Ils s’appellent Raphaël Bérêche, Fred Savart, Aurélien Suenen, Fabrice Pouillon, Aurélien Laherte, Etienne Calsac et Pierre Péters et ils forment la nouvelle (et moins nouvelle) génération de producteurs de grands champagnes de vigneron. Nous avons eu la chance de leur rendre visite dans leur fief. Récit.
Mardi et mercredi derniers, Elsa et Raphaël, de l’équipe iDealwine, se sont rendus en Champagne, pour rendre visite à une partie de nos vignerons partenaires favoris, en compagnie de Loïc, notre agent Vinhop. Deux jours magiques de visites, d’échanges passionnants et de sublimes dégustations, grâce à des vignerons ultra accueillants. En bref, le genre de journées qui nous rappellent pourquoi on fait ce métier et pourquoi on est fous de vins !
Bérêche, Laherte, Savart, Suenen, Pouillon : les nouvelles « stars » champenoises
C’est bien avec de grands guillemets qu’il faut utiliser le mot « star » pour ces vignerons, car mis à part la notoriété et la reconnaissance, ils n’en partagent pas beaucoup de caractéristiques ! On peut même dire qu’on a été surpris de rencontrer des vignerons aussi abordables, simples, humbles et si sympathiques et généreux. On connaissait bien sûr leurs champagnes que nous apprécions tant, mais la rencontre avec ces producteurs géniaux rajoute désormais un petit supplément à nos dégustations. C’est un peu comme ces rares personnes très intelligentes qui restent humbles tout naturellement : ça force l’admiration. On a affaire là à de grands passionnés de vins de toutes les régions, des vignerons qui regardent et goûtent ce qui se fait de meilleur un peu partout, en témoignent leurs wall of fame, ornés de grandes bouteilles qui font rêver tous les amateurs de vins.
Ces vignerons sont aussi très préoccupés et investis dans les questions concernant l’avenir de la Champagne, les nouvelles réglementations de baisse de la production… Ils participent à de nombreuses réunions et travaux, dans l’espoir d’influencer positivement les décisions et de dessiner un modèle général ou primerait plus la qualité et les pratiques respectueuses des terroirs. Petit résumé de nos visites.
Les champagnes Bérêche et Fils
On commence notre tour champenois en beauté avec les champagnes Bérêche et Fils. On ne peut pas vraiment parler de nouveau domaine pour les champagnes Bérêche, puisque Raphaël et son frère Vincent représentent la 7e génération à la tête du vignoble familial (domaine créé en 1847). Chaque génération a eu à cœur d’agrandir progressivement le vignoble, jusqu’à 10 hectares aujourd’hui. Ils ont aussi développé une activité de négoce en complément, pour pouvoir vinifier certains grands crus, mais le but et bel et bien de poursuivre l’agrandissement afin de progressivement délaisser l’activité de négoce.
Le vignoble, situé au nord-ouest de la Montagne de Reims se trouve vraiment dans la Champagne crayeuse. Il est travaillé de manière naturelle et dans une démarche proche de la bio, sans herbicides depuis 20 ans, avec des traitements de contact (sauf exception) ; les sols sont entretenus, les rangs enherbés. En cave, les vinifications sont parcellaires et les fermentations lentes, spontanées (levures indigènes) et en fûts de 1 à 7 vins pour ne pas marquer les vins. La malolactique se fait naturellement, à l’été. L’élevage sur lies se poursuit en fûts et en demi-muids avec très peu de bâtonnages et dure entre 3 et 8 ans. Enfin, la prise de mousse se fait sous bouchon liège (et non sous capsule comme c’est le cas la plupart du temps), afin que les vins respirent, qu’il y ait des échanges d’oxygène. Cela permet d’intégrer le bois et d’obtenir des bulles plus légères, plus douces et une texture crémeuse, des bulles élégantes qui ne passent pas au premier plan et laissent pleinement s’exprimer le vin et son terroir. Nous avons d’ailleurs fait une dégustation comparative d’un même champagne Bérêche, l’un en tirage capsule et l’autre liège, et le résultat était bluffant, avec un sérieux avantage au liège, beaucoup plus net et séduisant. Enfin, les vins ne sont pas filtrés.
Nous avons été extrêmement gâtés pour la dégustation avec une bonne 10aine de cuvées à découvrir. Nous avons adoré la fraîcheur minérale, fumée et saline des chardonnays (mais sans jamais d’excès dans la droiture et le tranchant), la gourmandise et le fruité des pinots, les belles maturités, l’élégance, la plénitude et l’équilibre de ces champagnes. Le dosage est très juste et intégré. De très grands champagnes de gastronomie, qu’il ne faut pas hésiter à faire vieillir.
