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Comment ?? Vous n’avez pas suivi nos premiers jours de virée dans le Beaujolais ? Heureusement, voici de quoi vous rattraper… Le 29 juin, premier jour de notre périple, nous avons rencontré le château des Bachelards, le domaine Louis-Claude Desvignes et Yann Bertrand. Le deuxième jour, c’est carton plein avec Jean-Marc Burgaud, Jean Foillard, Mee Godard, Marcel Lapierre et Marc Delienne. Voici donc notre récit de la troisième et dernière journée. 

Château Thivin : un havre de paix à Odenas

Le jour se lève sur Mâcon. C’est sans tarder que les deux portes de la voiture claquent et que le moteur se met à tourner, direction Odenas. Là-bas, nous allons bien sûr visiter le Château Thivin, qui est devenu une référence du Beaujolais pour tout amateur qui se plonge un peu dans cette région émergente. Notre voiture passe l’entrée du domaine, en contrebas sous les platanes, le panneau où l’on distingue les lettres « Château Thivin » complimente notre GPS.

château thivin beaujolais

C’est Claude-Edouard Geoffray qui nous accueille, lui et son grand sourire. Zaccharie Geoffray, un de ses ancêtres, fermier près de Villefranche, achète en 1877 le château Thivin aux enchères avec un peu moins de 2 hectares de vignes. Son fils et petit-fils – Claude et… Claude ! – reprennent par la suite le domaine et s’investissent pour en faire progresser la qualité et la notoriété. Les générations passent. Grâce au château Thivin, entre autres, la Côte de Brouilly – et le Beaujolais plus généralement-, gagnent en reconnaissance. C’est en 2007 que Claude-Edouard reprend à son tour le domaine familial, et continue de perpétuer cette tradition. « Assez parlé, mon épouse Sonja va s’occuper de vous ! ». Nous entrons au frais en attendant que Sonja ne vienne nous y trouver, avec un sourire aussi grand que celui de son mari. Décidément, ce domaine est véritablement un havre de paix ! Originaire de Suisse où elle a été éduquée au vin dans le vignoble Valaisan, elle poursuit une formation en viticulture et œnologie après son école d’ingénieur, c’est là qu’elle rencontre Claude-Edouard.

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Après un petit tour dans le chai, nous descendons à la cave où des foudres majestueux prennent le temps de voir passer les années, ou plutôt les millésimes ! Certains sont même centenaires ! « Je vois cela comme des œuvres d’art… Imaginez, chaque vin y a laissé son empreinte, sa signature. Chaque nouvelle cuvée prend donc un tout petit peu de ce passé dans ses arômes, et y laisse également un peu d’elle-même. Il faut dire que nous prenons soin de ces foudres : l’été, nous les arrosons pour ne pas qu’ils sèchent ». Une fois les raisins vendangés à la main, ceux-ci sont vinifiés en grappes entières ou sont partiellement égrappés. « Quand on est arrivés, on a voulu tout érafler. Puis, nous nous sommes rendu compte que non, ce n’était pas la signature du château Thivin… C’est passionnant de reprendre une maison familiale, nous héritons de certaines choses, d’un nom, d’un style de vin. Il faut réussir à jongler entre cet héritage et ce que nous souhaitons en faire pour la prochaine génération. » Les baies sont acheminées au pressoir dans le plus grand respect – sans utiliser de convoyeur ou de pompe – grâce à la gravité, car le cuvage est à flanc de colline. Ceci permet notamment que le vin ne soit pas en contact avec l’oxygène. Après le pressurage, les vins terminent leur fermentation dans ces foudres gigantesques, pour une durée de 6 à 8 mois.

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Une exception, la cuvée Zaccharie qui porte le nom du fondateur du domaine – ne vous en faites pas, son épouse Marguerite a, elle-aussi, droit à sa cuvée spéciale ! – est élevée en barriques de chêne français pendant une durée de 10 à 12 mois, avec 5% de barriques neuves. En somme, peu d’intervention, beaucoup de respect, le tout pour réaliser de grands vins !

Si le domaine n’est pas certifié en bio ou biodynamie, un grand nombre de mesures sont prises pour préserver la biodiversité : des bandes fleuries dans les vignes, l’utilisation d’engrais verts, le maintien d’arbres et de haies, le passage de moutons nains dans les vignes… Depuis maintenant 4 ou 5 ans, des essais en biodynamie sont également réalisés afin d’en tirer des conclusions sur la qualité des sols, de la végétation et des vins. Claude-Edouard et Sonja sont au plus près de la vigne pour l’observer, et c’est par un travail rigoureux qu’ils apprennent jour après jour à mieux la connaître.

