DBR-Evangile-lutte-dereglement-climatique

Suite de notre saga consacrée à la R&D des Domaines Barons de Rothschild. Nous vous présentons ici des projets concernant l’adaptation au changement climatique, au coeur de la stratégie du groupe.

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Les Domaines Barons de Rothschild à la pointe de la recherche et développement – Partie 1/4

Les Domaines Barons de Rothschild à la pointe de la recherche et développement – Partie 3/4

Les Domaines Barons de Rothschild à la pointe de la R&D – Les vinifications (4/4)

Une approche ouverte et curieuse de la biodynamie

La semaine dernière, nous vous introduisions la complexité du sujet de rechercher et développement au sein des Domaines Barons de Rothschild ; cette semaine, nous vous proposons de voir plus en détail leurs projets concernant le réchauffement climatique.

Juliette Couderc, Directrice Technique du château L’Evangile, nous explique qu’environ 60% du temps consacré à la R&D à Château l’Evangile, concerne des projets en lien avec l’adaptation au dérèglement climatique, notamment autour des contraintes hydriques au vignoble, réflexion sur des encépagements plus adaptés ainsi que des pratiques culturales et œnologiques pour conserver la fraîcheur et densité des vins de Pomerol.

Lutter contre le stress hydrique

Au sein du groupe, le château l’Evangile est particulièrement concerné par le sujet du stress hydrique puisque Pomerol est l’appellation la plus chaude du Bordelais (la plus précoce). Par ailleurs la nature des sols, composés en partie de graves peu argileuses, ne contribue pas à conserver l’eau, qui constitue pourtant une ressource précieuse pour le merlot, cépage roi sur cette rive. De plus les vignes du château sont en moyenne assez jeunes (moins de 20 ans), possédant un système racinaire moins développé et une résistance aux contraintes hydriques moindres. A l’inverse, Manuela Brando nous explique que ce sujet ne concerne – pour l’heure – que très peu le château Lafite, peu soumis au stress hydrique grâce à son terroir : les terrasses de graves reposent sur un sous-sol argileux qui fait office de ‘tampon’ ; il stocke l’eau en excès et en restitue en cas de sécheresse. L’encépagement compte également, le cabernet étant plus résistant à la sécheresse que le merlot.

  • L’enherbement le plus adapté possible

Comme dans de plus en plus d’exploitations agricoles (viticoles ou non), l’agroécologie est l’une des préoccupations centrales et l’enherbement en constitue l’une des bases, tout en étant un outil dans l’adaptation au changement climatique.  En effet, des études ont montré que si, dans un premier temps, les vignes enherbées sont soumises à un stress hydrique plus important et surtout plus précoce que les vignes aux sols travaillés mécaniquement (puisque l’herbe va puiser de l’eau elle aussi), cette concurrence pour l’eau est tout de même en partie compensée par une meilleure infiltration de l’eau et donc une meilleure recharge du profil hydrique des sols pendant les périodes humides. Toutefois, à partir de la floraison, ces herbes vont transpirer et donc laisser s’évaporer une partie de l’eau qui ne sera plus disponible pour la vigne (les vignes enherbées ont donc à ce moment-là plus de stress hydrique que les vignes désherbées) et ce, jusqu’à avant la véraison. A partir de ce moment, la contrainte hydrique s’intensifie de façon plus importante, voire plus vite dans les vignes désherbées mécaniquement, puisque les vignes enherbées auront une surface foliaire plus faible que les autres (du fait de la contrainte hydrique précédente, de la concurrence amenant une croissance modérée) et auront également une meilleure régulation de la transpiration (grâce au stress hydrique antérieur progressif). En plus de son action sur l’eau, l’enherbement a surtout pour vertu de ramener de la vie et des écosystèmes complexes dans les vignes, d’y permettre de constituer un réservoir biologique, notamment pour les insectes dont certains aideront à lutter contre certaines maladies et à structurer le sol qui retiendra plus d’eau dans sa microporosité.

Enherbement-chateau-Evangile

Juliette Couderc nous confie d’ailleurs à quel point leur conception a évolué sur ce sujet, considérant désormais l’enherbement comme un auxiliaire, un véritable allié, alors qu’il l’était auparavant considéré comme un ennemi, de la mauvaise herbe, un « taux de salissure » (couverture des adventices) comme ils l’ont appris durant leurs études !

