Ferme de La Ruchotte 1

Je ne remercierai jamais assez le blogueur Vincent Pousson de m’avoir mis sur la piste de la Ferme de La Ruchotte. Grâce à lui j’ai pu faire ce qui restera à la fois comme l’un des plus simples et l’un des meilleurs repas de ma vie. En route pour un restaurant hors normes.

Pour commencer, La Ruchotte ça se mérite. Et ça ne s’improvise pas. Réservation obligatoire, plutôt quinze jours à l’avance que la veille. Et uniquement pour déjeuner, le vendredi, le samedi ou le dimanche. Ensuite, pas question d’arriver quand ça vous chante. Il faut se présenter entre 12h30 et 13h, point barre. Et pour arriver à l’heure, soyez dotés d’un excellent sens de l’orientation, ou espérez que le GPS de votre véhicule soit fiable (il est conseillé d’entrer longitude et latitude, il n’y a pas d’adresse précise). « Même quand on connait, on peut se paumer » note Pousson sur son blog… Ces préalables acquis, place au plaisir.

Ferme de La Ruchotte 2

Le plaisir commence par la route qui serpente au flanc de la côte de Beaune après avoir quitté l’autoroute, direction Bligny-sur-Ouche. Une toute mignonne route campagnarde qui traverse quelques vignes éparses des Hautes-Côtes avant d’arriver sur le plateau de Bessey-en-Chaume dont la terre rude et des poignées de conifères laissent deviner quelques hivers un peu sévères. L’arrivée à la ferme n’a rien de spectaculaire. On n’est pas ici dans l’authentique falsifié pour bobos en mal de racines, mais plutôt dans la simple réalité un peu dépouillée d’une ferme en activité. De jolis bâtiments anciens, solides et sans fioritures, entourés de vastes enclos où gambadent de joyeuses colonies de volailles de toutes sortes, mais aussi quelques spectaculaires porcs noirs de Bigorre et de délicats agneaux de Sologne.

La salle-à-manger est chaleureuse, quelques tables pour deux ou pour quatre mais surtout une épaisse table de ferme autour de laquelle on peut caser sans problème une bonne douzaine de convives façon table d’hôtes. De jolies assiettes et couverts anciens, de vraies grandes serviettes, on se croirait chez sa mamie à la campagne. Pour le menu, le choix est vite fait, il n’y en a qu’un à 45 euros (entrée, plat, fromage, dessert) affiché au mur et servi en même temps à l’ensemble de la salle.

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En cuisine, le propriétaire des lieux, Frédéric Ménager. Attention, ce n’est pas n’importe qui. Il n’a rien du citadin doué pour la cuisine et qui a choisi le « retour à la terre » ou du paysan local proposant une solide cuisine rustique. Frédéric Ménager est un authentique grand cuisinier, ancien second d’Alain Chapel, passé également par les pianos de Gagnaire. Un solide bagage technique, donc, mais frustré de ne pas pouvoir travailler des produits irréprochables. D’où l’idée du grand saut et de l’achat de cette ferme où il peut élever les meilleures races de volailles (Coucou de Rennes, poularde du Mans, poularde de Barbezieux, dinde rouge des Ardennes, etc.). Il va sans dire que le tout est très sérieusement bio… La spécificité de la cuisine de Fred est de proposer des plats quasi familiaux, réalisés avec des produits d’une qualité exceptionnelle (un mot qui a vraiment tous son sens) et avec la technicité discrète de sa formation. Pour prendre une comparaison avec le monde du vin, son travail s’apparente à celui du vigneron pratiquant une biodynamie exigeante et qui, à partir de raisins magnifiques, produit un vin magique de pureté et qui vous répond, quand on l’interroge sur ses méthodes : « C’est simple, en cave je n’interviens pas, je laisse le vin se faire tout seul. » Joli et modeste mensonge qui cache toujours en réalité une attention de tous les instants.

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A La Ruchotte on est dans le même registre. Ce jour-là, l’entrée était un œuf poché dans un bouillon de volaille aux herbes. Un truc tout bête, oui mais… Le bouillon était agrémenté d’une touche de citron caviar, un agrume qui renferme de petites perles qui éclatent en bouche et laissent échapper une vivacité citronnée très tonique. Les herbes du jardin (ciboulette et cerfeuil) venaient renforcer et compléter cette saveur dynamique merveilleusement tempérée par la douceur presque sucrée d’un jaune d’œuf de compétition qui vous donne l’impression d’apprécier pour la première fois de votre vie la saveur d’un œuf tout simple…

Le plat ensuite. Encore un intitulé sans chichis, mais précis : « Jeune coq vierge rôti en cocotte au four à bois, sauce à base de lie de vin rouge de chez Prieuré-Roch. » Là encore, quand vous aurez dégusté une première bouchée de cette volaille, vous allez comprendre que même ce qu’on appelle un poulet fermier chez votre boucher habituel, ressemble presque à une volaille de batterie à côté de celle-ci. Un goût et un moelleux que je n’avais encore jamais vus réunis. Quant à la sauce… En fait le mot sauce, qui fait un peu peur avec le cortège de gras et de lourdeur qu’il évoque, ne convient pas vraiment. Le mot jus de cuisson semble plus approprié. Peut-être même celui de boisson quand on se surprend à finir le fond de la cocotte à la cuiller à soupe ! Un goût diabolique de sauce légère au (très bon) vin, relevée de thym, d’échalote confite et d’un soupçon d’ail. Une tuerie d’une folle complexité !

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En accompagnement, une purée de même niveau, à la fois onctueuse et légère, bien meilleure que certaines purées réputées, gavées de beurre et qui ont l’onctuosité du mastic ! Dans les verres, un étonnant rouge de Ladoix 2012 du domaine Christian Perrin « élevé en jarre » d’un délicieux fruit croquant (et craquant !) et d’une texture d’un soyeux extrêmement délicat avec une jolie tension fraîche, l’ensemble faisant merveille sur le plat. La carte des vins fait évidemment la part belle à la Bourgogne (y compris de la Romanée-Conti !), et on y trouve en grande majorité des domaines en bio ou biodynamie et quelques-uns en version « nature » (Prieuré-Roch, Derein).

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Pour finir sur une note sucrée (le fromage, entre temps, étant plus anecdotique), de délicieux pots de crème à base de thé au jasmin, une saveur étonnante mais parfaite pour clore un repas en douceur, surtout accompagnée d’une brioche évidemment maison (comme le pain, parfait) d’un délicat goût beurré tout en discrétion.

Ce retour à une cuisine authentique est un voyage véritablement extraordinaire où on a l’impression de redécouvrir des textures et des saveurs qu’on avait sans doute un peu oubliées. Le paradoxe tient à cette incroyable simplicité apparente et ce bonheur complexe du goût retrouvé. Loin, très loin de cette cuisine moderne, avide de juxtaposition de goûts plus que de fusion, souvent chichiteuse à l’excès dans des présentations quasi « artistiques », mais très près par contre de l’authenticité du grand produit. Et si le fait de qualifier de très grand repas un simple œuf poché et une volaille en cocotte vous paraît excessif, allez donc faire un tour à La Ruchotte. C’est la meilleure façon d’y croire.

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Photos © La Ruchotte

Quelques liens complémentaires :

Ferme de La Ruchotte 8

Vincent Pousson et son déjeuner à La Ruchotte

L’article de Vincent Pousson sur le livre de recettes de La Ruchotte

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