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Nous passons par la maison, pour arriver de l’autre côté du domaine, où une table de dégustation nous attend. L’endroit est magique : la table en fer forgé est recouverte d’une jolie nappe blanche ombragée par le cèdre imposant, à croire que celui qui l’a planté avait pensé à tout cela à l’époque. A quelques mètres, les vignes, vallonées, qui parsèment ensuite tout l’horizon. Malgré la chaleur, l’ombre est délicieuse, accompagnée d’un petit vent agréable qui est lui aussi le bienvenu. Place à la dégustation : Beaujolais blanc Clos de Rochebonne, une parcelle qui se trouve dans les Pierres dorées, à Theizé « nous rêvions de faire du blanc », un nez vanillé et boisé. Place à la cuvée Marguerite – la femme de Zaccharie Geoffray, si vous avez suivi -, un terroir près du Mont Brouilly, c’est un nez de fleurs blanches, un vin plus rond. Puis le rosé 2018 et le gamay noir 2018, gourmands et frais. « Passons aux 2019 » nous propose alors Sonja avec son enthousiasme naturel. En Côte-de-Brouilly, ces cuvées passent en file indienne dans nos verres : Les 7 vignes – très fin -, La Chapelle – « la parcelle la plus dure à travailler, mais une vue… ! » à croire qu’on devine ce paysage dans les yeux de Sonja quand elle le raconte -, Les Griottes de Brulhié – l’ancien nom de ce lieu-dit était « Côte-de-Brouilly »… autant vous dire que l’INAO travaille sur le dossier -, puis en Brouilly nous dégustons la cuvée Reverdon, un nez floral et fruité. Comment ne pas terminer en beauté sur un magnifique Zaccharie 2018, un vin de garde pourtant déjà très plaisant au palais, de la mûre, du cassis… un délice !

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Petite surprise pour la fin, la journée commençait déjà sous le signe de la perfection : la cuvée Chapelle dans son millésime 1998, nous avons été surpris par la minéralité de ce vin encore si présente, un vin exceptionnel, des fruits rouges compotés.

Thillardon : l’audace de deux passionnés à Chénas

Comment ne pas être déçus à l’idée même de nous diriger vers le dernier domaine de notre tour dans le Beaujolais avant de rentrer à Colombes ? La seule solution est de terminer par le domaine Thillardon… Qui que vous soyez, vous y serez accueilli comme un ami, et avant même de repartir, vous aurez en tête votre prochaine visite ! Nous arrivons dans la cour, sous un soleil de plomb. C’est Paul-Henri qui nous accueille alors, casquette vissée sur la tête qui nous laisse apercevoir sous son ombre le sourire franc de ce jeune vigneron. Paul-Henri ? Il a « tout simplement » installé son domaine viticole à 22 ans à Chénas après un bac pro viti-œno, tombé amoureux de cette appellation et de ses vins. Son père était lui aussi vigneron, dans le Sud du Beaujolais à Frontenas (pays des Pierres Dorées) et vendait son vin en caves coopératives. L’image de la famille Thillardon change alors rapidement en terre beaujolaise lorsque Paul-Henri décide de travailler ses vignes en bio, de mettre en avant la commune de Chénas par des cuvées parcellaires. En quelques années, il devient le premier ambassadeur de cette appellation désormais reconnue par les amateurs, notamment grâce aux parcelles du lieu-dit Chassignol. Ces vignes plantées derrière la maison et la cuverie sur une colline pentue donc labourée à cheval, appartiennent aujourd’hui au domaine Thillardon, en monopole. Chassignol représente même près de la moitié de la superficie du domaine.

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Charles, « Charly », sort nous retrouver dehors. Petit frère de Paul-Henri, celui-ci l’a rejoint depuis quelques années déjà. C’est désormais ensemble qu’ils tiennent le domaine, qui ne porte donc que leur nom de famille. Nous entamons un petit tour de l’exploitation avant la dégustation. Nous passons devant le monopole de Chassignol. « Depuis que nous avons fondé le domaine, nous avons une vision du bio très large : ce n’est pas un simple label, c’est également une manière de vivre. Quand nous avons acheté les vignes et la maison, on nous les a cédées aussi parce que nous avons souhaité travailler selon cette philosophie, garder tous ces bois qui entourent les parcelles, favoriser l’agroforesterie… Nous avons un parc animalier au milieu des vignes, là-bas, vous voyez ? Des chevaux, des vaches, des cochons, des volailles… Non seulement certains nous aident dans le travail, les chevaux notamment, mais c’est aussi un équilibre qui est bon, qui fait partie de notre façon de travailler et de nos valeurs, et il faut le dire, nous sommes très heureux de déguster nos terrines en même temps que nos vins. Nous avons des ruches aussi… tout cela nous occupe chacun au moins une heure par jour en plus du travail des vignes et de la cave. Ça nous permet de garder les pieds sur terre, et ça fait partie de notre convivialité et de l’esprit de famille que nous avons ici au domaine. »

