Mais que pourrait-il bien se produire quand un vigneron bordelais s’aventure en Argentine ? Et bien c’est l’histoire de Pierre Lurton et du domaine Cheval des Andes. Une histoire qui commence à Bordeaux, pour terminer aux pieds de la Cordillères des Andes. Une histoire qui remonte aux racines du malbec. Une histoire qui nous a été racontée par Gérald Gabillet lors de sa venue à Colombes. Alors, installez-vous, nous allons vous la raconter.
Suivre la route du malbec
Avant de décoller vers le domaine Cheval des Andes, nous vous proposons un petit tour d’horizon des vins et vignobles argentins. Cela fait maintenant 450 ans que les raisins argentins sont bichonnés et soignés pour finir en bouteille. Les Européens ont débarqué par centaines dans Nouveau Monde et ils n’ont pas perdu de temps avant de planter leurs premières vignes, et notamment des vignes de malbec. Le malbec argentin a cela de particulier qu’il a été importé de Bordeaux et planté avant la crise du phylloxéra. Donc, contrairement à ses cousins français, il n’a pas été greffé. Dans les années 1950, l’arrivée de Moët et Chandon dans l’arène donne un nouveau souffle plus qualitatif à la filière.
Sensible à cette histoire, Pierre Lurton, le directeur de Château Cheval Blanc, a voulu lui aussi y poser ses valises. En 1998, avec Renaud Poirier, œnologue chez LVMH, et Roberto de la Mota, il découvre Las Compuertas, un des domaines de Mendoza et ses vignes de malbec plantées en 1929 : un « vrai retour aux sources de Bordeaux ». Mais manque encore à ces terroirs, la notion de grand cru. En effet, à Mendoza, règnent les bodegas qui achètent du raisin à des producteurs, sur un modèle proche de celui des maisons champenoises. Comptent ainsi davantage la teneur alcoolique et le potentiel alcoolique plus que la qualité. Il n’en faut pas plus pour faire battre son cœur de Bordelais. Cheval des Andes nait l’année suivante, d’une joint-venture entre Terrazas de los Andes et Cheval Blanc. Cette ambition toute bordelaise de produire du vin en Argentine n’est pas nouvelle : de nombreux domaines comme Château Malartic-Lagravière se sont également installés sous le soleil argentin.
Un grand cru d’Argentine
Pierre Lurton, conseillé par Roberto de la Mota, ne pouvait pas choisir un meilleur terroir. Le domaine de 16 hectares est installé à Luján des Cuyo, sur des pentes douces et limoneuses, sur une sous-couche de calcaire, situées à 1070 mètres d’altitude. Le vignoble est donc protégé par la Cordelières des Andes qui bloque les vents frais. La vedette est laissée aux vieilles vignes de malbec. En 2001, Cheval des Andes s’aventure à La Consulta dans la vallée de l’Uco, et y acquiert Altamira, un second vignoble, sableux, toujours en altitude, plus ouvert aux vents, et planté de petit verdot et de cabernet sauvignon, né d’une sélection massale de Terrazas de los Andes. Les deux vignobles bénéficient de variations de température importantes entre le jour et la nuit, ce qui permet aux raisins de murir doucement.
Cependant, le domaine doit faire face à un défi pour l’instant inconnu à Bordeaux : la sécheresse et d’aridité. Les Incas avaient d’abord construit des oasis à Mendoza pour récupérer l’eau de la fonde des neiges. Aujourd’hui, chaque finca, est fermée d’un barrage, de compuertas, les petites portes, ouvertes uniquement par l’administration. Les terres sont donc plus inondées qu’irriguées. A Cheval des Andes, Pierre Lurton et Gérald Gabillet ont opté pour l’irrigation au goutte à goutte avant de contrôler l’apport en eau. Le vigneron peut ainsi jouer avec le stress hydrique pour assurer le bon développement des raisins. Cette décision s’inscrit dans un contexte de dérèglement climatique, de développement durable et d’économie d’eau. En parallèle, le domaine veille à rendre à la terre ce qu’elle lui donne, tant et si bien que le vignoble a parfois des allures de ferme. Dans la droite ligne de Cheval Blanc, il compte deux potagers bio, 3000 arbres dans les parcelles, notamment des oliviers et y gambadent des chevaux, des lamas, des alpagas, des moutons et des vaches. Le domaine produit aussi de l’huile d’olive, les animaux des engrais naturels et les moutons donnent de leur laine pour habiller les ouvriers du domaine.