Les champagnes Frédéric Savart
Notre deuxième visite de la journée se passait chez Frédéric Savart. Ici, pas de chais pimpants et flambant neufs, on est reçu dans son garage, au milieu de cadavres exquis de grands vins qui nous mettent des étoiles dans les yeux, c’est simple et convivial et c’est très bien comme ça. Encore une belle dégustation en perspective et pourtant, Fred parle de tout sauf de ses vins, on ne peut vraiment pas dire qu’il soit mégalo !
Le domaine est situé à Écueil, premier cru de la montagne de Reims et Villiers-aux-Nœuds. Frédéric Savart représente la 3e génération de sa famille à la tête du domaine. Le vignoble s’étend sur 4 hectares, plantés en grande majorité de pinot noir, avec quelques très vieilles vignes et une majorité de sélections massales (historiquement greffées directement au village). Et là aussi, le travail dans les vignes est « propre », les rangs sont enherbés et les sols labourés à cheval (en intégral ou non), pour ne pas tasser les sols, une attention particulière est portée au respect des équilibres naturels, à la biodiversité. Fred livre un véritable travail d’orfèvre et tout est fait dans le but de respecter au maximum le terroir et le raisin. En cave, les vinifications sont peu interventionnistes et se font en fûts de 500 L, souvent issus de bois des forêts voisines, tout comme l’élevage sur lies. Les dosages sont extra-brut.
Fred est un grand amateur de vins de Bourgogne et on peut justement trouver à ses champagnes un petit quelque chose de bourguignon avec une très grande élégance alliée à une trame bien vineuse. On aime aussi le fruité, la gourmandise, la tension et l’énergie de ces champagnes, qui ont toute leur place à table.
Les champagnes Suenen
Nous avons également rencontré Aurélien Suenen, une vraie force de la nature, qui semble investi dans de très nombreux projets à la fois, sur son domaine bien sûr mais aussi sur les enjeux qui comptent pour la Champagne. Ce jeune vigneron ancien éducateur sportif a repris le domaine familial au décès de son père en 2009. Il est totalement autodidacte ce qui nous paraît assez incroyable quand on pense au niveau qu’ont atteint ses champagnes en à peine 10 ans ! Dès le départ, il travaille son vignoble selon les principes de la bio, il s’est également fait aider par Claude et Lydia Bourguignon pour comprendre ses sols. Contrairement à la tendance majoritaire, Aurélien est passé d’un vignoble de 4,5 hectares sur la Côte des Blancs à 3,5 hectares aujourd’hui, répartis en 17 parcelles. Il a en effet réduit et rationalisé son vignoble puisque certaines vignes étaient trop éloignées du cœur de l’exploitation (celle sur le massif de Saint-Thierry). Le vignoble est composé entièrement de grands crus (à Oiry, Cramant et Chouilly), à l’exception d’une parcelle de 20 ares dans la vallée de la Vesle, qui a le grand intérêt d’être plantée en pinots meuniers non greffés.
Esprit bio dans les vignes donc, et en cave les fermentations sont spontanées, mais comme la fermentation démarre difficilement en cuves inox, Aurélien commence en cuves acier émaillées puis transfère le jus dans les cuves inox pour garder la pureté inhérente à cet élevage. Le reste est fait en barriques, foudres, demi-muids et œuf béton.
Les champagnes d’Aurélien sont bluffants par leur fraîcheur, leur matière aérienne, cristalline et pure, leur finesse et leur sapidité, leur minéralité et leur allonge impressionnante. Des champagnes vraiment délicats et pleins de charme !
Les champagnes Laherte
Nous avons également eu la chance de rendre visite à Aurélien Laherte, à Chavot au Sud d’Epernay. Ce domaine créé en 1889 s’étend aujourd’hui sur 11 hectares répartis en 75 parcelles dans la vallée de la Marne et la Côte des Blancs. L’exploitation s’est également dotée d’une structure de négoce pour acheter les raisins de la famille et de quelques copains. Le vignoble est planté en sélections massales issues de leurs vieilles vignes et l’encépagement est composé majoritairement de chardonnay et de pinot meunier. Aurélien, qui travaille au domaine depuis 2005 représente la 7e génération de la famille et œuvre dans les pas de son père Thierry et de son oncle Christian. Le vignoble est façonné de manière respectueuse pour l’environnement, la vigne et le terroir, tout comme les vignobles dont proviennent les achats de raisins.
En cave, la plupart des vins sont vinifiés sous bois, de manière parcellaire (dans différents contenants) et les malolactiques sont souvent pas faites. Dans l’ensemble, les vinifications sont lentes et peu interventionnistes.
La dégustation nous a clairement emballés par la personnalité de ces champagnes, à la fois généreux, denses, complexes et séduisants. La cuvée Vignes d’Autrefois 2015 notamment s’est montrée délicieuse dès sa jeunesse, élégante et équilibrée, très digeste et racée, offrant une très longue finale.
