Début octobre, la douceur corse nous invite quelques jours sur l’île de beauté. Après un lever aux aurores et un départ de Paris, nous arrivons au domaine Vaccelli à 10h. Nous en repartirons à 14h. Récit de ces merveilleux instants, en compagnie de Gérard Courrèges, le fils d’Alain qui créa ce domaine mythique au début des années 60.
Un domaine créé en 1962
A notre arrivée, Gérard, représentant de la troisième génération nous emmène dans les vignes. Il nous raconte l’histoire du domaine…
Roger Courrèges, pied-noir vigneron installé en Algérie à Médéa, quitte la région pour la Corse en 1962. Il acquiert un domaine d’une trentaine d’hectares à Cognocoli-Monticchi.
Son fils, Alain, électricien à Ajaccio, finit par rejoindre son père en 1974. Cette année-là, Roger décède brutalement. Alain n’y connaît alors rien en viticulture. Après le partage du domaine avec son oncle, il se forme donc au métier. Il creuse sa propre cave à la fin des années 70 et signe des vins rouges et rosés qu’il commence à vendre aux particuliers en direct au caveau.
Ses enfants Gérard et Nathalie reprennent le domaine en 2000. Ce dernier s’étend aujourd’hui sur 20,5 hectares, au cœur de la vallée du Taravo, à quelques kilomètres de la mer.
Cépages corses et culture bio
Dans les vignes, Gérard nous parle de ces cépages aux noms imprononçables pour le néophyte : sciaccarellu (majoritaire, environ 80%), carcaghjolu et minustellu pour les rouges, ainsi que vermentino (plus de 90%), genovese et autres pour les blancs.
Nous trouvons une multitude de geais dans les parcelles, qui ont pour habitude de se régaler des raisins situés en bout de rang avant les vendanges. Le domaine est également entièrement clôturé contre les sangliers depuis 2013. En effet, le millésime 2012 a vu la perte de 40% de la récolte à cause des cochons sauvages.
Gérard a également installé un système d’irrigation – une méthode autorisée dans toute la Corse – à partir de 2012, des suites d’une parcelle plantée en 2011 et dont 90% des vignes sont mortes par manque d’eau… Les tuyaux (compte-goutte) sont enterrés à un mètre de profondeur afin de favoriser des racines profondes. Il nous montre la vallée et nous explique que les nuages se séparent en face de lui, longeant les chaînes montagneuses qui l’entourent. Résultat : beaucoup moins de pluies que ses voisins.
La culture est menée en bio depuis 2008 (certifiée en 2019). Gérard veut aller plus loin et être certifié en biodynamie, mais le domaine manque pour l’instant de personnel. En effet, seulement trois personnes et demie sont aux vignes (avec l’aide de saisonniers pour la taille et les vendanges) et six à la cave. Un dynamiseur offert par Jérôme Bretaudeau est en tout cas prêt à l’emploi le jour où il se lance !
L’amour du terroir
Au fil de notre balade en pickup, nous nous arrêtons aux différentes parcelles emblématiques du domaine. Certaines portent le nom du terroir qui les représente (Quartz, Granit), d’autres de leurs lieux-dits, retrouvés sur un cadastre datant de Napoléon (Chioso Novo, Campo di Magna). A noter qu’une étude pour mieux connaître les terroirs du domaine a duré pendant six ans !
L’altitude au domaine oscille entre 50 et 160m. Les nombreuses influences apportent beaucoup de contraste, avec une belle amplitude thermique. Les parcelles sont touchées par le soleil (orientation plein sud), les brises maritimes (qui assèchent rapidement le végétatif), la rivière (qui apporte fraîcheur et humidité) et les sommets montagneux.
Gérard a une densité de plantation relativement basse : environ 3750 pieds à l’hectare pour les vieilles vignes et 4200 pieds pour les autres. Les vignes sont enherbées pour ne pas avoir trop d’érosion, le terroir de sable granitique étant propice à cela.
Issue de la parcelle de Granit, la cuvée Granit 174 a été créée en 2012. Cette année-là, l’équipe goûte les baies de la parcelle et réalise que sur une zone délimitée, certaines arrivent à maturité plus précocement et ont un surplus de complexité. « Le résultat d’une signature minérale (de granit) particulière ! » nous confie Gérard.
En cave : vinification délicate et soufre volcanique
Gérard sélectionne ses levures directement dans les parcelles pour la fermentation. La vinification se fait tout en infusion pour obtenir des vins délicats et des tannins fins. Au moment de la décuvaison, jus de goutte et jus de presse sont séparés pour l’élevage. Ce-dernier dure longtemps : près de deux ans et demi pour les rouges (en barrique de 600 litres), un an et demi pour les blancs et un an pour le rosé (en barrique de 500 litres, sur lies). Les fûts sont plutôt anciens (sauf pour Granit 174) et la chauffe délicate (moyenne moins). La volonté n’est pas de marquer les vins mais de leur apporter une micro-oxygénation longue. Les fermentations malolactiques ne se déclenchent généralement pas, mais si certaines arrivent, Gérard laisse faire.
