappes fleurissent au Château Siran ».
Bourgogne
Nous parlions en avril d’un « véritable désastre » pour cette région qui a en effet été, finalement, l’une des plus touchées par le gel. L’on pense notamment aux vignerons de l’Auxerrois et de Chablis qui ont certainement été les moins épargnés. Dans certaines parcelles, des pieds sont complètement dépouillés de grappes quand leurs voisins en sont remplis, le constat est donc très hétérogène. Encore une fois, en plus du gel, le mildiou a lui aussi été dévastateur, accompagné d’un mois de juillet qui a été parmi les dix les plus arrosés sur la période 1959-2021 d’après Météo France. Ainsi, comme le dit Eric Pilatte, œnologue conseil en Bourgogne, « c’est septembre qui fera le vin ». Le millésime 2021 ? Si septembre continue sur cette lancée, il sera qualitatif. La quantité, elle, n’est pas de la partie, certains vignerons ayant perdus jusqu’à 80% de leur récolte.
Rendez-vous en Côte d’Or pour constater de vous-même les jolies photos de fleurs et de grappes de nos domaines partenaires, le domaine Heresztyn-Mazzini à Gevrey-Chambertin, le domaine Hubert Lamy à Saint-Aubin, et le domaine Vincent Dureuil-Janthial à Rully qui ajoute que « la vigne est forte…. Ce jeune bourgeon sort 2 mois après le gel ».
Vallée du Rhône
La vallée du Rhône est, elle aussi, une des régions les plus affectées par le gel, mais aussi par les maladies. Les dates de vendanges reviennent à la normale autour de mi-septembre pour le domaine Clusel Roch. Le domaine Alain Voge, installé à Cornas, attachait début juin les premières repousses de vignes gelées sur le lieu-dit Hongrie, à Saint-Péray.
La maison Chapoutier, à Tain-l’Hermitage, témoignait également au mois d’aout : « Avec la véraison qui se termine, la maturation se poursuit pour nos grappes de syrah sur la colline de l’Hermitage. C’est une année particulière durant laquelle nos équipes se sont mobilisées et ont suivi attentivement l’évolution de la vigne. Effeuillage, écimage, débroussaillage…tout a été mis en place pour accompagner la maturation des grappes de raisin jusqu’aux vendanges, qui devraient normalement débuter à la mi-septembre. »
Champagne
En Champagne, c’est le mot « hétérogène » qui caractérise au mieux la récolte dans ce vignoble. En effet, près de trois semaines sépareront le début des vendanges entre les appellations les plus précoces et les plus tardives, un écart de maturation exceptionnel, également selon les cépages. Maxime Toubart, co-président du Comité Champagne, nous rassure : « la filière s’organise pour aider ses acteurs à récolter dans les meilleures conditions et garantir ainsi la meilleure qualité de raisin ». Ceci peut s’expliquer par le gel bien entendu, mais aussi le mildiou qui est sans doute responsable de près de la moitié des pertes, ainsi que quelques épisodes de grêle. Si la quantité n’est pas au rendez-vous, la qualité, elle, sera de mise.
Parmi nos domaines partenaires, nous sommes heureux de vous montrer ce joli cliché du domaine Larmandier-Bernier publiée au mois de juin 2021.
Vallée de la Loire
Même constat dans la vallée de la Loire, où les maladies ont exercé une forte pression essentiellement sur le feuillage. Dans le Muscadet par exemple, les vendanges auront lieu quasiment trois semaines plus tard que l’an dernier, soit pas avant la mi-septembre, elles commencent ces jours-ci dans le Maine-et-Loire.
Le domaine Belargus nous a fait part de son témoignage, ce sont les mots d’Ivan Massonnat : « Saison hyper éprouvante pour les équipes. Sur nos quatre millésimes, c’est de loin le plus fatiguant… et ce n’est pas fini. On croise les doigts pour le résultat final. Dans cette dernière ligne droite on est plutôt heureux : après le gel, le chenin a bien « relamé » (comme on dit en Anjou) et la 2ème génération de bourgeons a été correctement fructifère. On espère faire au moins 1/3 de la récolte. Ensuite bien sûr, le challenge a été la fin du printemps et le début de l’été, ultra-pluvieux… (avec des alternances chaleur-pluie). Cela a eu deux principales conséquences : beaucoup d’herbe dans les vignes et la pression des maladies. Au final, on aura bien résisté au mildiou ! »
Voici également quelques clichés d’autres domaines partenaires : la Coulée de Serrant et ses fleurs, et la véraison au domaine Fouassier à Sancerre.
Languedoc-Roussillon
Dans le Languedoc-Roussillon, ce n’est qu’une petite semaine qui sépare la date des vendanges 2021 de celle de 2020. Si la qualité est au rendez-vous, la quantité a été amputée par le gel, c’est tout simplement la plus faible de ces dix dernières années, avec 8,5 millions d’hl. Au Mas de Daumas Gassac, les vendanges ont commencé : « nous avons récolté plusieurs cépages rouges précoces qui donnent déjà au rosé une couleur éclatante ! Nous débutons par la récolte du rosé, entourés d’une équipe de 37 vendangeurs ! La récolte est rare, le gel a eu un fort impact et chaque grappe compte ! ». En juin le domaine partageait une photo de la floraison : « nous avons eu un printemps particulièrement frais cette année, ce qui a engendré un développement tardif de la vigne. En effet, les premières fleurs de chardonnay ont éclos avec 14 jours de retard par rapport au millésime 2020 ! »
Le Jura et l’Alsace
Dans le Jura, c’est vers le 15 septembre que les vendanges devraient commencer, une « année particulièrement tardive » selon la société de viticulture du Jura. La cause ? Gel, froid, manque de lumière, grêle, pluies et glissement de terrain… Un véritable chaos, qui a entraîné le développement du mildiou dans presque tous les vignobles. Le gel d’avril a touché la région dans les premières de France.
