Domaine Gauby Celui qui n’aurait plus dégusté les vins du domaine Gauby depuis une bonne dizaine d’année ne reconnaîtrait sans doute pas la production actuelle. La grosse artillerie des vins extraits et plantureux a laissé la place à la musique délicate de vins toujours concentrés, mais désormais fins et élégants.

Un amateur qui goûterait en parallèle une cuvée Muntada du domaine Gauby dans le millésime 1998 et dans le millésime 2010 aurait sans doute du mal à imaginer qu’il s’agit du même vin, produit par le même vigneron… Le 1998 est un vin à large majorité de syrah très mûre, relativement extrait, très puissant et “bodybuildé” avec une certaine ostentation dans son élevage. Un style qui, il faut le reconnaître, plaisait à l’époque, puisque le domaine  s’est fait connaître internationalement sur la réputation de cette cuvée (déjà vendue relativement cher). La version 2010 est produite avec une majorité de très vieux carignans complétés de grenache et d’une pointe de syrah. Le vin est aérien, très délicat, évoque un style bourguignon, reste très frais en bouche, tout en ayant une incroyable présence. Aussi éloignés l’un de l’autre qu’un châteauneuf-du-pape “moderne” (style la cuvée La Combe des Fous du Clos Saint-Jean pour ceux qui connaissent) et un musigny de Jacques-Frédéric Mugnier.

C’est au milieu des années 2000 que Gérard Gauby a eu envie de changer quelque chose dans sa façon de faire, et avec le meilleur prétexte du monde : il n’avait tout simplement plus envie de boire ses propres vins ! Lui qui avait été le pionnier dans la reconnaissance de la valeur des vins du Roussillon sera une fois encore un précurseur dans cette nouvelle façon de concevoir les rouges et les blancs de l’appellation : éviter la surmaturité, vinifier en infusion plus qu’en extraction, modérer le bois dans ses élevages. Aujourd’hui, avec son fils Lionel, il fait une nouvelle fois école, même si c’est à l’opposé du mouvement qu’il avait entrainé il y a une quinzaine d’années !

Dans leur façon de faire le vin, les Gauby ont donc considérablement évolué durant les années 2000, produisant maintenant des vins plus fins et plus frais qui ont parfois dérouté les clients de la première heure, mais qui sont considérés aujourd’hui comme des modèles d’évolution en Roussillon. Par exemple les Gauby n’éraflent plus leur vendange. Ils conservent donc les rafles pendant la fermentation alcoolique ce qui implique une parfaite maturité de celles-ci pour ne pas apporter de notes végétales mais au contraire des notes mentholées et fraiches. Ils recherchent également des fermentations alcooliques rapides pour éviter un excès d’extraction et limitent les pigeages pour la même raison. Ils se servent de cuves pour les fermentations et les élevages et ont réduit l’usage de barriques, demi-muids et foudres. Il n’y a plus que 10 % de barriques neuves et le domaine utilise aujourd’hui essentiellement des foudres et demi-muids. Certains proviennent de la tonnellerie autrichienne Franz Stockinger (la Rolls de la tonnellerie) qui sèche ses bois pendant une durée de 4 années au lieu des 12 à 18 mois habituels. La tendance est également à la réduction de la durée des élevages pour conserver le fruit des vins et ne pas risquer de les faner.

L’évolution radicale du style des vins a fait couler beaucoup d’encre car il est très rare qu’un domaine au sommet de sa notoriété remette en cause les recettes mêmes de son succès. Et pourtant il devient de plus en plus évident aujourd’hui que le domaine garde en réalité une longueur d’avance, les amateurs étant de plus en plus sensibles à la finesse et à la délicatesse. Le vin se boit avant tout à table, pas en dégustation. Et à table, les vins excessifs fatiguent bien trop vite le palais et les bouteilles se vident moins vite… En ce sens le travail des Gauby reste donc exemplaire même s’il est quelque peu iconoclaste. Mais les grands vignerons bousculent toujours un peu les habitudes…

Gauby Côtes Catalanes

 Gauby Les Calcinaires

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