Les champagnes R. Pouillon
Enfin, terminons notre tour des champagnes de vigneron de la nouvelle vague avec les champagnes R. Pouillon, à Mareuil-sur-Aÿ et Aÿ. Fabrice Pouillon, représentant de la troisième génération à la tête du vignoble familial cultive son domaine de 6,5 hectares (répartis en 36 parcelles) sans produits de synthèse et de manière très naturelle. Il mène une réflexion profonde sur le travail des sols, qu’il souhaite presque entièrement arrêter prochainement (sauf sous le pied) grâce à la plantation de cultures fourragères spécifiques, qui cohabiteront bien avec la vigne. La vie des sols est stimulée au maximum, notamment via l’utilisation de composts fermiers.
En cave, les vinifications sont parcellaires et le pressurage se fait avec un pressoir traditionnel champenois, en trois presses ; puis l’élevage est réalisé en barriques. Les fermentations sont spontanées et les vinifications dans l’ensemble naturelles et peu interventionnistes. Les élevages se font en fûts de chêne, argile et émail.
A la dégustation, nous sommes séduits par tout ce que l’on goûte, du « simple » brut déjà si bien travaillé, élégant et équilibré jusqu’aux cuvées parcellaires comme Les Blanchiens, à la sapidité et la longueur impressionnantes. La cuvée brut Soléra nous a particulièrement plu, avec sa puissance et sa complexité, ses légères notes de pomme et d’oxydation maîtrisée.
La belle découverte : Etienne Calsac
Enfin, nous avons également fait une belle découverte avec un jeune vigneron que nous ne connaissions pas et dont nous n’avions jamais goûté les champagnes : Etienne Calsac, à Avize, Grauves et Bisseuil. Ce dernier s’est installé il y a 10 ans en créant son propre domaine après avoir récupéré 3 hectares de vignes de ses grands-parents. Etienne avait tout de même une certaine expérience entre son lycée viticole et des vinifications faites dans divers domaines en France et à l’étranger. Le vignoble est propre, les sols sont travaillés au cheval et les vinifications sont peu interventionnistes, certaines cuvées sont réalisées en tirage liège. Surtout, les champagnes sont très, très bons ! Finesse, droiture et salinité sont au rendez-vous et le vigneron semble avoir un petit grain de fougue qui le pousse à faire des expérimentations nouvelles comme sur sa cuvée Photogramme (contact pelliculaire dans la barrique), très réussie. On espère pouvoir vous proposer très rapidement ce nouveau coup de cœur.
Les champagnes Pierre Péters: la génération plus expérimentée mais tout aussi recherchée
On ne parle pas vraiment de la même génération pour Pierre Péters (bien qu’on ne soit pas non plus très éloignés), mais ce vigneron partage tout de même avec ces précédents vignerons le côté « nouvelle vague » dans le sens où il compte aujourd’hui parmi les signatures champenoises les plus recherchées des amateurs, comme on a pu le remarquer dernièrement sur les enchères iDealwine et un peu partout dans le monde.
Nous avons eu la chance de rencontrer Rodolphe Péters, vigneron passionnant, à la tête des 20 hectares (dont 16 en grands crus). Comme les autres domaines que nous avons visités, le travail dans les vignes est respectueux de l’environnement et même 1/3 du vignoble est conduit en bio depuis trois ans ; 80% du vignoble est planté en sélections massales, un sujet d’ailleurs important pour Rodolphe puisqu’il a créé son conservatoire de vignes au sein du clos accolé à ses bâtiments, afin d’opérer ses futures sélections massales.
Ici, tout se passe en inox, « pour respecter au mieux le matériel végétal et le terroir », l’inox étant totalement neutre pour les vins, ce qui leur permet de conserver un maximum de pureté et d’élégance. Le domaine s’est doté de deux pressoirs, afin de pouvoir presser les raisins très vite après les vendanges et tout le travail se fait en gravitaire, il n’y a aucun pompage. Comme tout se fait en inox, il faut utiliser des levures sélectionnées pour démarrer les fermentations, enfin la malolactique est réalisée pour certaines cuvées et pas pour d’autres. Il n’y a pas de soutirage, les vins restent sur lies grasses jusqu’au bout. Une partie des vins de réserve est conservée en béton, en inox et sous bois (grands contenants).
A la dégustation, les champagnes Pierre Péters se distinguent par leur puissance alliée à l’élégance, leur pureté et leur précision, leur grande complexité, leur fraîcheur, leur belle matière crémeuse et leurs arômes caractéristiques de noisette et d’amande fraîche. Toutes les cuvées sont de très haut niveau, de la cuvée de réserve jusqu’aux parcellaires.
Un grand merci à tous ces vignerons pour leur bel accueil ainsi qu’à Loïc notre agent chez Vinhop pour l’organisation de ce beau tour de Champagne !