La directrice technique de l’Evangile nous expliquait ainsi qu’au contraire, aujourd’hui, les équipes observent très attentivement les herbes qui poussent naturellement entre les vignes notamment pour pouvoir en déduire le type d’insectes qui y évoluent, mais aussi pour en déduire des informations sur la parcelle (humidité, composition des sols…). Surtout, depuis quelques temps, des semis des plantes qui leur semblent intéressantes à avoir entre les vignes sont effectués. Ils font appel à une botaniste qui étudie les parcelles et effectue des relevés floristiques (inventaire des espèces végétales présentes dans un terrain donné), regarde si la flore locale et cohérente avec le type de sol (ces plantes utilisent-elles beaucoup d’eau ou non ?…) et les relie aux problématiques de la parcelle donnée (y’a-t-il une problématique de rendement, de stress hydrique, de vigueur ?…). Il faut dire que les équipes ont cartographié précisément toutes les parcelles et leurs sols. Des pratiques d’autant plus nécessaires aujourd’hui que l’appellation Pomerol a interdit le désherbage chimique.

Le château Duhart Milon, a conservé en 2021 l’enherbement (naturel ou semis) sur près de la moitié du vignoble quand le désherbage mécanique était de rigueur auparavant.

  • Diminuer l’évaporation de l’eau dans les sols et les vignes

Si le stress hydrique est un sujet d’importance au château l’Evangile, elle l’est beaucoup moins au château Lafite Rothschild du fait de la nature des sols. Différentes solutions sont actuellement testées au château  l’Evangile pour lutter contre l’évapotranspiration des plantes et l’évaporation de l’eau présente dans les sols (dont l’enherbement comme nous l’avons vu). Ainsi, pour retenir l’eau dans les sols, sur quelques rangs sont testés le paillage (paille biodynamique !), puis, sur d’autres, le chanvre comparés au travail des sols, témoin de l’expérimentation. Puis, l’équipe suit l’humidité  dans les sols avec des sondes et le stress hydrique que subit la plante par mesure du potentiel hydrique. Impossible de vous dévoiler les résultats de cette étude pour le moment puisqu’elle est encore en cours, mais nous avons hâte d’en savoir plus !

Paillage-chateau-Evangile

Concernant l’évapotranspiration des vignes, sur certains rangs de vignes, la hauteur du palissage est réduite afin de constater d’éventuels impacts significatifs sur la question (moins il y a de feuilles, moins il y a de surface transpirante). Les équipes de l’Evangile s’essayent également aux aspersions d’argile qui agissent à peu près comme une crème solaire sur les feuilles, mais aussi de biostimulants à base d’algues. Elles mesurent ensuite la pression interne au sein du végétal, reliée à son état de contrainte hydrique, avec une chambre à pression pour déterminer le  » potentiel de tige « . Les résultats sont ensuite couplés en cas de stress hydrique fort avec ceux mesurés dans le milieu de la nuit, lorsque la plante ne transpire plus.

Remettre en question l’encépagement classique et historique

Concernant l’encépagement, Château l’Evangile est planté comme le veut la tradition de la rive droite : en majorité de merlot (environ 80%), complété par du cabernet franc (20%), mais aussi un peu de cabernet-sauvignon, cépage intéressant à suivre au sein de l’appellation, pour sa meilleure résistance au déficit d’eau.. Au château Lafite, il est prévu de planter différents cépages étrangers sur une future parcelle expérimentale et d’analyser leur adaptation.

Apporter de la fraîcheur aux vins

Enfin, le réchauffement climatique a naturellement pour conséquence d’augmenter le degré alcoolique des vins et de diminuer leur acidité. Plusieurs actions sont mises en place en ce sens. A commencer par les vendanges menées en sélections intra-parcellaires pour récolter à juste maturité, effectuées par des équipes de vendangeurs bien formées et réactives (une grande partie des vendangeurs revient d’ailleurs chaque année). Une fois récoltés, les raisins sont stockés en chambre froide toute une nuit, afin de limiter l’oxydation et conserver ainsi des arômes au fruit le plus éclatant possible. Les vinifications sont ensuite réalisées à 27-28°C.

Le prochain article s’intéressera à la R&D en matière de biodynamie et d’impact environnemental et sanitaire.

Lire l’article « Les Domaines Barons de Rothschild à la pointe de la recherche et développement – Partie 1/4 »

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