Le domaine Berthet Bondet témoignait en juin de son désespoir face à ce déferlement « tragédie en 3 actes. Acte 1 : avril – trois nuits de gel. Acte 2 : grêle en juin. Acte 3 : attaque de mildiou. J’aimerais zapper, changer de chaîne ou d’épisode… Mais il faudra bien aller jusqu’au bout, tenir le coup » mais gardait tout de même le sourire : « la nature est bien cruelle en ce moment avec nous, mais quand même toujours belle ». Nous sommes heureux de voir leurs premières photos de vendanges.
Si l’Alsace était alors peu touchée par le gel, le domaine Bott Geyl nous fait part de sa difficulté à faire face au mildiou : « nous estimons une perte de 50 à 70%, en grande partie sur les pinots gris, pinots auxerrois et les chardonnays. Les rieslings et gewurztraminers ont été, entre guillemets, un peu plus « épargnés » mais la perte estimée est tout de même considérable (environ 30 à 50%). Les vendanges débuteront fin septembre, nous espérons ne pas avoir d’orages ou trop de pluie d’ici là, pour assurer la qualité des baies restantes. »
Beaujolais
Dans le Beaujolais, c’est un temps à la fois sec et ensoleillé qui a permis aux grappes de chardonnay et de gamay de terminer leur maturation pour être vendangées respectivement autour du 11 et du 13 septembre pour les premiers domaines. L’Inter Beaujolais précise : « suite aux épisodes de gel et de grêle, les grappes observées sur le terrain sont petites et laissent présager une récolte quantitativement faible, avec une baisse de 30 à 50% sur la moyenne des cinq dernières années ». Pour reprendre les mots de Daniel Bulliat, son président : « l’année 2021 restera dans les annales de tous les extrêmes. »
Marc Delienne est revenu pour iDealwine sur cette année intense : « Nous abordons les vendanges après une année marquée par un gel printanier, des précipitations exceptionnelles durant la première partie de l’été, des températures relativement fraîches et un ensoleillement moyen. La pression des maladies cryptogamiques a été très importante et constante. Nous avons réussi à maintenir la vigne dans un état sanitaire correct au prix d’un engagement exceptionnel des hommes et des femmes. Nous sommes aujourd’hui dans la dernière ligne droite, les vendanges devraient débuter entre le 15 et le 20 septembre prochains. La récolte sera moyenne en volume compte tenu de toutes les calamités auxquelles on a dû faire face. Il n’est pas interdit aujourd’hui de rêver à une récolte de grande qualité, la météo de la dernière semaine sera évidemment déterminante. »
Le domaine Marcel Lapierre a diffusé ce cliché de début de récolte « notre équipe a fait le maximum, maintenant nous attendons les vendanges ».
Provence
La Provence a non seulement bravé le gel mais aussi les flammes, qui ont dévasté le Var au mois d’août. Ce ne sont pas moins de 7.000 hectares qui ont ainsi été impactés, ce qui amène le directeur du Conseil interprofessionnel des vins de Provence, Brice Eymard de parler d’une « petite année ». Voici au mois d’aout les raisins du domaine des Garcinières.
Sud-Ouest
L’on reprend le même refrain dans le Sud-Ouest : gel et mildiou sont synonymes de petite récolte, pas si précoce par rapport aux années précédentes.
Le Tour des Gendres publiait en juin cette photo de fleurs, avant de nous faire part des premiers clichés de ses vendanges.
Quant au Clos Triguedina, il nous assure d’un millésime 2021 de qualité : « nous pouvons vous dire que nous avons le double privilège d’avoir une récolte 2021 globalement épargnée par le gel du mois d’avril et dans l’ensemble dans un bel état sanitaire malgré la pression des maladies à cause de la météo pluvieuse du printemps et de l’été. Actuellement nous peaufinons les travaux manuels de finition voire de dentelle dans nos vignes dans le but de rechercher la meilleure maturité possible. Nous préparons au mieux nos vignes (raisins bien dégagés, vignes bien effeuillées) pour qu’elles donnent le meilleur quand le temps proche des vendanges arrivera d’ici la fin du mois de septembre. Un seul critère compte : faire passionnément de beaux raisins pour faire de grands vins. »
Et après ? Qu’en est-il de l’avenir de la filière ?
Face au changement climatique, la FNSEA, Convention collective nationale de la production agricole, réclame une véritable réforme de l’assurance récolte. Elle est devenue urgente, promise fin juillet par le ministère de l’Agriculture. L’idée est de revoir le système d’indemnisation des pertes de récolte face à des années de plus en plus touchées par ces aléas climatiques. A suivre donc…
L’équipe iDealwine, solidaire de tous les vignerons, tient à leur exprimer son soutien et ses encouragements pour les vendanges de cette année 2021. Nous sommes à vos côtés !