Mais alors, comment produit-on un grand cru argentin ? Tout d’abord en prêtant attention aux raisins, et ce, toute l’année. Contrairement à ce qui était fait habituellement dans la région, les vendanges et la vinification sont indissociables. Cheval des Andes maîtrise donc ses vins, de la racine à la bouteille. Château Cheval Blanc, en tant que grand cru classé A, a apporté son savoir-faire à son petit frère. Terrazas de los Andes met également la main en ouvrage en apportant ses techniques typiquement argentines. Aussi, les vendanges manuelles commencent en avril. La vinification se fait à Terrazas de los Andes, le chai de Cheval des Andes ne devant être terminé qu’en 2025. Les vinifications parcellaires respectent l’identité du terroir et de la faire transparaitre dans le vin. Cheval des Andes et Cheval Blanc travaillent ensuite ensemble à l’assemblage. Les vins vieillissent ensuite pendant 16 à 18 mois. Le domaine possède une belle collection de vielles foudres et de barriques de chêne, fabriquées par Stockinger et adapte donc l’élevage en fonction des besoins du vin.
Sortent des caves un vin unique, provenant de deux vignobles différents, d’un assemblage de trois cépages, petit verdot, malbec et cabernet sauvignon.
Cheval Blanc et Cheval des Andes : deux frères, une famille
En 2019, le domaine a fêté ses vingt ans et il était grand temps qu’il prenne son indépendance et se faire un nom bien à lui dans le paysage viticole sans pour autant renoncer à l’héritage de Cheval Blanc et de Terrazas de los Andes. Un premier tournant est pris avec le départ de Roberto de la Mota en 2006 et l’arrivée de Lorenzo Pasquini en 2011, dédié entièrement au projet. Aujourd’hui, l’équipe compte 30 personnes, dont seulement un Français !
Mais au sein d’une famille, on se serre les coudes. Aussi, les équipes de Cheval des Andes sont-elles formées à Cheval Blanc. C’est le cas d’un jeune ingénieur agricole argentin, qui quelques jours après son arrivée au domaine, a repris sa valise pour Cheval Blanc. Là, il a été formé à la taille de la vigne, et une fois de retour en Argentine, a transmis le coup de ciseaux et de sécateur au reste de l’équipe. De même, Pierre-Olivier Clouet, directeur général de Cheval Blanc, vient à Cheval Blanc pour assister aux vendanges. Petit frère et grand frère travaillent donc main dans la main afin de produire des vins de qualité. Gérald Gabillet le dit lui-même : en Argentine, il est facile de s’enfermer dans une bulle, la participation de Cheval Blanc la fait éclater. Récemment, Cheval Blanc et LVMH ont officiellement reconnu leur petit frère en l’intégrant au groupe des Vins d’Exception LVMH aux côtés de Clos des Lambrays, Yquem…
Les « vins d’exception » de Cheval des Andes dégustés à Colombes
Aussi, les vins floraux, frais et généreux de Cheval des Andes se distinguent des malbecs argentins sucrés tels qu’on les connaît. Gérald Gabillet met un point d’honneur à livrer des nectars élégants, taillés pour le garde. Voici comme Pierre Lurton les présente : « Au fil des ans et des millésimes, le domaine a façonné son propre style. Initialement destiné à devenir un vin rappelant les bordeaux, Cheval des Andes est en réalité très argentin. Un Argentin qui traverse le temps au galop, avec élégance. Ce vin a une personnalité unique. » Et voici, comme iDealwine les présente :
- Cheval des Andes 2016 : Ce millésime fut, selon Gérald Gabillet, celui d’une légère panique : l’année fut particulièrement pluvieuse et fraiche avec le passage constant et frais d’El Niño. Ici, l’expérience bordelaise de Cheval Blanc a été particulière utile. 2016 fut également une année « exceptionnelle ». Après avoir passé 14 mois en fûts de chêne, le vin est prêt à boire : salivant, marqué par des arômes de fruits rouges et noirs, de menthe et d’épices, et par des tannins délicieusement fondants.
- Cheval des Andes 2019 : Ce millésime est particulièrement cher à Gérald Gabillet, puisqu’il s’agit de son premier pour Cheval des Andes. On sent alors clairement l’héritage des Châteaux Destieux et Angélus, notamment dans l’élevage. Le vin est particulièrement taillé pour la garde.
- Cheval des Andes 2021 : Ce millésime est différent du précédent, marqué par des élevages plus courts et peu d’extraction. Le vin est marqué par une grande fraîcheur, des notes d’eucalyptus, de poivre blanc, patinés par des tannins très fins.
Sont également disponibles sur iDealwine :
- Cheval des Andes 2018 : Un millésime caractérisé par la souplesse de ses tannins, la fraicheur et le fruité de ses arômes de fruits rouges.
- Cheval des Andes 2020 : Jancis Robinson lui accorde la note de 17/20. Et ce n’est pas pour rien : rondeur, fruits rouges cuits, notes herbacées sont au rendez-vous.
Et que dire du millésime 2024 ? L’année a été traversée d’orages et de tempêtes ce qui rend les raisins plus délicats à travailler. Les températures d’extraction sont donc plus basses afin de préserver les arômes primaires, et les macérations plus courtes pour assouplir les tannins, la promesse d’un joli millésime à venir.
Les meilleurs vins argentins disponibles sur iDealwine.