Avez-vous déjà fait les vendanges ? Moi oui… Depuis que je sais tenir des ciseaux dans mes petites mains. Fille de vignerons, je me rends tous les ans en Bourgogne, dans le village de Meursault. Je reviens pour vous sur ces trois jours passés du 18 au 20 septembre derniers, armée de mon seau et de mon sécateur.
J’aime l’émulation des vendanges
Fille de vignerons, il est tout à fait naturel pour moi de revenir chez mes parents au moment des vendanges, cette période qui est une sorte d’aboutissement d’une année de travail en vignes mais aussi un véritable commencement du millésime à venir. Le vigneron œuvre par le froid glacial de l’hiver et les belles matinées de printemps pour préparer ces quelques jours, mais également à vinifier et élever de son mieux les fruits qui y sont récoltés.
Pas le choix : non seulement je viens vendanger et retrouver mes frères et sœurs également présents pour prêter main forte, mais je vais aussi poser une journée en plus du weekend histoire d’être d’une aide encore un peu plus précieuse pour les miens.
Si vous n’avez jamais été dans une région viticole à cette période phare de l’année, je vous conseille vraiment de vous y rendre afin de goûter à cette excitation, à ce fourmillement de camions et de vendangeurs, de hottes et de brouettes, que vous pouvez sentir au coin des chemins qui entourent les vignes, à cette agitation parfois un peu tendue des vignerons qui jouent leur année sur ces quelques jours. Le film de Cédric Klapisch Ce qui nous lie (je l’aime beaucoup et vous le conseille, il est justement tourné à Meursault, entre autre 😉 ) dépeint admirablement le tableau. Venez, mais attention : laissez la place à ceux qui travaillent, attendez-vous à faire quelques manœuvres automobiles dans les chemins de terre pour laisser passer le tracteur et la benne, et à rouler à 20 km/heure sur la nationale qui longe toute la Côte de Beaune et la Côte de Nuits.
Le premier jour à Meursault, le chardonnay en peine
Tout est prêt : les sièges des mini-bus sont couverts de sacs poubelle pour éviter de ne trop les salir, les caisses immaculées sont alignées avec les seaux disposés à être embarqués pour la première vigne, les sécateurs sont consciencieusement classés et graissés, le fumet du premier dîner avec toute l’équipe se répand alors que les derniers vendangeurs arrivent de la gare. Après les présentations (certains croient encore pouvoir retenir les 35 prénoms en un soir), mon père prend la parole « Demain, il va faire beau et vu la météo des deux prochains jours, il serait dommage de ne pas en profiter. Les camions partent à 7h30 de la cour, le mieux est donc que vous soyez dedans ».
Après une nuit reposante (en général nous évitons de faire la fête dès le premier soir), nous attaquons la première vigne classée en appellation Bourgogne, et presque à la limite de Volnay : les Durots. Mon père fait en général peu de dessins au moment où les nouveaux coupent leur première grappe pour la placer dans leur panier : « Les feuilles tombent en hiver, vous pouvez donc les arracher pour éviter de vous couper les doigts ou d’oublier des grappes. Ça, c’est ce qu’on appelle du verjus, ce sont les raisins qui ne sont pas encore mûrs à ne pas prendre, comme les raisins pourris. Voilà ! Vous savez tout ! ». Ah non, j’allais oublier : « pas de sécateur dans le seau », c’est ce que mon grand père n’a de cesse de répéter « une année, je me souviens (en général il cite le millésime), un sécateur oublié dans un seau nous a crevé le pressoir… alors pas de sécateur dans le seau ».
Après les Durots et un casse-croûte bien mérité (les vrais prennent de la terrine maison ou même des harengs avec des rondelles d’oignons à 9h du matin), nous partons pour un autre lieu-dit de Meursault, Sous la Velle, qui porte le nom de la magnifique propriété que l’on aperçoit à l’orée du village. Encore une fois, le constat est très clair : cette année, le chardonnay a été bien abîmé par le gel et les différentes maladies dues à cet été humide. Mon père le confirme « Meursault est parmi les appellations les plus touchées dans les coteaux ». Le dos courbé dans la vigne, et à force de (tout de même) remplir des seaux de raisin, je me rends compte que, sur une même parcelle, certaines parties sont plus touchées que d’autres. Ce sont les aléas climatiques et, décidément, l’on ne maîtrise pas cette nature qui nous est prêtée. Pour ceux qui n’auraient pas lu notre article sur le gel de printemps 2021, je vous enjoins à le faire pour comprendre les défis que rencontrent les vignerons français depuis quelques années maintenant, en plus des maladies comme l’oïdium. Nous terminons la journée dans le Moulin Landin, en appellation Meursault, une vigne juste en-deçà des Charrons (pour ceux qui connaissent leur géographie viticole murisaltienne par cœur), également marquée par les aléas. Décidément, 2021 ne sera pas un « millésime du siècle ». Le soir, le délicieux repas et les bons vins servis permettent aux vendangeurs de toucher du doigt cette culture bourguignonne qui nous tient tant à cœur et que nous aimons partager. Un ban bourguignon et au lit !
Dernier jour à Corton, Auxey-Duresses et Monthélie, le pinot noir rescapé
Dimanche = pluie. Et, quand il pleut, c’est une autre ambiance ! Nous attendons le lundi pour reprendre un peu plus au sec, les raisins peuvent patienter une journée de plus selon les calculs du vigneron. Nous commençons la journée avec un peu de route : nous allons à Aloxe-Corton pour vendanger notre grand cru les Fiètres planté en rouge et en blanc, une merveille pour les papilles une fois en bouteille. Les rares grappes sont coupées avec beaucoup de soin et pré-triées en vigne, et c’est souvent mon rôle dans cette magnifique parcelle qui donne sur un joli château aux tuiles jaunes vernissées. Nous terminons la journée également la tête dans les pieds de vigne de pinot noir dans les villages d’Auxey-Duresses (en 1er cru) et de Monthélie. Si les raisins ont des stades de maturation différents, ce cépage a été moins touché par le gel que son cousin blanc, étant donné qu’il bourgeonne plus tard. Cela fait donc plaisir aux yeux, déjà comblés par la vue majestueuse que nous avons de ces parcelles. Un tri précis a lieu en cuverie, pour tirer de ce beau fruit le meilleur.
Courbaturée, je rentre à Paris tout de même heureuse d’avoir participé une fois de plus et à la force de mes petits doigts à ce millésime qui s’annonce maigre en quantité (surtout en blanc) mais d’une belle qualité. Bonnes vendanges à tous les vignerons, et amis lecteurs pensez à vous inscrire pour y participer pour le millésime 2022.
Tous les vins de Meursault en vente