Enfin, une attention toute particulière est apportée à l’usage du soufre. « Nous ne mettrons jamais de côté le SO2 » nous dit Gérard. En effet, le vigneron est prudent. En revanche, il a trouvé une solution intéressante : le soufre volcanique (qu’un autre vigneron star utilise dans la Loire : Mark Angeli). Compliqué à produire (on vous passe les détails techniques), sa magie réside dans le fait qu’on ne sent pas son impact à la dégustation (par rapport à un SO2 classique). Les doses sont légères, les vins rouges du domaine affichant un SO2 total compris entre 35 et 50mg/L.
Dégustation des millésimes 2022 et 2023
A la question « Combien de temps vos vins se gardent ? », Gérard nous répond qu’ils se gardent longtemps. Par exemple, il goûtait récemment les 2013 et 2014 qui étaient superbes. Cela étant dit, le vigneron a une préférence pour ses vins avec 5-7 ans d’âge, quand le caractère primaire est encore présent. Libre à vous de l’écouter ! Et aussi surprenant que cela puisse paraître, en Corse, on goûte parfois les rouges en premier !
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Les vins rouges
- Vaccelli 2022 : issu des jeunes vignes (18 ans en moyenne), cette cuvée présente des notes de petits fruits rouges (groseille) et d’orange sanguine. C’est délicat, frais, avec un élevage en vieux fûts (10-15 ans). Une superbe entrée en matière !
- Granit 60 2022 : aérien, éclatant, concentré, ce vin a connu un élevage en béton (80-90%) et un peu de fût. Des notes explosives d’orange sanguine, minérales, de safran et de rose se révèlent.
- Granit 2022 : une bouche portée par l’orange sanguine, les fruits noirs et une complexité venant de l’élevage (30-40% de fût neuf) avec un léger côté vanillé. La bouche est dense, pinote un peu, c’est grand ! Plantée en 1973 par le grand-père de Gérard, c’est la plus vieille parcelle !
- Chioso novo 2022 : les plus vieilles vignes du domaine donnent ici un vin aux notes de fruits rouges (groseille) avec plus de tension et une petite sucrosité dans cette bouche poudrée. La vinification sous-bois a ensuite laissé place à un élevage en wine globe.
- Granit 174 2022 : une bombe de concentration, longue, avec un boisé magnifiquement intégré (alors que 100% d’élevage en fût neuf). On retrouve également la trame signature du domaine avec l’orange sanguine, les fruits rouges et noirs, ainsi que des tannins crayeux. Coup de cœur. En moyenne, à peine 800 bouteilles de cette cuvée sont produites par an.
- Quartz 2022 : un assemblage de 51% de carcaghjolu, 42% minustellu et 7% sciaccarellu, de premier abord beaucoup plus austère, avec une trame tournant autour des fruits noirs délicats. C’est une vraie cassure par rapport aux autres vins rouges de la gamme !
Le vin rosé
- Vaccelli rosé 2023 : un joli rosé aux notes de petits fruits rouges et d’épices. La vinification et l’élevage ont lieu en foudres et fûts de chêne.
Les vins blancs
- Vaccelli 2023 : issu des jeunes vignes (les dernières plantées en 2012) du domaine, situées sur deux secteurs différents (en complément du bas des parcelles de Granit blanc), ce vin présente une trame fraîche, aux légers amers, avec des d’agrumes, de fenouil et bonbon arlequin.
- Granit 60 2023 : issu d’un élevage en œuf béton et en wine globe (depuis 2012), ce vin est plus tropical (ananas, yuzu, fruits de la passion), tout en gardant une belle fraîcheur et des amers nobles.
- Granit 2023 : uniquement élevé en barrique de 500 litres, ce vin provient d’un terroir avec très peu de sol. Il se dévoile tout en pureté, avec une grande finesse et un toucher crayeux. Coup de cœur.
- Campo di magna 2023 : ce lieu-dit a donné son nom à la cuvée, cela signifie en corse « champ » de Magna (un nom de famille sarde qui suggérerait que la parcelle eut appartenu à un sarde, ce qui est très étonnant selon Gérard). Le vin présente une belle salinité, avec des notes de citron mûr, de fleurs blanches et des amers nobles. Coup de cœur.
- Chioso novo 2023 : ce lieu-dit signifie en corse « clos nouveau ». Avec une petite sucrosité, ce vin présente des notes de citron, mirabelle, avec un surplus d’amplitude et de densité (lié à une petite proportion de 10% d’élevage en fût neuf). Le plus séducteur.
- Granit 174 2023 : un peu austère à ce stade, c’est une bombe de concentration, de pureté, élevée uniquement en wine globe.
- Quartz 2023 : plus mûr et plus large que les autres, ce vin est très différent des autres nectars de la gamme (comme son confrère en rouge) ! Des notes de pomme, poire et fleurs de sureau se dévoilent au gré d’une bouche asse large et de beaux amers. L’élevage a lieu essentiellement en foudre.
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