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Nous passons devant le pressoir extérieur, puis allons à la cuverie et à la cave. Pour les cuvées classiques, ils procèdent de la manière suivante : égrappage (avec 30% de vendanges entières en fond de cuve), encuvage à froid – le cuvage est enterré et donc naturel-, les macérations sont longues et durent de 3 semaines à 1 mois, fermentation avec levures indigènes, élevage en cuve béton et sous-bois, filtration minime, pas de soufre ajouté ni de chaptalisation. « L’avantage de ne pas avoir nos parents avec nous ici est que nous avons pu travailler véritablement comme nous voulions le faire. Nous avons eu la chance pour cela d’être très bien entourés par des gens comme Jean-Louis Dutraive, (domaine de la Grand’Cour à Fleurie) qui nous a confortés dans notre volonté à vouloir produire des cuvées nature. »

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La table de jardin est à l’ombre, cela tombe bien : il est maintenant l’heure de déguster. Commençons par les Carrières de Chénas dans son millésime 2018, une parcelle orientée plein sud, un vin fruité et facile qui prend de la tension en vieillissant. « Coup double ? Nous avons tous les deux eu des jumeaux la même année… ça valait bien une cuvée ! » un sol granitique, pour un vin de caractère aux notes de cerise. La cuvée Vibrations est le premier test de vinification biodynamique : un bel assemblage de plusieurs terroirs, dont bien entendu Chassignol… Un délice avec une jolie viande et même un poisson. Les Blémonts présentent une finale assez minérale, vin produit sur un sol argileux. Nous dégustons ensuite la cuvée Moulin-à-Vent dont les vignes sont orientées sud-est, un gamay robuste. Chassignol désormais, une cuvée produite à partir des vieilles vignes du lieu-dit, un vin structuré…

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« Avant de passer à table, je vous fais déguster notre chardonnay, qui provient de vignes du sud du Beaujolais, à une cinquantaine de kilomètres d’ici ». A peine avons-nous le nez dans le verre, que toute la famille Thillardon déboule gaiement comme une petite ruche en action et commence à apporter d’autres chaises. Paul-Henri et Charles, avec leur joie de vivre communicative, disposent la table, installent leurs enfants – une jolie petite bande – tout en répondant à nos nombreuses questions. En quelques minutes, nous nous retrouvons une belle quinzaine à table, famille, anciens vendangeurs devenus amis, collègues d’iDealwine de passage en Beaujolais. « En fait, nous sommes désormais quatre Thillardon à travailler ici : notre sœur et notre petit frère nous ont rejoints récemment… Il n’en manque plus qu’une et nous serions au complet ! » disent-ils en faisant passer la terrine de porc maison et la grosse miche de pain bio venue tout droit d’un petit boulanger ami.

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Nous nous souviendrons longtemps de ce long repas passé dans la simplicité au domaine Thillardon. Deux vignerons aussi travailleurs qu’humbles, passionnés par leur art de vivre et par leur métier. Après ces quelques heures passées ensemble, nous comprenons un peu mieux avec quelle volonté ce domaine a donné ses lettres de noblesse au cru Chénas. C’est avant de partir – heureusement que nos places n’étaient pas réservées sur le train précédent…, nous l’aurions longtemps regretté – que nous avons l’immense honneur de déguster à leur côté une bouteille de Chassignol 1955, qui était restée dans la cave du domaine au moment de l’achat par Paul-Henri. Dégustation mémorable, autant que l’aspect extérieur de cette bouteille qui semble avoir traversé le temps.

Notre passage dans le Beaujolais se termine ici. Nous avons été ravis de rencontrer ces vignerons amoureux de leur région, qui ne cessent de la faire connaître aux amateurs. Les méthodes de travail, la philosophie, le dynamisme de ce vignoble nous portent à croire que chaque passionné de vin se doit désormais de s’intéresser très sérieusement à ces crus et à ces incroyables appellations. 2019 semble à la fois frais et plaisants dès aujourd’hui, et très prometteur pour la garde, notamment pour ceux qui prolongent les élevages.

Si vous voulez relire nos articles sur le premier et le deuxième jour de cette virée, n’hésitez-pas !

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